Devant le Refuge solidaire, de très jeunes migrants Afghans et Iraniens. © Yves Magat
Depuis son ouverture il y a trois ans, le Refuge solidaire de Briançon a déjà vu passer plus de dix mille réfugiés, pour des séjours en général très courts, rarement plus de trois à quatre jours. Le nouveau maire de la ville française, dans le département des Hautes-Alpes, veut fermer cette structure d'accueil au 28 octobre. Notre reportage.
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Comme tant d’autres en ce moment, ils ont fui l’Afghanistan, où la guerre est sans fin entre l’armée gouvernementale, les islamistes talibans et de nombreuses factions rivales politico-maffieuses. Malheureusement, dans la violence de la traversée d’une autre frontière, entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, ils ont perdu de vue leurs parents et ont décidé de continuer sans eux. Parmi les migrants qui arrivent ces derniers mois ici à Briançon, les nombreuses histoires de violences perpétrées par les gardes-frontières croates font froid dans le dos.</p> <p>Le réseau solidaire organise rapidement une prise en charge des trois adolescents afin de les amener à Paris où des amis de leur famille devraient les recevoir. Tout le monde espère que leurs parents les y retrouveront dans un bref délai mais pour l’instant les enfants n’ont pu reprendre aucun contact téléphonique avec eux.</p> <h3><strong>Afghans et Iraniens</strong></h3> <p>Depuis son ouverture il y a trois ans, le Refuge solidaire de Briançon a déjà vu passer plus de dix mille personnes pour des séjours en général très courts, rarement plus de trois à quatre jours. Il n’y a maintenant plus beaucoup d’Africains de l’ouest, comme c’était le cas jusqu’à l’an dernier. Actuellement ce sont surtout des familles afghanes (souvent de la minorité hazara) et kurdes iraniennes qui ont parfois derrière elles plusieurs années de voyage hasardeux et des séjours horribles dans les camps des îles grecques. Et même ici, rien n’est joué. La gendarmerie effectue régulièrement des rafles dans la gare de Briançon, comme celle à laquelle j’ai pu assister. Les migrants qui s’apprêtaient à prendre le train sont reconduits à la frontière. 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Je m’inclus modestement parmi ces derniers pour avoir couvert pour la RTS plusieurs événements antérieurs à cette crise. </p> <p>Flashback et premier acte: j’étais en Ossétie du Sud en 2008 lorsque le président géorgien Saakachvili a voulu récupérer militairement ce territoire. Ses habitants avaient été instrumentalisés, en même temps que ceux d’Abkhazie, par une indépendance orchestrée de Moscou à la chute de l’URSS. Le président géorgien espérait naïvement un soutien militaire occidental. Et comme les Ossètes détestent les Géorgiens pour des raisons que l’histoire et les grandes puissances leur ont imposées, ils ont cru brièvement à leur salut par la Russie. Tous les habitants de ce territoire que j’ai rencontrés se réjouissaient alors de leur nouveau passeport russe distribué largement. Pour eux, l’agresseur qui les bombardait était l’armée géorgienne. J’ai pu voir les tanks russes arriver à leur rescousse par le tunnel de Roki depuis l’Ossétie du Nord qui fait partie de la Fédération de Russie. On a donc tous fermé les yeux. Après tout, si les Ossètes du Sud veulent se réunifier avec les Ossètes du Nord au sein de la Russie…</p> <h3>Les «petits hommes verts» en Crimée</h3> <p>Deuxième acte: j’étais en Crimée en 2014 le jour de l’invasion par les «petits hommes verts». On appelait ainsi les soldats sans identification envoyés par Moscou. Mais les bidasses russes n’ont plus la discipline d’antan. Certains soldats avaient oublié de dévisser les plaques russes de leur véhicule… Il faut reconnaître que Sébastopol est une ville fondamentalement russe par son histoire et sa culture. Elle forme une division administrative à part. Quant à la majorité russe du reste de la Crimée, elle a accueilli avec satisfaction la réincorporation de la péninsule dans la Russie dont elle faisait partie jusqu’à son transfert en 1954 par Nikita Krouchtchev dans la république socialiste soviétique d’Ukraine.</p> <p>A l’époque, ce changement, commémorant un anniversaire historique, était sans importance puisque tout se passait au sein de l’URSS. Et les Russes de Crimée n’étaient pas mécontents de se débarrasser des vexations administratives que leur infligeait le gouvernement de Kiev. Quant aux Ukrainiens de Crimée, ils étaient eux-mêmes essentiellement russophones et n’ont guère réagi. Seuls les Tatars ont exprimé leurs craintes. Du coup leurs chaînes de télévision et radio de Bakhtchissaraï ont été aussitôt fermées par le nouveau pouvoir russe. A priori je continue de penser que la Crimée n’est pas plus ukrainienne que russe ou tatar. Néanmoins ce n’est pas aux chars de Poutine, ni à la parodie de référendum organisé en deux semaines, de décider de l’avenir de cette péninsule qui a vu le passage de plus de vingt-cinq peuples dans son histoire. Finalement l’Occident a condamné mollement.</p> <p>Troisième acte: le Donbass. Les difficultés économiques provoquées par le déclin des mines de charbon et l’indifférence du pouvoir central de Kiev ont pu être instrumentalisées facilement par Moscou. Même si le gouvernement ukrainien a commis de graves bévues, notamment en déclassant le statut de la langue russe, le problème n’est pas ethnique ou linguistique. Ici comme dans le reste du pays, un nombre infini de familles ont une double origine, russe et ukrainienne. Les affrontements sanglants qui s’y déroulent depuis 2014 ne sont qu’un moyen de plus du système Poutine pour faire pression sur un pays soupçonné de vouloir quitter la sphère d’influence russe. Les heurts violents avec l’armée ukrainienne ont pu donner l’impression qu’il y avait des torts des deux côtés. Et le gouvernement de Kiev a trainé les pieds pour accorder plus d’autonomie à cette région, comme le stipulaient les accords de Minsk de 2014 et 2015 que personne n’a respectés. Malaise et donc absence de réaction de l’Occident.