Actuel / L’opération Wuambushu fait perdre le nord à tout le monde

Rassemblement en soutien à l'opération Wuambushu. © DR
Annoncée de façon tonitruante sur les plateaux de télévision française (après des fuites dans «Le Canard enchaîné») par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, il y a 2 semaines, l'opération Wuambushu semble bien avoir du plomb dans l'aile. Sur place, à Mayotte, les tensions sont de plus en plus exacerbées. Le risque de dérapages, entre la population mahoraise et les immigrés clandestins comoriens, est réel et palpable. La marge de manœuvre du gouvernement français repose sur le fil du rasoir.
Saïd Issouf, journaliste à Mayotte
Lancée il y a deux semaines à grand renfort de policiers, gendarmes et CRS dépêchés sur place depuis l'Hexagone, cette opération de police de très grande envergure est censée ramener la paix et la sécurité aux 500'000 habitants de Mayotte. Plus encore, «Wuambushu» (qui signifie «audace de faire» en Shimaoré, l'une des langues locales), est l'ultime moyen d'éviter le chaos dans lequel s'avance inexorablement l'île de Mayotte en proie à une violence sans précédent et à une immigration clandestine exponentielle pour un petit bout de terre de 375 km2 perdu au milieu de l'océan Indien.
Force est de constater, cependant, que cette opération de la dernière chance (tant pour le gouvernement français à Paris que pour les Mahorais) patine pour diverses raisons, quoi qu'en dise Gérald Darmanin. Lors de la traditionnelle séance de questions au gouvernement, il expliquait aux députés de l'Assemblée nationale que les objectifs fixés étaient en passe d'être atteints. S'il est vrai que quelques individus présentés comme des meneurs présumés des hordes de voyous ont été arrêtés au cours de ces derniers jours et présentés devant la justice, on reste encore très loin du compte.
En effet, à l'extérieur des tribunaux, des bandes de jeunes cagoulés ne manquent pas, quasi quotidiennement, de s'en prendre aux forces de l'ordre chargées de pacifier un territoire qui a grand besoin d'un retour à l'ordre républicain. Ces délinquants majoritairement issus de l'immigration clandestine incontrôlée (mais aussi de jeunes mahorais) terrorisent la population locale qui vit terrée chez elle à la nuit tombée. Ils pillent les maisons, souvent en présence de leurs occupants, rançonnent et violentent les gens pour un téléphone portable, de l'argent et tout ce qui représente une valeur marchande à leurs yeux. Ils n'hésitent pas à brûler des automobiles garées sur des parkings et des locaux d'entreprises dans des zones industrielles, interrompre la circulation des heures durant par des actes de vandalisme, s'en prenant trop souvent aux bus scolaires qu'ils caillassent avant de les prendre d'assaut équipés de machettes... A Mayotte, c'est désormais escortés par les gendarmes que les collégiens et lycéens se rendent en cours, laissant à la maison des parents angoissés et apeurés toute la journée, craignant pour la sécurité de leurs enfants.
Les causes de ce cauchemar que vivent les habitants de cette île pourtant paisible et accueillante, aux allures de carte postale, sont multiples et complexes pour certaines d'entre elles. D'abord, une immigration clandestine qui n'a cessé de monter crescendo depuis 1994, et plus particulièrement depuis la transformation de l'île en département et région d'outre-mer en 2011. A Mayotte, l'immigration clandestine provient à 90% de l'Union des Comores dont la frontière maritime n'est qu'à seulement 70km du 101ème département français. Le reste se constitue de Malgaches, de ressortissants des pays des grands lacs (Rwanda, Burundi), du Congo (ex-Zaïre), de la Tanzanie, de la Somalie, du Yémen et du Sri Lanka. Géographiquement située dans l'archipel des Comores (4 îles que sont la Grande-Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte), le 101ème département français vit depuis 200 ans un contentieux territorial avec les 3 autres îles qui composent aujourd'hui l'Etat comorien.
Dernière colonie française de la zone, l'Union des Comores a accédé à l'indépendance le 6 juillet 1975. Elle estime que Mayotte lui revient de droit sur la base de la charte de l'ONU sur l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Le problème est que les Mahorais (et la France) ont une autre approche de la question. Ils se basent sur une autre règle sacrée de l'ONU: le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Et c'est justement là que prennent leur source l'essentiel des problèmes d'insécurité qui frappent l'île aujourd'hui.
