Actuel / «Je dis que je suis juif pour prévenir les remarques antisémites»

Olivier Ranson. © DR
Issu d’une famille marquée par la guerre, endeuillée par le terrorisme ou l’ayant frôlé de près, le Français Olivier Ranson, dessinateur humoristique au quotidien «Le Parisien», s’inscrit dans un héritage juif fait de drames, de bons mots et d’esprit combatif.
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Est-ce bien raisonnable?</p> <p><strong>Le 9 août 1982, le groupe Abou Nidal, une dissidence de l’OLP, commet un attentat rue des Rosiers, dans le Marais, à Paris. Le restaurant juif Goldenberg est visé. Il y a six morts. Parmi eux, ton oncle. Comment apprends-tu la nouvelle?</strong></p> <p>A l’époque, j’habite Strasbourg. Je reçois un coup de téléphone de ma mère. «Il y a eu un attentat, ton oncle André est mort.» J’ai pris le train du soir pour Paris. Le frère de ma mère travaillait dans le restaurant Jo Goldenberg, une institution dans le Marais, le lieu comme le bonhomme. Mon oncle était lui-même lié par une aïeule aux Rosenberg.</p> <p><strong>Tu as donc des origines ashkénazes?</strong></p> <p>Ne crois pas tout ce que je dis sur Facebook. Je ne suis pas, par ma mère, que ladino, autrement dit un judéo-espagnol. Le père de Jo Goldenberg était le frère de mon arrière-grand-mère. Les Goldenberg sont originaires d’Ukraine, du côté d’Odessa. A la fin du XIXe siècle, cette arrière-grand-mère est partie, passant par la Turquie, pour les Etats-Unis. Elle s’y est mariée, son mari est mort, elle est revenue en Turquie, à Istanbul, qu’on appelait encore Constantinople dans certains cercles. Elle s’y est remariée avec celui qui était mon arrière-grand-père, un juif ladino du nom de Rozanes. Elle et lui sont venus en France peu avant la fin de l’empire ottoman. Une autre souche de mon ascendance juive porte le nom de Niego, des ladinos originaires de Turquie également.</p> <p><strong>Tu as 23 ans en 1982. Es-tu sensible alors à la question antisémite?</strong></p> <p>Oui. A l’époque, j’étais dans le milieu juif religieux. On subissait de temps en temps de l’antisémitisme. De toute façon, dans ma famille, on a toujours connu l’antisémitisme. Ma grand-mère, qui avait fait la guerre, avait été arrêtée et avait failli être déportée, ne voulait pas trop qu’on parle de ça. Nous étions des juifs très assimilés qui se sont tournés vers la religion, à mon grand regret, je le reconnais, c’est une faute.</p> <h3><strong>«Je conçois que lorsque tu es musulman en France, confronté à la suspicion ou au mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines»</strong></h3> <p><strong>Le fait de t’être toi-même investi dans la religion peut t’amener à comprendre que d’autres, côté musulman, dans la deuxième génération de l’immigration maghrébine, l’équivalent, si l’on veut bien, des fils et filles de juifs de l’après-guerre, aient fait de même.</strong></p> <p>Oui, je peux comprendre. A un moment donné, on a besoin de se chercher une identité à travers ce qu’on a et que, pour faire sartrien, on nous impose aussi. Avant-guerre – j’exprime là une opinion personnelle – être juif était une sorte de fatalité. Tu avais le choix entre le rester ou rompre avec ce legs. Après-guerre, je pense que tu es marqué, que tu es l’héritier d’une histoire, à laquelle il est plus difficile d’échapper. Je conçois que lorsque tu es musulman en France, dès lors qu’on te regarde avec suspicion ou mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines. Je me souviens qu’un livreur de Darty (<em>enseigne d’électro-ménager, ndlr.</em>), qui venait d’installer chez nous une machine à laver et à qui nous proposions un café ou un jus d’orange, avait répondu: «Non, je ne peux pas, c’est ramadan.» Je me suis dit qu’il s’était imposé des règles pour montrer qu’il avait une personne et qu’il n’était pas qu’un simple employé ou un quidam anonyme.</p> <p><strong>Cela ne te rend pas plus indulgent pour la religion.</strong></p> <p>Je pense que la religion est un abus en toutes circonstances. Ceux qui disent: «C’est comme cela et pas autrement qu’il faut être juif» sont des ignorants et des escrocs, comme le sont les imams qui imposent à leurs ouailles une manière d’être musulman.</p> <p><strong>Comment as-tu réagi à l’annonce, début décembre, de l’extradition de la Norvège vers la France de Walid Abdulrahman Abou Zayed, 61 ans, d’origine palestinienne, l’un des auteurs présumés de l’attentat de la rue des Rosiers?</strong></p> <p>Je peux te dire que ça remue beaucoup mon cousin, le fils de l’oncle décédé dans l’attaque, dont je suis très proche. La différence entre lui et moi, c’est que lui n’est pas juif – sa mère ne l’est pas, contrairement à la mienne. «Je vais mal dormir», m’a-t-il dit, sachant le suspect enfin extradé. J’ai répliqué: «Si ça peut te consoler, pense à lui qui va dormir en prison avec une couverture qui gratte.»</p> <p><strong>Peu après l’attentat de 1982, le renseignement français avait conclu un accord avec le groupe Abou Nidal, de façon à épargner à l’avenir la France d’actions terroristes, a-t-on appris en 2019.</strong></p> <p>Oui, il y avait un <em>deal</em>. Il y a toujours eu de la part de la France une volonté de compromission pour la raison que le Quai d’Orsay, le ministère des affaires étrangères, est une boîte à vérole.</p> <p><strong>En gros, tu reproches au Quai d’Orsay sa «politique arabe» dans laquelle Israël serait un gêneur.