</p> <p>On peut ajouter à tout cela la situation de la Transnistrie, cette bande de territoire, également autoproclamé indépendant au sein de la Moldavie, le long de la frontière ukrainienne (ce n’est pas un hasard). On y trouve évidemment des bases militaires russes. L’Occident s’en est désintéressé totalement, regardant cette affaire avec commisération, comme s’il s’agissait de la Syldavie de Tintin. La boucle est bouclée. L’Ukraine pouvait être attaquée, avec l’aide du vassal biélorusse dont le territoire complète une bonne partie du verrou.</p> <h3>Rêve de puissance eurasiatique</h3> <p>Les hommes vieux et paranoïaques qui encadrent Poutine croient maintenant rejouer une version de la «Grande guerre patriotique». Ces purs produits des services de sécurité soviétiques peuvent au passage museler enfin la Russie. Peu importe que leur pays soit devenu un «Etat-paria». Poutine a coupé définitivement les ponts avec l’Occident en prenant ses rêves de grande puissance eurasiatique pour la réalité. Il menace le monde d’une guerre atomique, ce que même les dirigeants soviétiques n’ont jamais osé faire en quarante-cinq ans de guerre froide. 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Ici chacun est dûment identifié par son origine prolétarienne: mécanicien, ouvrier automobile, etc. Et bien sûr l’effort ne doit pas être gratuit: on en profite pour amener au sommet une station météo, des appareils de transmissions radio et… un buste de Joseph Staline. L’équipe est encadrée toutefois par un jeune homme au regard franc et à la profession moins prolétaire, le peintre-sculpteur sibérien Evgueni Abalakov, un homme qui deviendra avec son frère Vitali l’un des plus grands alpinistes soviétiques au travers de la <em>Société du tourisme prolétarien</em>.</p> <h3><strong>L’alpinisme: une mission d’Etat</strong></h3> <p>Evgueni est une force de la nature. Alors que ses compagnons sont épuisés par le froid (- 45° C) et l’altitude (plus de 7000 m.), il fait des allers et retours pour poser des cordes ou croquer sur un cahier des vues des sommets: le pic Guépéou (ancêtre du KGB…) ou le <em>Mur de l’Armée rouge des paysans et des ouvriers</em>. Chacune des expéditions de cette époque est une victoire humaine et politique dont on cache soigneusement les tragédies: engelures, avalanches, crevasses et infections ont leur compte de victimes mortelles. Le matériel est sommaire, même pour les standards de l’époque, mais les alpinistes font la une des journaux soviétiques. Leurs photos apparaissent en première page avec des visages blancs de crème lanoline, corde de chanvre à l’épaule, lunettes noires et lèvres gercées. Ils accomplissent un devoir, une mission d’Etat: «L’enjeu de l’ascension du pic Staline, c’était de remplacer Dieu par le marxisme, sur l’autel de la Terre»<em>,</em> écrit Cédric Gras. C’est ainsi que les sommets se succèdent: pic Staline, pic Lénine, pic du Communisme, pic Karl Marx…</p> <h3><strong>Un Suisse au pays des Soviets</strong></h3> <p>L’auteur a épluché les archives soviétiques et exploré sur place les terrains de conquête des alpinistes soviétiques de l’époque. Ces sommets étaient négligés par leurs confrères occidentaux, intéressés surtout par les Alpes et l’Himalaya. Avec de rares exceptions toutefois, celles de quelques Suisses. L’écrivaine Ella Maillart aurait aimé participer à l’une de ces ascensions, comme elle le mentionne dans <em>Des monts célestes aux sables rouges,</em> que cite Cédric Gras. Sans succès toutefois. Sa lucidité face au stalinisme la rendait probablement suspecte. Par contre le militant communiste soleurois Lorenz Saladin parvient à s’infiltrer dans le cercle très fermé des alpinistes soviétiques. Il devient un ami inséparable des deux frères Abalakov et de leurs compagnons de cordée. A ses talents de montagnard expérimenté, le Suisse en ajoute un autre précieux, il est un photographe hors-pair. Ses expéditions au pays des Soviets se succèdent: Caucase, Pamir, Altaï, Tien-Shan. Ses clichés, disparus pendant de nombreuses années, sont époustouflants et ne se limitent pas aux montagnes. Ils documentent abondamment les populations de ces régions asiatiques et sont visibles au <em>Musée alpin suisse</em> de Berne. Pour raconter au passage les aventures de l’alpiniste suisse, Cédric Gras s’inspire du livre de l’émouvante Annemarie Schwarzenbach : <em>Lorenz Saladin, ein Leben für die Berge</em>. Cette autre grande écrivaine voyageuse suisse avait été impressionnée par le Soleurois et avait cherché, autant que possible à son époque, à en retrouver le parcours, en se rendant même jusqu’à Moscou pour cela.</p> <p>Lorenz Saladin finit pourtant tragiquement. En 1936, il participe à une expédition délicate dans le Tien-Shan. C’est un massif très septentrional et en raison des difficultés administratives d’obtention de son visa, le départ de la colonne est retardé jusqu’à fin août. Trop tard car les conditions météorologiques sont alors cauchemardesques. Les accidents se succèdent lors de la descente du sommet du Khan Tengri. Vitali Abalakov et d’autres compagnons de cordée perdent plusieurs doigts des mains et des pieds. Il faut encore zigzaguer vingt kilomètres entre les crevasses et les moraines du glacier Inyltchek. Lorenz Saladin, malgré son équipement de qualité «suisse», subit lui aussi de graves engelures. Ses doigts sont noirs et puent la charogne. Vitali tente de le soigner en ouvrant au couteau les chairs mortes qu’il désinfecte avec le pétrole des lampes. Le 17 septembre 1936, l’alpiniste communiste suisse meurt dans d’atroces souffrances, probablement de septicémie.