Avant 1841, l'archipel des Comores était constitué de 4 Etats distincts, érigés en sultanats féodaux, qui ne cessaient de se faire la guerre. Souvent, certains de ces sultans proclamaient théoriquement leur autorité sur l'une des îles alors qu'ils n'en avaient pas réellement le contrôle. Ce fut le cas de Mayotte, souvent violentée par son voisin immédiat, Anjouan, et qui conduisit son dernier monarque, Andrianatsouly (également sultan du royaume de Boeny dans l'ouest de Madagascar) à vendre l'île en 1841 au roi de France, Louis-Philippe d'Orléans. Depuis lors, les habitants de Mayotte n'ont cessé de faire valoir leur statut de Français, à contre-courant de l'histoire du monde et plus singulièrement du continent africain. Pendant que l'Afrique était saisie d'un vent de décolonisation (parfois violente à certains endroits) au lendemain de la Seconde guerre mondiale, Mayotte n'aspirait qu'à demeurer française de manière définitive au travers d'un statut de département d'outre-mer (DOM), et partager ainsi le même sort que le reste de la nation française. Problème, cette intention mahoraise n'a jamais été au goût des autres îles des Comores dont les dirigeants caressaient une toute autre ambition.
Un conflit vieux de deux siècles
En acquérant l'île de Mayotte pour 1'000 piastres en 1841, la France en a profité pour étendre son protectorat aux îles des Comores un demi-siècle plus tard, en même temps qu'elle avait colonisé Madagascar, à laquelle finit par être rattaché administrativement l'archipel des Comores. Dans le vent des indépendances africaines, Madagascar se détacha de la France en 1960. Un certain Saïd Mohamed Cheick (originaire de la Grande-Comore), alors député des Comores à l'Assemblée nationale française, proposa un projet de loi (ex-nihilo) pour transformer les 4 îles de l'archipel en Territoire Français d'Outre-mer (TOM), prélude à une future indépendance.
Le Parlement français acta ce principe sans avoir, au préalable, consulté les populations concernées. Résultats des courses, au moment du référendum d'autodétermination en 1974, la population de Mayotte se prononça massivement en faveur du maintien de leur île au sein de la République française. Un choix plusieurs fois réitéré par la suite à travers d'autres consultations référendaires, malgré une pluie de contestations de l'Assemblée générale de l'ONU.
C'est donc tout naturellement qu'en 2011, les Mahorais parachevèrent ce mouvement d'ancrage définitif à l'Etat français et à l'Union Européenne en devenant quelque temps après une région ultra périphérique de l'UE. Constatant son impuissance dans ce bras de fer, l'Union des Comores instrumentalisa et encouragea par tous les moyens l'immigration massive de ses populations vers Mayotte. Ce phénomène a connu son apogée sous la présidence de François Hollande, le Parti socialiste français dont il fut le chef de file n'étant pas, à vrai dire, un farouche défenseur du maintien de Mayotte dans la France, et surtout pas dans le cadre d'un statut de département d'outre-mer. Cette lâcheté politique eut pour conséquence immédiate le drame de l'insécurité que vivent les Mahorais aujourd'hui.
Dans la foule l’appartenance française est revendiquée. © DR
Une position très ambiguë de l'Etat français
Alors même que Mayotte est reléguée au rang de parent très pauvre de la métropole, qu'elle a vu ses dotations budgétaires réduites à peau de chagrin, le gouvernement à Paris n'a cessé d'accroître l'aide au développement en faveur de son partenaire comorien. Au point qu'il a fini par consentir à un projet de rapprochement maximal entre Mayotte et l'Union des Comores à travers une coopération décentralisée, baptisée le GTHN (Groupe de Travail de Haut Niveau), que les Mahorais ont très vite balayé d'un revers de la main. Décidés à récupérer Mayotte à n'importe quel prix, les Comoriens ont continué à se déverser en masse quotidiennement sur les rivages de l'île jusqu'à dépasser la moitié du nombre de ses habitants. Plus de 60% des accouchements sur le département proviennent de femmes comoriennes. Il en est de même pour les scolarisations dans les écoles maternelles, primaires, secondaires et même universitaires. Dans une île où le taux de chômage était déjà de 30% supérieur à celui de la France métropolitaine, aucun projet de développement économique et social ne tient debout. Les prévisions budgétaires sont constamment revues à la hausse.