</strong></p> <p>Je me souviens d’un ambassadeur de France qui avait dit en 2001, parlant d’Israël: «Ce petit pays de merde». La France ne s’est jamais guérie de ses grandes ambitions sur le Proche-Orient. Or elle a profondément tout raté de ce côté-ci. Elle avait obtenu la Syrie et le Liban dans les accords Sykes-Picot de 1916. On peut considérer que pour elle et pour ces pays, ce fut des expériences catastrophiques. Les relations entretenues par la France avec beaucoup d’Etats arabes sont basées sur de l’indulgence pour les crimes. Chaque fois qu’on reproche à Israël une bavure ou une politique violente avec les Palestiniens, on oublie de parler de ce qui s’est passé ailleurs, que ce soit Septembre noir ou de massacres en Syrie. Les paravents humanistes de la France dans la région sont de la foutaise.</p> <h3><strong>«Se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël»</strong></h3> <p><strong>Tu dois être satisfait de la politique de Trump au Proche-Orient: le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, la normalisation des relations entre Israël et des émirats arabes, dernièrement le royaume marocain.</strong></p> <p>Si j’avais été américain, autrement dit, si mon arrière-grand-mère était restée aux Etats-Unis, Trump n’aurait vraisemblablement pas été mon candidat. On a fait de lui en France un monstre. Trump y est certes allé un peu fort, mais il a obtenu des résultats. A la prochaine présidentielle en France, je voterai pour le candidat qui déplacera l’ambassade de France à Jérusalem.</p> <p><strong>Tu es un sioniste assumé. Pour l’existence d’un Etat juif. </strong></p> <p>Je pense que tout le monde devrait l’être. Parce que se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël en leur disant qu’ils n’ont même pas le droit à un pays. Si les Palestiniens n’ont pas d’Etat, c’est parce que les Arabes ont refusé l’accord en 1947.</p> <p><strong>Tu ne peux pas faire l’impasse sur la Naqba, soit, de fait, la déportation en 1948 de centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres, non pas vers la mort, mais vers des territoires d’exil. D’où le «droit au retour».</strong></p> <p>A cet argument, que je peux entendre, je rappelle qu’il y a aujourd’hui 20% d’Arabes en Israël. On n’a pas cette proportion en France. Donc la France est mal placée pour donner des leçons. Quant aux Palestiniens disposant du statut de réfugiés, reconductible de génération en génération, je constate que ceux qui sont restés dans les pays arabes ont été transformés en armes diplomatiques. On mettra aussi le droit au retour des Palestiniens dans la balance avec le million et demi de juifs chassés des pays arabes. Ces juifs se sont intégrés ailleurs. Pourquoi les Palestiniens ne l’ont pas fait?</p> <h3><strong>«Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu»</strong></h3> <p><strong>Juifs chassés en réaction à la création de l’Etat d’Israël…</strong></p> <p>Je ne dis pas le contraire. Mais la réaction nationaliste de ces pays qui consiste à chasser des juifs de chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas atteindre ceux déjà en Israël, c’est la même chose que la réaction terroriste qui consiste à attaquer des civils dans un endroit parce que le gouvernement de cet endroit a fait quelque chose qui a déplu. Ce genre de représailles, on le tolère, mais c’est aberrant. Mon oncle a été tué par le commando Abou Nidal parce que la Syrie n’était pas contente que la France ait sauvé Arafat en l’extrayant du Liban. Je rappelle que Mohamed Merah a tué des enfants juifs à l’école Ozar Hatorah de Toulouse pour venger des enfants palestiniens. Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu.</p> <p><strong>Les bombardements israéliens en juillet 2014 ont tué beaucoup d’enfants palestiniens à Gaza. On se souvient en particulier d’une école où seize enfants avaient trouvé la mort dans l’un d’eux.</strong></p> <p>Enfants que le Hamas utilisait comme boucliers humains, alors qu’Israël avertissait des cibles qu’il allait viser pour en évacuer les civils à temps. On n’entend pas grand-monde lorsque le Hamas balance des rockets en Israël, cherchant à tuer au hasard. On ne va quand même pas, nous juifs, reprocher aux Palestiniens de ne pas réussir à tuer des juifs.</p> <p><strong>Ton frère est présent dans l’école juive Ozar Hatorah lorsque Mohamed Merah y tue quatre personnes, dont trois enfants. </strong></p> <p>Mon frère Nicolas y scolarisait ses enfants, qu’il venait de déposer ce matin-là. Il a essayé de ranimer la petite Myriam Monsonégo. J’ai croisé le père de cette petite au mariage de mon neveu en Israël en 2017. Après l’attentat, mon frère est parti vivre à Jérusalem.</p> <h3><strong>«J’ai pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter»</strong></h3> <p><strong>Quand cet attentat a eu lieu, as-t-u repensé à celui de la rue des Rosiers, perpétré trente ans plus tôt?</strong></p> <p>Oui. C’est une sorte de continuum. Il y aussi <em>Charlie Hebdo</em> et deux jours plus tard l’Hyper Cacher en janvier 2015. Tous les attentats islamistes en Europe me ramènent d’une certaine manière à celui de 1982. Le 17 août 2017, je séjourne en touriste avec des amis à Barcelone. Nous venons de quitter les Ramblas quand un attentat meurtrier y est commis. Ce jour-là, nous avons croisé des gens qui allaient vers leur mort. Une fille m’a demandé si j’avais besoin d’une aide psychologique. Mais compte tenu du nombre d’attentats qui ont touché mon entourage, j’ai plutôt pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter.</p> <p><strong>Le 7 janvier 2015, tu t’es inquiété pour ta mère, fidèle cliente de l’Hyper Cacher cible ce jour-là d’un attentat qui fait quatre morts.