</p> <h3><strong>Victimes de la Grande Terreur</strong></h3> <p>Une année plus tard, inévitablement, le couperet de la <em>Grande Terreur</em> finit par tomber aussi sur les alpinistes soviétiques comme sur le reste de la société. Une purge du NKVD vise la prétendue <em>Organisation contre-révolutionnaire facho-terroriste des alpinistes et randonneurs</em>… Le 4 février 1938, Vitali Abalakov est arrêté chez lui à Moscou. Il est torturé puis accusé d’avoir participé à une tentative d’assassinat du camarade Staline lors du défilé du Premier Mai. Comme tout le monde il avoue n’importe quoi et dénonce n’importe qui. Le défunt Lorenz Saladin devient un espion suisse pour lequel il aurait travaillé. On ne saura jamais pourquoi l’autre frère Abalakov, Evgueni, n’a jamais été inquiété, ni pourquoi Vitali est finalement libéré deux ans plus tard.</p> <p>Puis la <em>Grande guerre patriotique</em> utilise les compétences des rares alpinistes ayant échappé au goulag, comme Evgueni Abalakov. Grâce à eux, en 1943, les troupes allemandes sont chassées du Mont Elbrouz, le sommet de l’Europe. Mais ce prodigieux alpiniste, qui rêvait d’être le premier à escalader un jour l’Everest, meurt piteusement en 1948 dans sa salle de bain, intoxiqué par le chauffe-eau à gaz, une version que sa veuve et son fils réfuteront toute leur vie, sans preuve.</p> <p>Pendant ce temps, Vitali, partiellement handicapé, développe du matériel d’escalade. Mais malgré ses amputations, il cède à nouveau au virus de la montagne. Avec une force de volonté hors du commun, il reprend du service en serrant les dents lorsque ses moignons sont trop douloureux. Il est nommé à la tête de la section d’alpinisme du club sportif <em>Spartak</em> et mène avec une discipline de fer une succession d’expéditions. Son dernier sommet, le 30 août 1956, est le pic de la Victoire, le seul 7000 d’URSS encore vierge. La montagne est face au Khan Tengri qui lui a couté ses doigts et la moitié d’un pied trente ans plus tôt. 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C’est la journée de nettoyage des bisses, ces canaux d’irrigation centenaires qu’on appelle ici des Suonen. Il faut les dégager des branches et des pierres qui s’y sont accumulées pendant l’hiver. Le système de gestion des bisses au travers de «consortages» est le thème de la nouvelle exposition du <a href="https://www.musee-des-bisses.ch/" target="_blank" rel="noopener">Musée valaisan des Bisses</a>, dès le 24 avril à Ayent.</p> <p>Ici à Ausserberg, c’est maintenant la pause de midi. Chacun s’assied sur la pente face au soleil. Les installations industrielles de Lonza, loin en contrebas, sont bien visibles et permettent d’imaginer la production frénétique des vaccins contre le covid-19. 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Le troisième collier définit précisément la quantité d’eau à laquelle chaque membre du consortage a droit en fonction de ses prairies. Depuis les premiers documents du XVè siècle qui prouvent l’existence des bisses en Valais, le système a quand même passablement évolué, même s’il garde sa philosophie communautaire originelle. Aujourd’hui, l’intervention financière ou logistique des communes, voire du canton, est fréquente. Et le branchement des bisses sur des systèmes modernes d’arrosage est maintenant courant.</p> <p>A Ausserberg, il n’y a plus que vingt-cinq agriculteurs à temps partiel et une agricultrice à plein temps. Mais dans ce village, comme ailleurs dans le canton, tout le monde est attaché à ses bisses. On en dénombre actuellement 188 en Valais, totalisant 742 km. Tous ne sont toutefois pas fonctionnels pour l’agriculture. De nombreux bisses ont acquis une vocation touristique et sont longés par des sentiers de randonnée très fréquentés en été. 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Ils libèrent ensuite de l’eau de fonte pendant l’été, justement lorsque les coteaux ont besoin d’être irrigués en raison de leur sécheresse extrême. «A l’avenir, explique Gaëtan Morard, il y aura toujours autant d’eau mais sous une autre forme. On aura en hiver plus de pluie et moins de neige. La répartition saisonnière de l’eau va se modifier, avec des sécheresses plus intenses en été et des événements extrêmes plus fréquents.»</p> <p>Si le système des bisses parvient à s’adapter aux changements, comme il l’a fait jusqu’à présent, il représenterait alors non seulement un modèle intéressant d’organisation économique communautaire locale mais aussi un moyen de limiter les dégâts climatiques en régions de montagne. 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Kimiri</h4> <h3>Expérience de l'Ebola et du paludisme </h3> <p>En outre, sans simplifier la diversité continentale africaine, les attitudes à l’égard de la maladie et de la mort sont souvent différentes des nôtres. Plusieurs pays ont eu l’expérience du virus Ebola et chaque Africain a subi un jour ou l’autre une crise de paludisme. Un peu partout on invoque des ressources mystiques traditionnelles pour se protéger du virus, comme par exemple à <a href="https://youtu.be/BbvNuqVLtVs" target="_blank" rel="noopener">Abomey au Bénin</a>. Il s’agit d’un patrimoine culturel qui vaut bien nos processions religieuses!</p> <p>Le villageois anonyme du video-clip évoque aussi la fermeture des marchés décidée sur le modèle européen: «Vous pensez qu’on va déterrer le manioc pour le mettre au frigo? manioc au supermarché?! Le confinement nous tuera plus que le virus.» </p> <h3>Pas de réserves de nourriture</h3> <p>Même constat dans l’agglomération de Nairobi. Stephen Kimiri, un jeune Kenyan très engagé dans sa communauté, m’explique <em>via</em> WhatsApp que ses voisins n’ont pas les moyens de vider les supermarchés comme nous l’avons fait en Europe. Ils vivent au jour le jour et achètent leurs provisions au marché au fur et à mesure de leurs maigres rentrées d’argent. «Et maintenant que les marchés sont fermés, les gens vont mourir de faim, m’écrit-il. C’est surtout grave pour les petits enfants en croissance.» </p> <h3>Distribution de biscuits hypernutritifs</h3> <p>Propriétaire d’une petite pâtisserie à Lumuru il a décidé d’arrêter sa production habituelle de gâteaux pour fabriquer massivement des biscuits hypernutritifs.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1586185619_magat3.