Phénomène inattendu, alors que Paris ne cesse d'imposer aux Mahorais des obligations fiscales de même niveau que le reste de la nation française, elle laisse se développer à travers cette immigration incontrôlée toute une économie souterraine qui profite à des mafias comoriennes et africaines (prostitution, trafic d'êtres humains, marchandises de contrebande). Le bras de mer qui sépare Mayotte d'Anjouan (70 km) et de Madagascar (130 km) est une énorme autoroute de trafics en tout genre impliquant même des propriétaires métropolitains de voiliers.
L'immigration clandestine à Mayotte est en soi un marché très juteux pour certains qui exploitent à leur profit l'angélisme de la bureaucratie judiciaire française. Celle-ci n'est pas étrangère à l'explosion du ras-le-bol des citoyens de Mayotte. En effet, ces derniers ont un sentiment d'injustice, voire la certitude que l'appareil judiciaire local joue contre eux. «Il préfère condamner les victimes qui cèdent à la tentation de se faire justice plutôt que les bourreaux qui se présentent en mineurs criminels sans foi ni loi à l'image de ceux des favelas de Rio de Janeiro», entend-on régulièrement dans les nombreuses manifestations populaires en faveur de l'opération Wuambushu. Un sentiment renforcé par la prise de position publique du Syndicat de la magistrature (très ancré à gauche) quelques jours avant le déclenchement de cette opération annonçant son hostilité à la démarche du gouvernement français. Curieux comportement pour les Mahorais. La démocratie française est hélas ainsi faite.
Un risque palpable de guerre civile
Toujours est-il que l'opération Wuambushu que les Mahorais appellent tous de leurs vœux et qui bénéficie d'un soutien populaire massif à Mayotte ne fait pas consensus à Paris. Elle est même sujette à une controverse politique ubuesque, voire grotesque, de la part de politiciens aspirant à de futures responsabilités gouvernementales. Au nom d'un dogmatisme désuet, l'extrême gauche, mais aussi une partie du socialisme syndical, manifeste ouvertement son opposition à la démarche du gouvernement visant à reprendre la main sur les bandes criminelles qui terrorisent Mayotte. Idem pour les nombreuses associations et organisations de défense des droits de l'homme qui veulent priver les habitants de Mayotte du droit fondamental de vivre en paix sur leur terre, comme s'ils étaient immunisés face au calvaire quotidien que vivent leurs compatriotes, préférant se donner bonne conscience en se barricadant derrière des positions dogmatiques décalées face aux réalités mahoraises.
Les manifestants devant le marché de Mamoudzou. © DR
Cette situation a conduit à un blocage de l'opération de pacification de Gérald Darmanin sur «l'île aux parfums», à la suite d'une décision de justice. Une juge du tribunal judiciaire de Mayotte a ordonné l'arrêt de la première action de démolition d'un bidonville, retardant sérieusement la mise en œuvre d'une des trois phases importantes de Wuambushu qui est la récupération des fonciers publics et privés occupés illégalement par les immigrés clandestins comoriens. Des terrains destinés à être aménagés pour accueillir des logements sociaux et des équipements publics indispensables au développement de Mayotte.
Autre facteur (et non des moindres) qui enlise l'opération: le refus des autorités comoriennes de récupérer leurs ressortissants illégaux expulsés. Le gouvernement des Comores est vent debout contre cette opération qui le prive d'une manne financière conséquente issue de l'économie souterraine générée par l'immigration clandestine. Par décrets, le gouvernement fédéral tout comme le gouvernorat de l'île d'Anjouan (épicentre de cette immigration massive) interdisent aux navires transportant les populations reconduites aux frontières de débarquer sur le sol comorien. Pendant qu'elle crie au risque d'un massacre prochain de ses ressortissants à Mayotte, Moroni continue de cultiver un certain cynisme en défendant auprès de ses citoyens que le territoire fait partie intégrante des Comores et qu'il appartient à tous les Comoriens. L'opération Wuambushu bat les masques d'une diplomatie française très frileuse lorsqu'il s'agit de l'Etat comorien, obligée d'adopter un ton moins conciliant si elle veut éviter une guerre civile sur ce bout de territoire français.