</strong></p> <p>Oui, ma mère, qui à mon grand regret mange casher, n’était heureusement pas présente dans ce magasin à l’heure de l’attentat. Ma mère est religieuse, elle l’est restée. Moi pas. A Kippour, et ce n’est pas une blague, je vais toujours manger au Pied de cochon, une célèbre brasserie du quartier des Halles à Paris. Je prône une identité juive, qui n’est pas celle de la religion juive. Ma mère mange donc casher. Et pour tout te dire en matière d’humour, ma mère, qui est de 1936, a été baptisée pendant la guerre. Elle vivait cachée dans une école de bonnes sœurs en Normandie. Cette école n’a pas eu la médaille des Justes parce qu’elle baptisait les enfants juifs. Plus tard, pour embêter ma mère, je lui ai dit: «Tu as été baptisée, c’est un sacrement inaliénable, je te ferai enterrer en terre chrétienne et un samedi pour que tu roules en corbillard le jour du shabbat.»</p> <h3><strong>«Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire»</strong></h3> <p><strong>Ta mère épouse après la guerre un non-juif. Car ton père et ton nom, eux, ne sont pas juifs.</strong></p> <p>Effectivement, Ranson, ce n’est pas juif, c’est ch’ti, du Nord de la France. Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire. C’est seulement après avoir divorcé de mon père qu’elle s’est tournée vers le judaïsme religieux. Elle nous a entraînés, moi et mon frère cadet, dans ce monde-là. Elle y a trouvé une sécurité et un réconfort que moi je dénonce, personnellement. Je n’aime pas ce milieu.</p> <p><strong>Que faisait M. Ranson?</strong></p> <p>Il est aujourd’hui retraité. Il louait des voitures avec chauffeur.</p> <p><strong>A 18-20 ans, étais-tu bagarreur? </strong></p> <p>Non, je n’étais pas une racaille feuj, si c’est ta question. Moi, je voulais faire du dessin. Mais j’ai fait de la boxe et j’ai toujours tenu à en imposer pour ne pas avoir à me servir de mes poings. Je me souviens avoir eu des altercations antisémites lorsque j’étais élève à la yeshiva d’Aix-les-Bains, avec des jeunes gars du coin, des petites racailles blanches, des ploucs. A l’école juive, on nous disait de ne surtout pas répondre aux provocations. J’avais pour eux une sorte de mépris. Je pense qu’ils ne savaient pas vraiment le sens du mot «juif». Ça rassurait ces pauvres cons de croire qu’ils pouvaient emmerder les juifs comme on emmerdait à l’époque et après les homos. Pour eux, on était une minorité, une cible, un bouc-émissaire. Autre anecdote: un jour, lorsque je travaillais pour <em>Le Matin de Paris</em>, un journal de gauche rempli de gauchistes, l’un de ses journalistes m’a dit: «Tsahal (l’armée israélienne), c’est comme la Wehrmacht.» Ça m’a énervé. Je lui ai proposé d’aller en discuter en bas de l’immeuble. Il m’a répondu: «Je suis contre toute forme de violence. » Jeune, je n’étais pas ce qu’on peut appeler un militant sioniste. Je suis devenu un sioniste solidaire depuis que l’antisionisme, cette escroquerie, a tout envahi.</p> <h3><strong>«Mon identité juive répond à mes angoisses»</strong></h3> <p><strong>Ne penses-tu pas que la manifestation d’un antisémitisme décomplexé, parfois violent et même mortel, côté arabe ou musulman, a été une divine surprise pour les antisémites, si l’on peut dire habituels, côté européen, qui ont pu trouver là un paravent à leur propre penchant?</strong></p> <p>Bien sûr, et puis l’antisionisme a permis en quelque sorte de démocratiser l’antisémitisme, comme l’avait remarqué le philosophe Vladimir Jankélévitch. Je vais te raconter quelque chose: un jour, un cousin du côté de ma belle-famille, qui n’est pas juive, m’a demandé pourquoi je m’affichais comme juif en société, en recourant notamment à tout un arsenal de blagues juives. Je lui ai répondu que c’était pour prévenir les remarques ou commentaires antisémites pouvant surgir à tout moment et pouvant gêner l’une et l’autre partie.</p> <p><strong>Est-ce que ton lien fort à Israël, le fait de te sentir et de te dire juif ne traduisent pas chez toi une culpabilité proche de celle du survivant?</strong></p> <p>Je me suis posé la question. Pour moi, être juif, quand j’étais petit, avant l’attentat de la rue des Rosiers, c’était un secret. Les histoires de la Shoah, comme elles étaient racontées de façon pleurnicharde, ça m’angoissait, ça m’oppressait. Après la rue des Rosiers, alors que je cherchais mon identité juive dans le milieu religieux, je me suis dit que je n’avais absolument pas besoin de la religion pour être juif. Il faut savoir qu’à la maison, étant marié à une non-juive, je suis la question juive un peu en solitaire. Plutôt qu’une culpabilité du survivant, mon identité juive répond à mes angoisses.</p> <p><strong>«Mais qu’est-ce que c’est que ces juifs non-religieux qui se disent juifs», entend-on parfois, avec ou sans intonation antisémite dans la voix. Est-ce du nationalisme de leur part?</strong></p> <p>Non, c’est de l’identité. De la même façon, mais je l’espère en mieux, que tous ces petits beurs qui croient que leur seule identité c’est d’être antisionistes. Ils ont besoin de ça parce qu’ils sont en déficit identitaire. S’ils apprenaient eux-mêmes leur culture, leurs racines en les abordant de façon critique, ils n’emmerderaient pas les juifs. C’est leur médiocrité, leur vacuité qui font que ces gens – je parle d’une partie, non d’un tout bien sûr – ne peuvent exister qu’en se définissant contre Miss Provence, par exemple, la dauphine du dernier concours Miss France, dont le père a entre autres des origines israéliennes. Dans la démarche, c’est tellement plouc. Ça montre que l’école n’a pas fait son boulot et que l’intégration est en partie ratée.