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Stephen Kimiri et sa production de biscuits hypernutritifs. © S. Kimiri</h4> <p>La distribution auprès de familles dans le besoin a déjà commencé avec l’aide de bénévoles de la Croix-Rouge kényane: «Avec six biscuits enrichis par jour, les jeunes enfants peuvent tenir pendant deux semaines.» Il vise un total de 1'800 enfants. Ce projet généreux, «Covid-19 – Kenya: Help!» soutenu par une modeste <a href="https://www.gofundme.com/f/covid19-kenya-fortified-cookies-for-children" target="_blank" rel="noopener">collecte de fonds</a> n’est toutefois qu’une goutte dans l’océan. Déjà dans l’immense capitale kényane, Nairobi, le mécontentement de la population, violemment réprimée par la police, est en train de dégénérer.</p> <h3>En Colombie: le remède pire que le mal</h3> <p>De l’autre côté de la planète, en Colombie, des mises garde analogues sont lancées. Sebastián Toro, professeur à l’Université pontificale bolivarienne de Medellin, dit se plier de bonne grâce au confinement à la condition que ce soit de courte durée. «Attention à ce que le remède ne nous coûte pas plus de vies et de misères que la maladie», écrit-il dans <a href="http://www.arenaalfa.com/blog?view=article&id=1669&start=0" target="_blank" rel="noopener">son blog</a>. Ce professeur d’économie explique les conséquences désastreuses sur la société que peut avoir un confinement prolongé. «Et quand on parle d’économie, précise-t-il, on ne parle pas de banquiers avec chapeau et cigare jouant à la bourse. (…) Si l’économie s’effondre, beaucoup de monde se retrouvera à la rue et n’aura plus de revenu.»</p> <p>Et il ajoute avec un humour sombre: «Il est vrai que ceux qui meurent de faim n’ont pas accès aux réseaux sociaux, que la faim n’est pas contagieuse, (…) que l’ex-président du Real Madrid n’est pas mort de faim et donc personne ne sera au courant de leur situation.»</p> <p>D’autres messages me parviennent de Colombie où les locataires ayant perdu leurs revenus à cause de l’épidémie sont expulsés sans états d’âme, faute de pouvoir continuer à payer. 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Briançon, France. En début de nuit, une équipe de maraudeurs solidaires de Briançon découvre trois jeunes adolescents errant dans la montagne entre l’Italie et la France. Ils cherchent leur chemin au-dessus de ce qui sera bientôt, comme chaque année, le domaine skiable franco-italien du Montgenèvre. C’est la plus ancienne station de ski française et le col routier qui la traverse passe à 1850 mètres. Ici il fait toujours beaucoup plus froid qu’à une altitude équivalente dans le reste des Alpes. Les jours de cette mi-octobre sont ensoleillés mais pendant la nuit on est déjà proche de zéro degré.
Un peu plus tard, les trois adolescents sont rassurés et réchauffés au Refuge solidaire de Briançon, une structure que le nouveau maire de la ville veut fermer au 28 octobre. Les jeunes rescapés racontent leur histoire avec l’aide d’un interprète bénévole. Comme tant d’autres en ce moment, ils ont fui l’Afghanistan, où la guerre est sans fin entre l’armée gouvernementale, les islamistes talibans et de nombreuses factions rivales politico-maffieuses. Malheureusement, dans la violence de la traversée d’une autre frontière, entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, ils ont perdu de vue leurs parents et ont décidé de continuer sans eux. Parmi les migrants qui arrivent ces derniers mois ici à Briançon, les nombreuses histoires de violences perpétrées par les gardes-frontières croates font froid dans le dos.
Le réseau solidaire organise rapidement une prise en charge des trois adolescents afin de les amener à Paris où des amis de leur famille devraient les recevoir. Tout le monde espère que leurs parents les y retrouveront dans un bref délai mais pour l’instant les enfants n’ont pu reprendre aucun contact téléphonique avec eux.
Afghans et Iraniens
Depuis son ouverture il y a trois ans, le Refuge solidaire de Briançon a déjà vu passer plus de dix mille personnes pour des séjours en général très courts, rarement plus de trois à quatre jours. Il n’y a maintenant plus beaucoup d’Africains de l’ouest, comme c’était le cas jusqu’à l’an dernier. Actuellement ce sont surtout des familles afghanes (souvent de la minorité hazara) et kurdes iraniennes qui ont parfois derrière elles plusieurs années de voyage hasardeux et des séjours horribles dans les camps des îles grecques. Et même ici, rien n’est joué. La gendarmerie effectue régulièrement des rafles dans la gare de Briançon, comme celle à laquelle j’ai pu assister. Les migrants qui s’apprêtaient à prendre le train sont reconduits à la frontière. Parfois on leur permet alors de remplir une demande d’asile en bonne et due forme pour les ramener ensuite à Briançon. Mais le plus souvent ils sont expulsés vers l’Italie. Ils tentent en général de passer à nouveau la nuit suivante.
Arrestation de migrants par la gendarmerie devant la gare de Briançon. © Yves Magat
A l’extérieur du Refuge solidaire, une famille iranienne profite du soleil pour se prendre en photo avant de monter dans le bus pour Grenoble puis le train de Paris. Dans ce cas, ce ne sont pas des Kurdes: «Nous sommes des Chrétiens», me dit la maman dans un anglais sommaire en me montrant un petit pendentif doré en forme de croix.
Son mari la regarde tendrement et leur fillette d’une dizaine d’années, plaisante avec ses parents. La maman m’explique qu’ils sont de religion protestante. «L’Iran est un pays musulman, on nous considère comme des apostats. C’était de plus en plus difficile pour nous.»
La famille décide alors il y a quatre ans de quitter Téhéran avec une des grand-mères et de s’installer en Turquie. Mais elle ne s’y sent guère mieux dans un environnement musulman exacerbé par la politique de renouveau religieux du président Erdoğan. Ces protestants iraniens reprennent alors la route et arrivent dans les Balkans. «En Serbie, nous n’avions pas de problème car c’est un pays chrétien, m’explique tant bien que mal la maman. Mais les conditions de vie étaient très difficiles. J’ai fait une fausse couche et ma mère qui nous accompagnait est décédée.»