La saturation de la capacité d'accueil de Mayotte met en évidence le risque encouru par l'Hexagone face à ce tsunami d'immigrés illégaux. En effet, Paris reste sourd aux demandes répétées des élus mahorais de répartir le poids de cette immigration massive à l'échelle nationale, mais aussi de demander l'intervention de Frontex pour protéger ce qui est aussi une frontière de l'Union européenne. Seulement voilà, lassées par l'insécurité et le banditisme qui sévit sur leur territoire, les populations locales penchent de plus en plus vers la radicalité et veulent se défendre par leurs propres moyens. Les opérations coup de poing se multiplient depuis la fin de la semaine dernière pour empêcher les Comoriens de continuer à bénéficier des avantages du système social français à Mayotte, devant l'indifférence des autorités policières et préfectorales. Officiellement, Wuambushu doit se poursuivre jusqu'à son terme, car en dehors de cette opération, il n'y a point de salut pour les citoyens de l'île.
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A Mayotte, l'immigration clandestine provient à 90% de l'Union des Comores dont la frontière maritime n'est qu'à seulement 70km du 101ème département français. Le reste se constitue de Malgaches, de ressortissants des pays des grands lacs (Rwanda, Burundi), du Congo (ex-Zaïre), de la Tanzanie, de la Somalie, du Yémen et du Sri Lanka. Géographiquement située dans l'archipel des Comores (4 îles que sont la Grande-Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte), le 101ème département français vit depuis 200 ans un contentieux territorial avec les 3 autres îles qui composent aujourd'hui l'Etat comorien.</p> <p>Dernière colonie française de la zone, l'Union des Comores a accédé à l'indépendance le 6 juillet 1975. Elle estime que Mayotte lui revient de droit sur la base de la charte de l'ONU sur l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Le problème est que les Mahorais (et la France) ont une autre approche de la question. Ils se basent sur une autre règle sacrée de l'ONU: le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Et c'est justement là que prennent leur source l'essentiel des problèmes d'insécurité qui frappent l'île aujourd'hui.</p> <p>Avant 1841, l'archipel des Comores était constitué de 4 Etats distincts, érigés en sultanats féodaux, qui ne cessaient de se faire la guerre. Souvent, certains de ces sultans proclamaient théoriquement leur autorité sur l'une des îles alors qu'ils n'en avaient pas réellement le contrôle. Ce fut le cas de Mayotte, souvent violentée par son voisin immédiat, Anjouan, et qui conduisit son dernier monarque, Andrianatsouly (également sultan du royaume de Boeny dans l'ouest de Madagascar) à vendre l'île en 1841 au roi de France, Louis-Philippe d'Orléans. Depuis lors, les habitants de Mayotte n'ont cessé de faire valoir leur statut de Français, à contre-courant de l'histoire du monde et plus singulièrement du continent africain. Pendant que l'Afrique était saisie d'un vent de décolonisation (parfois violente à certains endroits) au lendemain de la Seconde guerre mondiale, Mayotte n'aspirait qu'à demeurer française de manière définitive au travers d'un statut de département d'outre-mer (DOM), et partager ainsi le même sort que le reste de la nation française. Problème, cette intention mahoraise n'a jamais été au goût des autres îles des Comores dont les dirigeants caressaient une toute autre ambition.</p> <h3>Un conflit vieux de deux siècles</h3> <p>En acquérant l'île de Mayotte pour 1'000 piastres en 1841, la France en a profité pour étendre son protectorat aux îles des Comores un demi-siècle plus tard, en même temps qu'elle avait colonisé Madagascar, à laquelle finit par être rattaché administrativement l'archipel des Comores. Dans le vent des indépendances africaines, Madagascar se détacha de la France en 1960. Un certain Saïd Mohamed Cheick (originaire de la Grande-Comore), alors député des Comores à l'Assemblée nationale française, proposa un projet de loi (ex-nihilo) pour transformer les 4 îles de l'archipel en Territoire Français d'Outre-mer (TOM), prélude à une future indépendance.</p> <p>Le Parlement français acta ce principe sans avoir, au préalable, consulté les populations concernées. Résultats des courses, au moment du référendum d'autodétermination en 1974, la population de Mayotte se prononça massivement en faveur du maintien de leur île au sein de la République française. Un choix plusieurs fois réitéré par la suite à travers d'autres consultations référendaires, malgré une pluie de contestations de l'Assemblée générale de l'ONU.