</p> <h3><strong>«Tous ces petits merdeux qui insultent Miss Provence finiront bien par se rendre compte que c’est un cul-de-sac que d’être antisémites et antisionistes»</strong></h3> <p><strong>Sur les réseaux sociaux, tu publies, encore, des dessins représentant le «prophète». Un prophète en l’occurrence plutôt naïf, inoffensif.</strong></p> <p>Mon prophète n’est pas méchant, il n’appelle jamais au meurtre. Dans la forme, je l’ai emprunté au prophète de Luz, l’ex-dessinateur de <em>Charlie Hebdo</em>, qui, une semaine après l’attentat, avait dessiné un Mahomet disant que tout était pardonné. Le dernier dessin que j’ai fait avec cette représentation, c’est Mahomet qui dit: «L’islamophobie c’est du racisme. Regardez, on me dessine avec un nez de juif.» De la même manière qu’on entretient la flamme du soldat inconnu, on a une obligation par rapport aux dessinateurs de qui sont tombés dans l’attentat. Moi, je ne m’empêcherai pas de dessiner le «prophète».</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1609091316_img6482.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="568" height="637" /></p> <p><strong>Es-tu plutôt optimiste ou plutôt pessimiste pour l’avenir du vivre-ensemble en France?</strong></p> <p>Tout ira beaucoup mieux quand tous les juifs seront partis de France. Non, sérieusement, je crois que ça va s’arranger. Si la France est une nation et forme un corps social, alors nous parviendrons à guérir de nos maux actuels. Tous ces petits merdeux qui insultent Miss Provence finiront bien par se rendre compte que c’est un cul-de-sac que d’être antisémites et antisionistes, des concepts qu’ils ne comprennent même pas. Ce qui a été vécu comme quelque chose de difficile, voire d’humiliant pour une partie des jeunes Franco-Maghrébins, c’est de vivre dans un pays qui avait colonisé le pays de leurs parents. Dans cette France où les juifs, en l’occurrence les séfarades, avaient entre-temps perdu leur statut de dhimmis, de soumis à l’islam, pour une vie française avec en eux le moins de complexes possibles. Les petits intolérants dont je parle ont la même réaction vis-à-vis de Miss Provence que celle des petits-blancs qui saccagent la voiture d’un Noir dans le film «Ragtime» de Milos Forman, parce qu’ils ne supportent pas qu’un Noir ait une voiture. Eux ne supportent pas que des juifs connaissent la réussite sociale alors que de leur côté, ils en chient. Cet antisémitisme-là, c’est l’expression d’une médiocrité. 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Nous étions des juifs très assimilés qui se sont tournés vers la religion, à mon grand regret, je le reconnais, c’est une faute.</p> <h3><strong>«Je conçois que lorsque tu es musulman en France, confronté à la suspicion ou au mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines»</strong></h3> <p><strong>Le fait de t’être toi-même investi dans la religion peut t’amener à comprendre que d’autres, côté musulman, dans la deuxième génération de l’immigration maghrébine, l’équivalent, si l’on veut bien, des fils et filles de juifs de l’après-guerre, aient fait de même.</strong></p> <p>Oui, je peux comprendre. A un moment donné, on a besoin de se chercher une identité à travers ce qu’on a et que, pour faire sartrien, on nous impose aussi. Avant-guerre – j’exprime là une opinion personnelle – être juif était une sorte de fatalité. Tu avais le choix entre le rester ou rompre avec ce legs. Après-guerre, je pense que tu es marqué, que tu es l’héritier d’une histoire, à laquelle il est plus difficile d’échapper. Je conçois que lorsque tu es musulman en France, dès lors qu’on te regarde avec suspicion ou mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines. Je me souviens qu’un livreur de Darty (<em>enseigne d’électro-ménager, ndlr.</em>), qui venait d’installer chez nous une machine à laver et à qui nous proposions un café ou un jus d’orange, avait répondu: «Non, je ne peux pas, c’est ramadan.» Je me suis dit qu’il s’était imposé des règles pour montrer qu’il avait une personne et qu’il n’était pas qu’un simple employé ou un quidam anonyme.</p> <p><strong>Cela ne te rend pas plus indulgent pour la religion.</strong></p> <p>Je pense que la religion est un abus en toutes circonstances. Ceux qui disent: «C’est comme cela et pas autrement qu’il faut être juif» sont des ignorants et des escrocs, comme le sont les imams qui imposent à leurs ouailles une manière d’être musulman.</p> <p><strong>Comment as-tu réagi à l’annonce, début décembre, de l’extradition de la Norvège vers la France de Walid Abdulrahman Abou Zayed, 61 ans, d’origine palestinienne, l’un des auteurs présumés de l’attentat de la rue des Rosiers?</strong></p> <p>Je peux te dire que ça remue beaucoup mon cousin, le fils de l’oncle décédé dans l’attaque, dont je suis très proche. La différence entre lui et moi, c’est que lui n’est pas juif – sa mère ne l’est pas, contrairement à la mienne. «Je vais mal dormir», m’a-t-il dit, sachant le suspect enfin extradé. J’ai répliqué: «Si ça peut te consoler, pense à lui qui va dormir en prison avec une couverture qui gratte.»</p> <p><strong>Peu après l’attentat de 1982, le renseignement français avait conclu un accord avec le groupe Abou Nidal, de façon à épargner à l’avenir la France d’actions terroristes, a-t-on appris en 2019.</strong></p> <p>Oui, il y avait un <em>deal</em>. Il y a toujours eu de la part de la France une volonté de compromission pour la raison que le Quai d’Orsay, le ministère des affaires étrangères, est une boîte à vérole.