Les parents et leur fille se décident alors pour un nouveau départ. Cette fois, leur objectif est la France où ils n’ont toutefois pas de point de chute. L’errance est sans fin mais ils semblent garder confiance.
Décision contestée
Le Refuge solidaire de Briançon voit depuis le début de l’été un nombre croissant d’arrivées en provenance d’Italie: 150 en juin, 250 en juillet, 350 en août, 450 en septembre….
«Nous atteignons des chiffres semblables à ceux d’il y a trois ans, lorsque nous avons ouvert le refuge», m’explique Philippe Wyon.
Ce Briançonnais d’adoption est un ancien accompagnateur en montagne et un des fondateurs du Refuge solidaire. Depuis la menace de fermeture annoncée de façon inattendue le mois dernier par Arnaud Murgia, le nouveau maire de Briançon, Philippe Wyon est une des personnes qui se mobilisent sans compter pour renverser cette décision.
«Le maire a mal apprécié la situation. Il croyait avoir affaire à un petit groupe de gauchistes mais il s’aperçoit que ce n’est pas si simple. Quand on ne veut pas accueillir les gens, ça se passe mal, continue Philippe Wyon de son habituel ton posé, plus proche du guide montagnard que du militant. Mais ici à Briançon, il n’y a jamais eu de problème. Ce n’est pas Calais, on est sur du flux, les exilés n’ont aucun désir de rester, alors que Calais, c’est une impasse.»
Le maire de Briançon est aussi président de la Communauté de communes et donc doté d’un pouvoir important. Membre du parti Les Républicains, il a battu au second tour des élections législatives en juin dernier son prédécesseur à la suite d’une division des listes de gauche. Elles ont refusé de fusionner et n’ont pas fait le poids face à la liste unique de droite.
Image touristique menacée
L’attitude du maire est incompréhensible pour beaucoup de monde et on se demande si ce n’est pas juste un coup d’esbroufe pour rallier les sympathies d’extrême-droite et propulser sa carrière. La fermeture du refuge ne faisait même pas partie de son programme électoral. La ville de Briançon est reliée par télécabine à Serre Chevalier. C’est une station de ski en hiver et une base de randonnée en été. Une bonne partie de son électorat travaille dans le commerce et le tourisme, des Briançonnais qui n’ont pas du tout envie de voir ternir l’image de leur ville par des familles de migrants dormant dans la rue ou la gare de départ de la télécabine.
La menace du maire a déclenché de vives réactions à travers toute la France, emmenées par les plus importantes associations humanitaires du pays: Abbé Pierre, Emmaüs, Médecins du Monde. Une pétition de protestation a recueilli en quelques semaines plus de 37 000 signatures à la tête desquelles se trouvent celles de Mgr Xavier Malle, évêque de Gap, ainsi que du sociologue Edgar Morin.
La trêve hivernale qui commence le 1er novembre devrait, selon la règle, empêcher de mettre à la rue les personnes hébergées, mais ce n’est qu’un répit. Les membres du collectif qui gère le refuge espèrent en profiter pour faire passer à la mairie une proposition de commission qui étudierait des solutions pour remplacer l’actuel bâtiment vétuste car c’est une ancienne caserne des CRS totalement inappropriée à ses fonctions actuelles. En attendant il reste à savoir qui va payer la facture du fuel pour le chauffage qui était jusqu’à présent prise en charge par la mairie. Une préoccupation très matérielle mais fondamentale pour passer l’hiver briançonnais.
Films et livres présentés à Briançon
Le premier Festival Exils s’est tenu à Briançon du 7 au 11 octobre dernier. Malgré les restrictions sanitaires, il a vu arriver un large public pour assister à la projection de quatorze documentaires, dont le film Vol spécial de Fernand Melgar. Des tables rondes ont été organisées sur la thématique des migrations et une librairie temporaire proposait des dizaines de livres récents traitant de ces questions. Parmi ceux-ci, La route à bout de bras (Editions Migrilude) a été lancé en présence de son auteur, Mamadou Sow, jeune migrant guinéen handicapé, qui a lui-même transité par le refuge de Briançon il y a deux ans. Ce récit de vie, sous forme d’abécédaire à la première personne, raconte les discriminations dont sont victimes les handicapés en Afrique. L’auteur décrit ensuite son incroyable parcours à travers le désert, le cauchemar libyen et la Méditerranée, littéralement sur les bras, car ses jambes sont inutilisables en raison d’une polio contractée dans l’enfance.