</p> <p>C'est donc tout naturellement qu'en 2011, les Mahorais parachevèrent ce mouvement d'ancrage définitif à l'Etat français et à l'Union Européenne en devenant quelque temps après une région ultra périphérique de l'UE. Constatant son impuissance dans ce bras de fer, l'Union des Comores instrumentalisa et encouragea par tous les moyens l'immigration massive de ses populations vers Mayotte. Ce phénomène a connu son apogée sous la présidence de François Hollande, le Parti socialiste français dont il fut le chef de file n'étant pas, à vrai dire, un farouche défenseur du maintien de Mayotte dans la France, et surtout pas dans le cadre d'un statut de département d'outre-mer. Cette lâcheté politique eut pour conséquence immédiate le drame de l'insécurité que vivent les Mahorais aujourd'hui.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1683789633_3.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Dans la foule l’appartenance française est revendiquée. © DR</em></h4> <h3>Une position très ambiguë de l'Etat français</h3> <p>Alors même que Mayotte est reléguée au rang de parent très pauvre de la métropole, qu'elle a vu ses dotations budgétaires réduites à peau de chagrin, le gouvernement à Paris n'a cessé d'accroître l'aide au développement en faveur de son partenaire comorien. Au point qu'il a fini par consentir à un projet de rapprochement maximal entre Mayotte et l'Union des Comores à travers une coopération décentralisée, baptisée le GTHN (Groupe de Travail de Haut Niveau), que les Mahorais ont très vite balayé d'un revers de la main. Décidés à récupérer Mayotte à n'importe quel prix, les Comoriens ont continué à se déverser en masse quotidiennement sur les rivages de l'île jusqu'à dépasser la moitié du nombre de ses habitants. Plus de 60% des accouchements sur le département proviennent de femmes comoriennes. Il en est de même pour les scolarisations dans les écoles maternelles, primaires, secondaires et même universitaires. Dans une île où le taux de chômage était déjà de 30% supérieur à celui de la France métropolitaine, aucun projet de développement économique et social ne tient debout. Les prévisions budgétaires sont constamment revues à la hausse.</p> <p>Phénomène inattendu, alors que Paris ne cesse d'imposer aux Mahorais des obligations fiscales de même niveau que le reste de la nation française, elle laisse se développer à travers cette immigration incontrôlée toute une économie souterraine qui profite à des mafias comoriennes et africaines (prostitution, trafic d'êtres humains, marchandises de contrebande). Le bras de mer qui sépare Mayotte d'Anjouan (70 km) et de Madagascar (130 km) est une énorme autoroute de trafics en tout genre impliquant même des propriétaires métropolitains de voiliers.</p> <p>L'immigration clandestine à Mayotte est en soi un marché très juteux pour certains qui exploitent à leur profit l'angélisme de la bureaucratie judiciaire française. Celle-ci n'est pas étrangère à l'explosion du ras-le-bol des citoyens de Mayotte. En effet, ces derniers ont un sentiment d'injustice, voire la certitude que l'appareil judiciaire local joue contre eux. «<em>Il préfère condamner les victimes qui cèdent à la tentation de se faire justice plutôt que les bourreaux qui se présentent en mineurs criminels sans foi ni loi à l'image de ceux des favelas de Rio de Janeiro</em>», entend-on régulièrement dans les nombreuses manifestations populaires en faveur de l'opération Wuambushu. Un sentiment renforcé par la prise de position publique du Syndicat de la magistrature (très ancré à gauche) quelques jours avant le déclenchement de cette opération annonçant son hostilité à la démarche du gouvernement français. Curieux comportement pour les Mahorais. La démocratie française est hélas ainsi faite.</p> <h3>Un risque palpable de guerre civile</h3> <p>Toujours est-il que l'opération Wuambushu que les Mahorais appellent tous de leurs vœux et qui bénéficie d'un soutien populaire massif à Mayotte ne fait pas consensus à Paris. Elle est même sujette à une controverse politique ubuesque, voire grotesque, de la part de politiciens aspirant à de futures responsabilités gouvernementales. Au nom d'un dogmatisme désuet, l'extrême gauche, mais aussi une partie du socialisme syndical, manifeste ouvertement son opposition à la démarche du gouvernement visant à reprendre la main sur les bandes criminelles qui terrorisent Mayotte. Idem pour les nombreuses associations et organisations de défense des droits de l'homme qui veulent priver les habitants de Mayotte du droit fondamental de vivre en paix sur leur terre, comme s'ils étaient immunisés face au calvaire quotidien que vivent leurs compatriotes, préférant se donner bonne conscience en se barricadant derrière des positions dogmatiques décalées face aux réalités mahoraises.