</p> <p><strong>En gros, tu reproches au Quai d’Orsay sa «politique arabe» dans laquelle Israël serait un gêneur.</strong></p> <p>Je me souviens d’un ambassadeur de France qui avait dit en 2001, parlant d’Israël: «Ce petit pays de merde». La France ne s’est jamais guérie de ses grandes ambitions sur le Proche-Orient. Or elle a profondément tout raté de ce côté-ci. Elle avait obtenu la Syrie et le Liban dans les accords Sykes-Picot de 1916. On peut considérer que pour elle et pour ces pays, ce fut des expériences catastrophiques. Les relations entretenues par la France avec beaucoup d’Etats arabes sont basées sur de l’indulgence pour les crimes. Chaque fois qu’on reproche à Israël une bavure ou une politique violente avec les Palestiniens, on oublie de parler de ce qui s’est passé ailleurs, que ce soit Septembre noir ou de massacres en Syrie. Les paravents humanistes de la France dans la région sont de la foutaise.</p> <h3><strong>«Se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël»</strong></h3> <p><strong>Tu dois être satisfait de la politique de Trump au Proche-Orient: le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, la normalisation des relations entre Israël et des émirats arabes, dernièrement le royaume marocain.</strong></p> <p>Si j’avais été américain, autrement dit, si mon arrière-grand-mère était restée aux Etats-Unis, Trump n’aurait vraisemblablement pas été mon candidat. On a fait de lui en France un monstre. Trump y est certes allé un peu fort, mais il a obtenu des résultats. A la prochaine présidentielle en France, je voterai pour le candidat qui déplacera l’ambassade de France à Jérusalem.</p> <p><strong>Tu es un sioniste assumé. Pour l’existence d’un Etat juif. </strong></p> <p>Je pense que tout le monde devrait l’être. Parce que se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël en leur disant qu’ils n’ont même pas le droit à un pays. Si les Palestiniens n’ont pas d’Etat, c’est parce que les Arabes ont refusé l’accord en 1947.</p> <p><strong>Tu ne peux pas faire l’impasse sur la Naqba, soit, de fait, la déportation en 1948 de centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres, non pas vers la mort, mais vers des territoires d’exil. D’où le «droit au retour».</strong></p> <p>A cet argument, que je peux entendre, je rappelle qu’il y a aujourd’hui 20% d’Arabes en Israël. On n’a pas cette proportion en France. Donc la France est mal placée pour donner des leçons. Quant aux Palestiniens disposant du statut de réfugiés, reconductible de génération en génération, je constate que ceux qui sont restés dans les pays arabes ont été transformés en armes diplomatiques. On mettra aussi le droit au retour des Palestiniens dans la balance avec le million et demi de juifs chassés des pays arabes. Ces juifs se sont intégrés ailleurs. Pourquoi les Palestiniens ne l’ont pas fait?</p> <h3><strong>«Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu»</strong></h3> <p><strong>Juifs chassés en réaction à la création de l’Etat d’Israël…</strong></p> <p>Je ne dis pas le contraire. Mais la réaction nationaliste de ces pays qui consiste à chasser des juifs de chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas atteindre ceux déjà en Israël, c’est la même chose que la réaction terroriste qui consiste à attaquer des civils dans un endroit parce que le gouvernement de cet endroit a fait quelque chose qui a déplu. Ce genre de représailles, on le tolère, mais c’est aberrant. Mon oncle a été tué par le commando Abou Nidal parce que la Syrie n’était pas contente que la France ait sauvé Arafat en l’extrayant du Liban. Je rappelle que Mohamed Merah a tué des enfants juifs à l’école Ozar Hatorah de Toulouse pour venger des enfants palestiniens. Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu.</p> <p><strong>Les bombardements israéliens en juillet 2014 ont tué beaucoup d’enfants palestiniens à Gaza. On se souvient en particulier d’une école où seize enfants avaient trouvé la mort dans l’un d’eux.</strong></p> <p>Enfants que le Hamas utilisait comme boucliers humains, alors qu’Israël avertissait des cibles qu’il allait viser pour en évacuer les civils à temps. On n’entend pas grand-monde lorsque le Hamas balance des rockets en Israël, cherchant à tuer au hasard. On ne va quand même pas, nous juifs, reprocher aux Palestiniens de ne pas réussir à tuer des juifs.</p> <p><strong>Ton frère est présent dans l’école juive Ozar Hatorah lorsque Mohamed Merah y tue quatre personnes, dont trois enfants. </strong></p> <p>Mon frère Nicolas y scolarisait ses enfants, qu’il venait de déposer ce matin-là. Il a essayé de ranimer la petite Myriam Monsonégo. J’ai croisé le père de cette petite au mariage de mon neveu en Israël en 2017. Après l’attentat, mon frère est parti vivre à Jérusalem.</p> <h3><strong>«J’ai pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter»</strong></h3> <p><strong>Quand cet attentat a eu lieu, as-t-u repensé à celui de la rue des Rosiers, perpétré trente ans plus tôt?</strong></p> <p>Oui. C’est une sorte de continuum. Il y aussi <em>Charlie Hebdo</em> et deux jours plus tard l’Hyper Cacher en janvier 2015. Tous les attentats islamistes en Europe me ramènent d’une certaine manière à celui de 1982. Le 17 août 2017, je séjourne en touriste avec des amis à Barcelone. Nous venons de quitter les Ramblas quand un attentat meurtrier y est commis. Ce jour-là, nous avons croisé des gens qui allaient vers leur mort. Une fille m’a demandé si j’avais besoin d’une aide psychologique. Mais compte tenu du nombre d’attentats qui ont touché mon entourage, j’ai plutôt pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter.</p> <p><strong>Le 7 janvier 2015, tu t’es inquiété pour ta mère, fidèle cliente de l’Hyper Cacher cible ce jour-là d’un attentat qui fait quatre morts.</strong></p> <p>Oui, ma mère, qui à mon grand regret mange casher, n’était heureusement pas présente dans ce magasin à l’heure de l’attentat. Ma mère est religieuse, elle l’est restée. Moi pas. A Kippour, et ce n’est pas une blague, je vais toujours manger au Pied de cochon, une célèbre brasserie du quartier des Halles à Paris. Je prône une identité juive, qui n’est pas celle de la religion juive. Ma mère mange donc casher. Et pour tout te dire en matière d’humour, ma mère, qui est de 1936, a été baptisée pendant la guerre. Elle vivait cachée dans une école de bonnes sœurs en Normandie. Cette école n’a pas eu la médaille des Justes parce qu’elle baptisait les enfants juifs. Plus tard, pour embêter ma mère, je lui ai dit: «Tu as été baptisée, c’est un sacrement inaliénable, je te ferai enterrer en terre chrétienne et un samedi pour que tu roules en corbillard le jour du shabbat.»</p> <h3><strong>«Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire»</strong></h3> <p><strong>Ta mère épouse après la guerre un non-juif. Car ton père et ton nom, eux, ne sont pas juifs.</strong></p> <p>Effectivement, Ranson, ce n’est pas juif, c’est ch’ti, du Nord de la France. Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire. C’est seulement après avoir divorcé de mon père qu’elle s’est tournée vers le judaïsme religieux. Elle nous a entraînés, moi et mon frère cadet, dans ce monde-là. Elle y a trouvé une sécurité et un réconfort que moi je dénonce, personnellement. Je n’aime pas ce milieu.</p> <p><strong>Que faisait M. Ranson?</strong></p> <p>Il est aujourd’hui retraité. Il louait des voitures avec chauffeur.</p> <p><strong>A 18-20 ans, étais-tu bagarreur? </strong></p> <p>Non, je n’étais pas une racaille feuj, si c’est ta question. Moi, je voulais faire du dessin. Mais j’ai fait de la boxe et j’ai toujours tenu à en imposer pour ne pas avoir à me servir de mes poings. Je me souviens avoir eu des altercations antisémites lorsque j’étais élève à la yeshiva d’Aix-les-Bains, avec des jeunes gars du coin, des petites racailles blanches, des ploucs. A l’école juive, on nous disait de ne surtout pas répondre aux provocations. J’avais pour eux une sorte de mépris. Je pense qu’ils ne savaient pas vraiment le sens du mot «juif». Ça rassurait ces pauvres cons de croire qu’ils pouvaient emmerder les juifs comme on emmerdait à l’époque et après les homos. Pour eux, on était une minorité, une cible, un bouc-émissaire. Autre anecdote: un jour, lorsque je travaillais pour <em>Le Matin de Paris</em>, un journal de gauche rempli de gauchistes, l’un de ses journalistes m’a dit: «Tsahal (l’armée israélienne), c’est comme la Wehrmacht.» Ça m’a énervé. Je lui ai proposé d’aller en discuter en bas de l’immeuble. Il m’a répondu: «Je suis contre toute forme de violence. » Jeune, je n’étais pas ce qu’on peut appeler un militant sioniste. Je suis devenu un sioniste solidaire depuis que l’antisionisme, cette escroquerie, a tout envahi.</p> <h3><strong>«Mon identité juive répond à mes angoisses»</strong></h3> <p><strong>Ne penses-tu pas que la manifestation d’un antisémitisme décomplexé, parfois violent et même mortel, côté arabe ou musulman, a été une divine surprise pour les antisémites, si l’on peut dire habituels, côté européen, qui ont pu trouver là un paravent à leur propre penchant?</strong></p> <p>Bien sûr, et puis l’antisionisme a permis en quelque sorte de démocratiser l’antisémitisme, comme l’avait remarqué le philosophe Vladimir Jankélévitch. Je vais te raconter quelque chose: un jour, un cousin du côté de ma belle-famille, qui n’est pas juive, m’a demandé pourquoi je m’affichais comme juif en société, en recourant notamment à tout un arsenal de blagues juives. Je lui ai répondu que c’était pour prévenir les remarques ou commentaires antisémites pouvant surgir à tout moment et pouvant gêner l’une et l’autre partie.</p> <p><strong>Est-ce que ton lien fort à Israël, le fait de te sentir et de te dire juif ne traduisent pas chez toi une culpabilité proche de celle du survivant?</strong></p> <p>Je me suis posé la question. Pour moi, être juif, quand j’étais petit, avant l’attentat de la rue des Rosiers, c’était un secret. Les histoires de la Shoah, comme elles étaient racontées de façon pleurnicharde, ça m’angoissait, ça m’oppressait. Après la rue des Rosiers, alors que je cherchais mon identité juive dans le milieu religieux, je me suis dit que je n’avais absolument pas besoin de la religion pour être juif. Il faut savoir qu’à la maison, étant marié à une non-juive, je suis la question juive un peu en solitaire. Plutôt qu’une culpabilité du survivant, mon identité juive répond à mes angoisses.</p> <p><strong>«Mais qu’est-ce que c’est que ces juifs non-religieux qui se disent juifs», entend-on parfois, avec ou sans intonation antisémite dans la voix. Est-ce du nationalisme de leur part?</strong></p> <p>Non, c’est de l’identité. De la même façon, mais je l’espère en mieux, que tous ces petits beurs qui croient que leur seule identité c’est d’être antisionistes. Ils ont besoin de ça parce qu’ils sont en déficit identitaire. S’ils apprenaient eux-mêmes leur culture, leurs racines en les abordant de façon critique, ils n’emmerderaient pas les juifs. C’est leur médiocrité, leur vacuité qui font que ces gens – je parle d’une partie, non d’un tout bien sûr – ne peuvent exister qu’en se définissant contre Miss Provence, par exemple, la dauphine du dernier concours Miss France, dont le père a entre autres des origines israéliennes. Dans la démarche, c’est tellement plouc. Ça montre que l’école n’a pas fait son boulot et que l’intégration est en partie ratée.