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Comme tant d’autres en ce moment, ils ont fui l’Afghanistan, où la guerre est sans fin entre l’armée gouvernementale, les islamistes talibans et de nombreuses factions rivales politico-maffieuses. Malheureusement, dans la violence de la traversée d’une autre frontière, entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, ils ont perdu de vue leurs parents et ont décidé de continuer sans eux. Parmi les migrants qui arrivent ces derniers mois ici à Briançon, les nombreuses histoires de violences perpétrées par les gardes-frontières croates font froid dans le dos.</p> <p>Le réseau solidaire organise rapidement une prise en charge des trois adolescents afin de les amener à Paris où des amis de leur famille devraient les recevoir. 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Je m’inclus modestement parmi ces derniers pour avoir couvert pour la RTS plusieurs événements antérieurs à cette crise. </p> <p>Flashback et premier acte: j’étais en Ossétie du Sud en 2008 lorsque le président géorgien Saakachvili a voulu récupérer militairement ce territoire. Ses habitants avaient été instrumentalisés, en même temps que ceux d’Abkhazie, par une indépendance orchestrée de Moscou à la chute de l’URSS. Le président géorgien espérait naïvement un soutien militaire occidental. Et comme les Ossètes détestent les Géorgiens pour des raisons que l’histoire et les grandes puissances leur ont imposées, ils ont cru brièvement à leur salut par la Russie. Tous les habitants de ce territoire que j’ai rencontrés se réjouissaient alors de leur nouveau passeport russe distribué largement. Pour eux, l’agresseur qui les bombardait était l’armée géorgienne. J’ai pu voir les tanks russes arriver à leur rescousse par le tunnel de Roki depuis l’Ossétie du Nord qui fait partie de la Fédération de Russie. On a donc tous fermé les yeux. Après tout, si les Ossètes du Sud veulent se réunifier avec les Ossètes du Nord au sein de la Russie…</p> <h3>Les «petits hommes verts» en Crimée</h3> <p>Deuxième acte: j’étais en Crimée en 2014 le jour de l’invasion par les «petits hommes verts». On appelait ainsi les soldats sans identification envoyés par Moscou. Mais les bidasses russes n’ont plus la discipline d’antan. Certains soldats avaient oublié de dévisser les plaques russes de leur véhicule… Il faut reconnaître que Sébastopol est une ville fondamentalement russe par son histoire et sa culture. Elle forme une division administrative à part. Quant à la majorité russe du reste de la Crimée, elle a accueilli avec satisfaction la réincorporation de la péninsule dans la Russie dont elle faisait partie jusqu’à son transfert en 1954 par Nikita Krouchtchev dans la république socialiste soviétique d’Ukraine.</p> <p>A l’époque, ce changement, commémorant un anniversaire historique, était sans importance puisque tout se passait au sein de l’URSS. Et les Russes de Crimée n’étaient pas mécontents de se débarrasser des vexations administratives que leur infligeait le gouvernement de Kiev. Quant aux Ukrainiens de Crimée, ils étaient eux-mêmes essentiellement russophones et n’ont guère réagi. Seuls les Tatars ont exprimé leurs craintes. Du coup leurs chaînes de télévision et radio de Bakhtchissaraï ont été aussitôt fermées par le nouveau pouvoir russe. A priori je continue de penser que la Crimée n’est pas plus ukrainienne que russe ou tatar. Néanmoins ce n’est pas aux chars de Poutine, ni à la parodie de référendum organisé en deux semaines, de décider de l’avenir de cette péninsule qui a vu le passage de plus de vingt-cinq peuples dans son histoire. Finalement l’Occident a condamné mollement.</p> <p>Troisième acte: le Donbass. Les difficultés économiques provoquées par le déclin des mines de charbon et l’indifférence du pouvoir central de Kiev ont pu être instrumentalisées facilement par Moscou. Même si le gouvernement ukrainien a commis de graves bévues, notamment en déclassant le statut de la langue russe, le problème n’est pas ethnique ou linguistique. Ici comme dans le reste du pays, un nombre infini de familles ont une double origine, russe et ukrainienne. Les affrontements sanglants qui s’y déroulent depuis 2014 ne sont qu’un moyen de plus du système Poutine pour faire pression sur un pays soupçonné de vouloir quitter la sphère d’influence russe. Les heurts violents avec l’armée ukrainienne ont pu donner l’impression qu’il y avait des torts des deux côtés. Et le gouvernement de Kiev a trainé les pieds pour accorder plus d’autonomie à cette région, comme le stipulaient les accords de Minsk de 2014 et 2015 que personne n’a respectés. Malaise et donc absence de réaction de l’Occident.</p> <p>On peut ajouter à tout cela la situation de la Transnistrie, cette bande de territoire, également autoproclamé indépendant au sein de la Moldavie, le long de la frontière ukrainienne (ce n’est pas un hasard). On y trouve évidemment des bases militaires russes. L’Occident s’en est désintéressé totalement, regardant cette affaire avec commisération, comme s’il s’agissait de la Syldavie de Tintin. La boucle est bouclée. 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Ici chacun est dûment identifié par son origine prolétarienne: mécanicien, ouvrier automobile, etc. Et bien sûr l’effort ne doit pas être gratuit: on en profite pour amener au sommet une station météo, des appareils de transmissions radio et… un buste de Joseph Staline. L’équipe est encadrée toutefois par un jeune homme au regard franc et à la profession moins prolétaire, le peintre-sculpteur sibérien Evgueni Abalakov, un homme qui deviendra avec son frère Vitali l’un des plus grands alpinistes soviétiques au travers de la <em>Société du tourisme prolétarien</em>.