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1683789680_2.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Les manifestants devant le marché de Mamoudzou. © DR</em></h4> <p>Cette situation a conduit à un blocage de l'opération de pacification de Gérald Darmanin sur «l'île aux parfums», à la suite d'une décision de justice. Une juge du tribunal judiciaire de Mayotte a ordonné l'arrêt de la première action de démolition d'un bidonville, retardant sérieusement la mise en œuvre d'une des trois phases importantes de Wuambushu qui est la récupération des fonciers publics et privés occupés illégalement par les immigrés clandestins comoriens. Des terrains destinés à être aménagés pour accueillir des logements sociaux et des équipements publics indispensables au développement de Mayotte.</p> <p>Autre facteur (et non des moindres) qui enlise l'opération: le refus des autorités comoriennes de récupérer leurs ressortissants illégaux expulsés. Le gouvernement des Comores est vent debout contre cette opération qui le prive d'une manne financière conséquente issue de l'économie souterraine générée par l'immigration clandestine. 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S'il est vrai que quelques individus présentés comme des meneurs présumés des hordes de voyous ont été arrêtés au cours de ces derniers jours et présentés devant la justice, on reste encore très loin du compte.</p> <p>En effet, à l'extérieur des tribunaux, des bandes de jeunes cagoulés ne manquent pas, quasi quotidiennement, de s'en prendre aux forces de l'ordre chargées de pacifier un territoire qui a grand besoin d'un retour à l'ordre républicain. Ces délinquants majoritairement issus de l'immigration clandestine incontrôlée (mais aussi de jeunes mahorais) terrorisent la population locale qui vit terrée chez elle à la nuit tombée. Ils pillent les maisons, souvent en présence de leurs occupants, rançonnent et violentent les gens pour un téléphone portable, de l'argent et tout ce qui représente une valeur marchande à leurs yeux. 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A Mayotte, l'immigration clandestine provient à 90% de l'Union des Comores dont la frontière maritime n'est qu'à seulement 70km du 101ème département français. Le reste se constitue de Malgaches, de ressortissants des pays des grands lacs (Rwanda, Burundi), du Congo (ex-Zaïre), de la Tanzanie, de la Somalie, du Yémen et du Sri Lanka. Géographiquement située dans l'archipel des Comores (4 îles que sont la Grande-Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte), le 101ème département français vit depuis 200 ans un contentieux territorial avec les 3 autres îles qui composent aujourd'hui l'Etat comorien.</p> <p>Dernière colonie française de la zone, l'Union des Comores a accédé à l'indépendance le 6 juillet 1975. Elle estime que Mayotte lui revient de droit sur la base de la charte de l'ONU sur l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Le problème est que les Mahorais (et la France) ont une autre approche de la question. 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Pendant que l'Afrique était saisie d'un vent de décolonisation (parfois violente à certains endroits) au lendemain de la Seconde guerre mondiale, Mayotte n'aspirait qu'à demeurer française de manière définitive au travers d'un statut de département d'outre-mer (DOM), et partager ainsi le même sort que le reste de la nation française. Problème, cette intention mahoraise n'a jamais été au goût des autres îles des Comores dont les dirigeants caressaient une toute autre ambition.</p> <h3>Un conflit vieux de deux siècles</h3> <p>En acquérant l'île de Mayotte pour 1'000 piastres en 1841, la France en a profité pour étendre son protectorat aux îles des Comores un demi-siècle plus tard, en même temps qu'elle avait colonisé Madagascar, à laquelle finit par être rattaché administrativement l'archipel des Comores. Dans le vent des indépendances africaines, Madagascar se détacha de la France en 1960. Un certain Saïd Mohamed Cheick (originaire de la Grande-Comore), alors député des Comores à l'Assemblée nationale française, proposa un projet de loi (ex-nihilo) pour transformer les 4 îles de l'archipel en Territoire Français d'Outre-mer (TOM), prélude à une future indépendance.</p> <p>Le Parlement français acta ce principe sans avoir, au préalable, consulté les populations concernées. Résultats des courses, au moment du référendum d'autodétermination en 1974, la population de Mayotte se prononça massivement en faveur du maintien de leur île au sein de la République française. Un choix plusieurs fois réitéré par la suite à travers d'autres consultations référendaires, malgré une pluie de contestations de l'Assemblée générale de l'ONU.