</p> <h3><strong>L’alpinisme: une mission d’Etat</strong></h3> <p>Evgueni est une force de la nature. Alors que ses compagnons sont épuisés par le froid (- 45° C) et l’altitude (plus de 7000 m.), il fait des allers et retours pour poser des cordes ou croquer sur un cahier des vues des sommets: le pic Guépéou (ancêtre du KGB…) ou le <em>Mur de l’Armée rouge des paysans et des ouvriers</em>. Chacune des expéditions de cette époque est une victoire humaine et politique dont on cache soigneusement les tragédies: engelures, avalanches, crevasses et infections ont leur compte de victimes mortelles. Le matériel est sommaire, même pour les standards de l’époque, mais les alpinistes font la une des journaux soviétiques. Leurs photos apparaissent en première page avec des visages blancs de crème lanoline, corde de chanvre à l’épaule, lunettes noires et lèvres gercées. Ils accomplissent un devoir, une mission d’Etat: «L’enjeu de l’ascension du pic Staline, c’était de remplacer Dieu par le marxisme, sur l’autel de la Terre»<em>,</em> écrit Cédric Gras. C’est ainsi que les sommets se succèdent: pic Staline, pic Lénine, pic du Communisme, pic Karl Marx…</p> <h3><strong>Un Suisse au pays des Soviets</strong></h3> <p>L’auteur a épluché les archives soviétiques et exploré sur place les terrains de conquête des alpinistes soviétiques de l’époque. Ces sommets étaient négligés par leurs confrères occidentaux, intéressés surtout par les Alpes et l’Himalaya. Avec de rares exceptions toutefois, celles de quelques Suisses. L’écrivaine Ella Maillart aurait aimé participer à l’une de ces ascensions, comme elle le mentionne dans <em>Des monts célestes aux sables rouges,</em> que cite Cédric Gras. Sans succès toutefois. Sa lucidité face au stalinisme la rendait probablement suspecte. Par contre le militant communiste soleurois Lorenz Saladin parvient à s’infiltrer dans le cercle très fermé des alpinistes soviétiques. Il devient un ami inséparable des deux frères Abalakov et de leurs compagnons de cordée. A ses talents de montagnard expérimenté, le Suisse en ajoute un autre précieux, il est un photographe hors-pair. Ses expéditions au pays des Soviets se succèdent: Caucase, Pamir, Altaï, Tien-Shan. Ses clichés, disparus pendant de nombreuses années, sont époustouflants et ne se limitent pas aux montagnes. Ils documentent abondamment les populations de ces régions asiatiques et sont visibles au <em>Musée alpin suisse</em> de Berne. Pour raconter au passage les aventures de l’alpiniste suisse, Cédric Gras s’inspire du livre de l’émouvante Annemarie Schwarzenbach : <em>Lorenz Saladin, ein Leben für die Berge</em>. Cette autre grande écrivaine voyageuse suisse avait été impressionnée par le Soleurois et avait cherché, autant que possible à son époque, à en retrouver le parcours, en se rendant même jusqu’à Moscou pour cela.</p> <p>Lorenz Saladin finit pourtant tragiquement. En 1936, il participe à une expédition délicate dans le Tien-Shan. C’est un massif très septentrional et en raison des difficultés administratives d’obtention de son visa, le départ de la colonne est retardé jusqu’à fin août. Trop tard car les conditions météorologiques sont alors cauchemardesques. Les accidents se succèdent lors de la descente du sommet du Khan Tengri. Vitali Abalakov et d’autres compagnons de cordée perdent plusieurs doigts des mains et des pieds. Il faut encore zigzaguer vingt kilomètres entre les crevasses et les moraines du glacier Inyltchek. Lorenz Saladin, malgré son équipement de qualité «suisse», subit lui aussi de graves engelures. Ses doigts sont noirs et puent la charogne. Vitali tente de le soigner en ouvrant au couteau les chairs mortes qu’il désinfecte avec le pétrole des lampes. Le 17 septembre 1936, l’alpiniste communiste suisse meurt dans d’atroces souffrances, probablement de septicémie.</p> <h3><strong>Victimes de la Grande Terreur</strong></h3> <p>Une année plus tard, inévitablement, le couperet de la <em>Grande Terreur</em> finit par tomber aussi sur les alpinistes soviétiques comme sur le reste de la société. Une purge du NKVD vise la prétendue <em>Organisation contre-révolutionnaire facho-terroriste des alpinistes et randonneurs</em>… Le 4 février 1938, Vitali Abalakov est arrêté chez lui à Moscou. Il est torturé puis accusé d’avoir participé à une tentative d’assassinat du camarade Staline lors du défilé du Premier Mai. Comme tout le monde il avoue n’importe quoi et dénonce n’importe qui. Le défunt Lorenz Saladin devient un espion suisse pour lequel il aurait travaillé. On ne saura jamais pourquoi l’autre frère Abalakov, Evgueni, n’a jamais été inquiété, ni pourquoi Vitali est finalement libéré deux ans plus tard.</p> <p>Puis la <em>Grande guerre patriotique</em> utilise les compétences des rares alpinistes ayant échappé au goulag, comme Evgueni Abalakov. Grâce à eux, en 1943, les troupes allemandes sont chassées du Mont Elbrouz, le sommet de l’Europe. Mais ce prodigieux alpiniste, qui rêvait d’être le premier à escalader un jour l’Everest, meurt piteusement en 1948 dans sa salle de bain, intoxiqué par le chauffe-eau à gaz, une version que sa veuve et son fils réfuteront toute leur vie, sans preuve.</p> <p>Pendant ce temps, Vitali, partiellement handicapé, développe du matériel d’escalade. Mais malgré ses amputations, il cède à nouveau au virus de la montagne. Avec une force de volonté hors du commun, il reprend du service en serrant les dents lorsque ses moignons sont trop douloureux. Il est nommé à la tête de la section d’alpinisme du club sportif <em>Spartak</em> et mène avec une discipline de fer une succession d’expéditions. Son dernier sommet, le 30 août 1956, est le pic de la Victoire, le seul 7000 d’URSS encore vierge. La montagne est face au Khan Tengri qui lui a couté ses doigts et la moitié d’un pied trente ans plus tôt. 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C’est la journée de nettoyage des bisses, ces canaux d’irrigation centenaires qu’on appelle ici des Suonen. Il faut les dégager des branches et des pierres qui s’y sont accumulées pendant l’hiver. Le système de gestion des bisses au travers de «consortages» est le thème de la nouvelle exposition du <a href="https://www.musee-des-bisses.ch/" target="_blank" rel="noopener">Musée valaisan des Bisses</a>, dès le 24 avril à Ayent.</p> <p>Ici à Ausserberg, c’est maintenant la pause de midi. Chacun s’assied sur la pente face au soleil. Les installations industrielles de Lonza, loin en contrebas, sont bien visibles et permettent d’imaginer la production frénétique des vaccins contre le covid-19. 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Le troisième collier définit précisément la quantité d’eau à laquelle chaque membre du consortage a droit en fonction de ses prairies. Depuis les premiers documents du XVè siècle qui prouvent l’existence des bisses en Valais, le système a quand même passablement évolué, même s’il garde sa philosophie communautaire originelle. Aujourd’hui, l’intervention financière ou logistique des communes, voire du canton, est fréquente. Et le branchement des bisses sur des systèmes modernes d’arrosage est maintenant courant.</p> <p>A Ausserberg, il n’y a plus que vingt-cinq agriculteurs à temps partiel et une agricultrice à plein temps. Mais dans ce village, comme ailleurs dans le canton, tout le monde est attaché à ses bisses. On en dénombre actuellement 188 en Valais, totalisant 742 km. Tous ne sont toutefois pas fonctionnels pour l’agriculture. De nombreux bisses ont acquis une vocation touristique et sont longés par des sentiers de randonnée très fréquentés en été. 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Ils libèrent ensuite de l’eau de fonte pendant l’été, justement lorsque les coteaux ont besoin d’être irrigués en raison de leur sécheresse extrême. «A l’avenir, explique Gaëtan Morard, il y aura toujours autant d’eau mais sous une autre forme. On aura en hiver plus de pluie et moins de neige. La répartition saisonnière de l’eau va se modifier, avec des sécheresses plus intenses en été et des événements extrêmes plus fréquents.»</p> <p>Si le système des bisses parvient à s’adapter aux changements, comme il l’a fait jusqu’à présent, il représenterait alors non seulement un modèle intéressant d’organisation économique communautaire locale mais aussi un moyen de limiter les dégâts climatiques en régions de montagne. 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Kimiri</h4> <h3>Expérience de l'Ebola et du paludisme </h3> <p>En outre, sans simplifier la diversité continentale africaine, les attitudes à l’égard de la maladie et de la mort sont souvent différentes des nôtres. Plusieurs pays ont eu l’expérience du virus Ebola et chaque Africain a subi un jour ou l’autre une crise de paludisme. Un peu partout on invoque des ressources mystiques traditionnelles pour se protéger du virus, comme par exemple à <a href="https://youtu.be/BbvNuqVLtVs" target="_blank" rel="noopener">Abomey au Bénin</a>. Il s’agit d’un patrimoine culturel qui vaut bien nos processions religieuses!</p> <p>Le villageois anonyme du video-clip évoque aussi la fermeture des marchés décidée sur le modèle européen: «Vous pensez qu’on va déterrer le manioc pour le mettre au frigo? manioc au supermarché?! Le confinement nous tuera plus que le virus.» </p> <h3>Pas de réserves de nourriture</h3> <p>Même constat dans l’agglomération de Nairobi. Stephen Kimiri, un jeune Kenyan très engagé dans sa communauté, m’explique <em>via</em> WhatsApp que ses voisins n’ont pas les moyens de vider les supermarchés comme nous l’avons fait en Europe. Ils vivent au jour le jour et achètent leurs provisions au marché au fur et à mesure de leurs maigres rentrées d’argent. «Et maintenant que les marchés sont fermés, les gens vont mourir de faim, m’écrit-il. C’est surtout grave pour les petits enfants en croissance.» </p> <h3>Distribution de biscuits hypernutritifs</h3> <p>Propriétaire d’une petite pâtisserie à Lumuru il a décidé d’arrêter sa production habituelle de gâteaux pour fabriquer massivement des biscuits hypernutritifs.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1586185619_magat3.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Stephen Kimiri et sa production de biscuits hypernutritifs. © S. Kimiri</h4> <p>La distribution auprès de familles dans le besoin a déjà commencé avec l’aide de bénévoles de la Croix-Rouge kényane: «Avec six biscuits enrichis par jour, les jeunes enfants peuvent tenir pendant deux semaines.» Il vise un total de 1'800 enfants. Ce projet généreux, «Covid-19 – Kenya: Help!» soutenu par une modeste <a href="https://www.gofundme.com/f/covid19-kenya-fortified-cookies-for-children" target="_blank" rel="noopener">collecte de fonds</a> n’est toutefois qu’une goutte dans l’océan. Déjà dans l’immense capitale kényane, Nairobi, le mécontentement de la population, violemment réprimée par la police, est en train de dégénérer.</p> <h3>En Colombie: le remède pire que le mal</h3> <p>De l’autre côté de la planète, en Colombie, des mises garde analogues sont lancées. Sebastián Toro, professeur à l’Université pontificale bolivarienne de Medellin, dit se plier de bonne grâce au confinement à la condition que ce soit de courte durée. «Attention à ce que le remède ne nous coûte pas plus de vies et de misères que la maladie», écrit-il dans <a href="http://www.arenaalfa.com/blog?view=article&id=1669&start=0" target="_blank" rel="noopener">son blog</a>. Ce professeur d’économie explique les conséquences désastreuses sur la société que peut avoir un confinement prolongé. «Et quand on parle d’économie, précise-t-il, on ne parle pas de banquiers avec chapeau et cigare jouant à la bourse. (…) Si l’économie s’effondre, beaucoup de monde se retrouvera à la rue et n’aura plus de revenu.»</p> <p>Et il ajoute avec un humour sombre: «Il est vrai que ceux qui meurent de faim n’ont pas accès aux réseaux sociaux, que la faim n’est pas contagieuse, (…) que l’ex-président du Real Madrid n’est pas mort de faim et donc personne ne sera au courant de leur situation.»</p> <p>D’autres messages me parviennent de Colombie où les locataires ayant perdu leurs revenus à cause de l’épidémie sont expulsés sans états d’âme, faute de pouvoir continuer à payer. La situation est particulièrement dramatique pour les deux millions de migrants vénézuéliens installés dans ce pays avant que la frontière ne soit fermée. «Où vais-je aller dormir?», m’écrit une réfugiée vénézuélienne désespérée qui était parvenue jusque-là à vivoter par de petits boulots maintenant inexistants.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1586185678_magat4.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">La topographie des favelas brésiliennes rend difficile un confinement. © Y. Magat</h4> <h3>Dans les favelas</h3> <p>Plus au sud, dans les favelas brésiliennes, les conséquences du confinement se font aussi lourdement sentir. La topographie de ces quartiers, surtout à Rio de Janeiro, rend la mesure illusoire. Et la fermeture des petites boutiques ainsi que la paralysie du secteur informel de vente dans la rue plongent dans la misère des millions de favelados. Avec à la clé de potentiels troubles sociaux. D’ailleurs le président brésilien Bolsonaro, parfait démagogue, s’est fendu de déclarations incitant les gens à reprendre leurs activités, en contredisant son propre ministre de la santé et les gouverneurs des états.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1586185720_magat5.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Les petits commerces sont le moteur économique des favelas brésiliennes. © Y. Magat</h4> <p>Il a ensuite fait machine arrière mais de nombreux commerces avaient entretemps rouvert leurs portes. Là aussi, comme le dit le villageois africain cité plus haut, chaque pays doit adapter sa stratégie à sa situation économique, sociale et culturelle. 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