</p> <p>C'est donc tout naturellement qu'en 2011, les Mahorais parachevèrent ce mouvement d'ancrage définitif à l'Etat français et à l'Union Européenne en devenant quelque temps après une région ultra périphérique de l'UE. Constatant son impuissance dans ce bras de fer, l'Union des Comores instrumentalisa et encouragea par tous les moyens l'immigration massive de ses populations vers Mayotte. Ce phénomène a connu son apogée sous la présidence de François Hollande, le Parti socialiste français dont il fut le chef de file n'étant pas, à vrai dire, un farouche défenseur du maintien de Mayotte dans la France, et surtout pas dans le cadre d'un statut de département d'outre-mer. 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Décidés à récupérer Mayotte à n'importe quel prix, les Comoriens ont continué à se déverser en masse quotidiennement sur les rivages de l'île jusqu'à dépasser la moitié du nombre de ses habitants. Plus de 60% des accouchements sur le département proviennent de femmes comoriennes. Il en est de même pour les scolarisations dans les écoles maternelles, primaires, secondaires et même universitaires. Dans une île où le taux de chômage était déjà de 30% supérieur à celui de la France métropolitaine, aucun projet de développement économique et social ne tient debout. 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En effet, ces derniers ont un sentiment d'injustice, voire la certitude que l'appareil judiciaire local joue contre eux. «<em>Il préfère condamner les victimes qui cèdent à la tentation de se faire justice plutôt que les bourreaux qui se présentent en mineurs criminels sans foi ni loi à l'image de ceux des favelas de Rio de Janeiro</em>», entend-on régulièrement dans les nombreuses manifestations populaires en faveur de l'opération Wuambushu. Un sentiment renforcé par la prise de position publique du Syndicat de la magistrature (très ancré à gauche) quelques jours avant le déclenchement de cette opération annonçant son hostilité à la démarche du gouvernement français. Curieux comportement pour les Mahorais. La démocratie française est hélas ainsi faite.</p> <h3>Un risque palpable de guerre civile</h3> <p>Toujours est-il que l'opération Wuambushu que les Mahorais appellent tous de leurs vœux et qui bénéficie d'un soutien populaire massif à Mayotte ne fait pas consensus à Paris. Elle est même sujette à une controverse politique ubuesque, voire grotesque, de la part de politiciens aspirant à de futures responsabilités gouvernementales. Au nom d'un dogmatisme désuet, l'extrême gauche, mais aussi une partie du socialisme syndical, manifeste ouvertement son opposition à la démarche du gouvernement visant à reprendre la main sur les bandes criminelles qui terrorisent Mayotte. 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Par décrets, le gouvernement fédéral tout comme le gouvernorat de l'île d'Anjouan (épicentre de cette immigration massive) interdisent aux navires transportant les populations reconduites aux frontières de débarquer sur le sol comorien. Pendant qu'elle crie au risque d'un massacre prochain de ses ressortissants à Mayotte, Moroni continue de cultiver un certain cynisme en défendant auprès de ses citoyens que le territoire fait partie intégrante des Comores et qu'il appartient à tous les Comoriens. L'opération Wuambushu bat les masques d'une diplomatie française très frileuse lorsqu'il s'agit de l'Etat comorien, obligée d'adopter un ton moins conciliant si elle veut éviter une guerre civile sur ce bout de territoire français. </p> <p>La saturation de la capacité d'accueil de Mayotte met en évidence le risque encouru par l'Hexagone face à ce tsunami d'immigrés illégaux. En effet, Paris reste sourd aux demandes répétées des élus mahorais de répartir le poids de cette immigration massive à l'échelle nationale, mais aussi de demander l'intervention de Frontex pour protéger ce qui est aussi une frontière de l'Union européenne. Seulement voilà, lassées par l'insécurité et le banditisme qui sévit sur leur territoire, les populations locales penchent de plus en plus vers la radicalité et veulent se défendre par leurs propres moyens. Les opérations coup de poing se multiplient depuis la fin de la semaine dernière pour empêcher les Comoriens de continuer à bénéficier des avantages du système social français à Mayotte, devant l'indifférence des autorités policières et préfectorales. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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1 Commentaire
@simone 13.05.2023 | 15h59
«Merci pour cet éclairage précieux mais inquiétant pour la suite.
Suzette Sandoz»