</p> <h3><strong>«Tous ces petits merdeux qui insultent Miss Provence finiront bien par se rendre compte que c’est un cul-de-sac que d’être antisémites et antisionistes»</strong></h3> <p><strong>Sur les réseaux sociaux, tu publies, encore, des dessins représentant le «prophète». Un prophète en l’occurrence plutôt naïf, inoffensif.</strong></p> <p>Mon prophète n’est pas méchant, il n’appelle jamais au meurtre. Dans la forme, je l’ai emprunté au prophète de Luz, l’ex-dessinateur de <em>Charlie Hebdo</em>, qui, une semaine après l’attentat, avait dessiné un Mahomet disant que tout était pardonné. Le dernier dessin que j’ai fait avec cette représentation, c’est Mahomet qui dit: «L’islamophobie c’est du racisme. Regardez, on me dessine avec un nez de juif.» De la même manière qu’on entretient la flamme du soldat inconnu, on a une obligation par rapport aux dessinateurs de qui sont tombés dans l’attentat. Moi, je ne m’empêcherai pas de dessiner le «prophète».</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1609091316_img6482.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="568" height="637" /></p> <p><strong>Es-tu plutôt optimiste ou plutôt pessimiste pour l’avenir du vivre-ensemble en France?</strong></p> <p>Tout ira beaucoup mieux quand tous les juifs seront partis de France. Non, sérieusement, je crois que ça va s’arranger. Si la France est une nation et forme un corps social, alors nous parviendrons à guérir de nos maux actuels. Tous ces petits merdeux qui insultent Miss Provence finiront bien par se rendre compte que c’est un cul-de-sac que d’être antisémites et antisionistes, des concepts qu’ils ne comprennent même pas. Ce qui a été vécu comme quelque chose de difficile, voire d’humiliant pour une partie des jeunes Franco-Maghrébins, c’est de vivre dans un pays qui avait colonisé le pays de leurs parents. Dans cette France où les juifs, en l’occurrence les séfarades, avaient entre-temps perdu leur statut de dhimmis, de soumis à l’islam, pour une vie française avec en eux le moins de complexes possibles. Les petits intolérants dont je parle ont la même réaction vis-à-vis de Miss Provence que celle des petits-blancs qui saccagent la voiture d’un Noir dans le film «Ragtime» de Milos Forman, parce qu’ils ne supportent pas qu’un Noir ait une voiture. Eux ne supportent pas que des juifs connaissent la réussite sociale alors que de leur côté, ils en chient. Cet antisémitisme-là, c’est l’expression d’une médiocrité. 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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. 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Qui, d’Hanouna ou de la gauche radicale, a-t-il le plus besoin de l’autre? Sans LFI, formation aux accents populistes, TPMP perdrait sa caution de gauche, risquant alors de ne plus réunir que des «anti-tout», souvent l’antichambre d’un parti de l’ordre. Mais en renonçant à ce forum, La France insoumise se priverait d’un lieu où elle peut porter des coups à «Macron», ce qui lui rapporte des voix. Ne plus se montrer dans «Touche pas à mon poste!» pourrait être interprété comme l’aveu qu’on appartient au «système», à cette «élite» qu’on prétend combattre.</p> <p>Dans le même temps, en participant à cette émission, LFI sait qu’elle contribue à saper la confiance dans les institutions démocratiques, dont on a vu jeudi soir le peu de cas qu’en faisait Cyril Hanouna en insultant le député Boyard. Il y a deux semaines, toujours à la barre de TPMP, Hanouna appelait à la tenue d’un procès expéditif, assortie d’une «perpétuité immédiate» pour la meurtrière présumée de la petite Lola. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. L’amnistie, qui comporte une part d’amnésie volontaire, permet le retour à la paix dans des sociétés qui se sont entredéchirées.</p> <p>Toute la difficulté en France – on le voit avec les polémiques entourant l’adoption en cours de la loi confortant le respect des principes républicains, initialement intitulée contre le séparatisme islamiste – tient dans l’énoncé et dans le sens attribué à des faits qui ont ensanglanté la métropole comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p> <h3>Déni de réalité</h3> <p>Dire ce qui s’est passé contient un enjeu de pouvoir politique et culturel pour le présent et pour l’avenir. Il y a là un rapport de force, d’autant plus à l’œuvre que la qualification de ces attentats n’est pas claire pour tous, ou doit rester équivoque, manière de manœuvre dilatoire. On est alors proche du déni de réalité. Laquelle? 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Pourquoi? On a tenté de répondre à cette question. Indice: l’image, pas terrible, du «voisin français». ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>«C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay…» La Mob, c’était mieux avant. Il y avait alors de vraies frontières. Pas comme aujourd’hui avec Schengen qui les a toutes effacées, ce qui est bien pratique aussi, il faut le dire. Mais parfois une votation – ou une pandémie – suffit à les rétablir. C’est ce qui s’est passé dimanche avec la «burqa», l’initiative interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, acceptée à 51,2% par le peuple. Un score relativement modeste qui cache de fortes disparités. Sans le vote des métropoles, favorables au non, le texte aurait été approuvé bien plus largement. En Suisse romande, les communes frontalières de la France ont plébiscité le oui. Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. Bref, le débat est un acquis précieux, et cette réponse à Gabriel Bender y participe.</p> <hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Lire aussi</strong>: <em><a href="https://bonpourlatete.com/analyses/mise-au-pas-du-patriarcat-a-la-rts" target="_blank" rel="noopener">Mise au pas du patriarcat à la RTS</a></em></p> <hr /> <p>Alors, qu’est-ce que je pense du harcèlement? Comme la plupart des gens, je pense que c’est intolérable. Je pense aussi que la «drague» en entreprise, lourde ou légère, est une mauvaise chose. Je dénonce le machisme et la beauferie. Je me souviens, mais là on part sur #metoogay, de trois journalistes causant politique avant une échéance électorale: l’un d’eux avait usé du mot «pédoque» pour évoquer un élu romand. C’était moche, j’avais envie de l’insulter. Tout ça pour dire que je suis heureux qu’une certaine tenue comportementale et verbale – «un homme ça s’empêche», merci Albert Camus – devienne la règle. Ce changement, on le doit aux féministes. Voilà pour ce que je pense.</p> <p>Maintenant, ce que je comprends. C’est plus pudique et de mon point de vue, plus intéressant, même si je peux parfaitement concevoir la nécessité et l’intérêt de récits à la première personne. Mon article sur le site de <i>Marianne</i> ne porte pas sur les faits présumés de harcèlement révélés par <i>Le Temps</i>. Je renvoie d’ailleurs dès le premier paragraphe à l’enquête du quotidien romand datée du 29 octobre. Il me semble que beaucoup, en France aussi, savent de quoi il retourne avec cette «Tour».</p> <p>Non, l’angle de mon article porte sur une action politique, menée essentiellement par des femmes, lesquelles exercent une pression dans un rapport de force en vue de l’obtention d’un résultat. On dirait que cette approche universelle a rendu Gabriel Bender tout drôle. Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? Ne serait-ce pas là jouer sur les «deux tableaux», celui de la victime à qui réparation est due et celui du citoyen à qui tout revient une fois la victoire acquise? Aussi je propose qu’on laisse la démocratie trancher sur les reformes sociétales voulues par le «collectif du 14 juin». Et que le droit remplisse son office pour les cas de harcèlement et mobbing présumés.</p> <p>Il y a de la mauvaise foi dans le texte de Gabriel Bender. A tout le moins des imprécisions. J’en veux pour preuve ce passage où il comprend de travers ce qui est pourtant clair: personne, parmi les salariés de la RTS, ne pousse, contrairement à ce qu’il affirme, la femme que je cite anonymement à produire un «faux témoignage», soit des accusations de harcèlement qu’elle n’aurait pas subi. 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Son oncle est mort dans l’attentat de la rue des Rosiers en 1982 à Paris, dont l’un des auteurs présumés a été extradé en France début décembre 2020. Son frère se trouvait à l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse lorsque Mohamed Merah y a abattu quatre personnes en mars 2012. Sa mère, cachée chez des bonnes sœurs pendant la guerre, est une fidèle cliente de l’épicerie parisienne Hyper Cacher, théâtre, le 7 janvier 2015, deux jours après la tuerie à Charlie Hebdo, d’une attaque antisémite qui a fait, là aussi, quatre morts. Dessinateur au journal Le Parisien, né en 1959 à Calais, Olivier Ranson, juif par sa mère et par choix, se confie sur sa relation au judaïsme, dit son opposition aux religions, revendique son sionisme en «solidarité» avec Israël. Cet homme n’a pas peur. Est-ce bien raisonnable?
Le 9 août 1982, le groupe Abou Nidal, une dissidence de l’OLP, commet un attentat rue des Rosiers, dans le Marais, à Paris. Le restaurant juif Goldenberg est visé. Il y a six morts. Parmi eux, ton oncle. Comment apprends-tu la nouvelle?
A l’époque, j’habite Strasbourg. Je reçois un coup de téléphone de ma mère. «Il y a eu un attentat, ton oncle André est mort.» J’ai pris le train du soir pour Paris. Le frère de ma mère travaillait dans le restaurant Jo Goldenberg, une institution dans le Marais, le lieu comme le bonhomme. Mon oncle était lui-même lié par une aïeule aux Rosenberg.
Tu as donc des origines ashkénazes?
Ne crois pas tout ce que je dis sur Facebook. Je ne suis pas, par ma mère, que ladino, autrement dit un judéo-espagnol. Le père de Jo Goldenberg était le frère de mon arrière-grand-mère. Les Goldenberg sont originaires d’Ukraine, du côté d’Odessa. A la fin du XIXe siècle, cette arrière-grand-mère est partie, passant par la Turquie, pour les Etats-Unis. Elle s’y est mariée, son mari est mort, elle est revenue en Turquie, à Istanbul, qu’on appelait encore Constantinople dans certains cercles. Elle s’y est remariée avec celui qui était mon arrière-grand-père, un juif ladino du nom de Rozanes. Elle et lui sont venus en France peu avant la fin de l’empire ottoman. Une autre souche de mon ascendance juive porte le nom de Niego, des ladinos originaires de Turquie également.
Tu as 23 ans en 1982. Es-tu sensible alors à la question antisémite?
Oui. A l’époque, j’étais dans le milieu juif religieux. On subissait de temps en temps de l’antisémitisme. De toute façon, dans ma famille, on a toujours connu l’antisémitisme. Ma grand-mère, qui avait fait la guerre, avait été arrêtée et avait failli être déportée, ne voulait pas trop qu’on parle de ça. Nous étions des juifs très assimilés qui se sont tournés vers la religion, à mon grand regret, je le reconnais, c’est une faute.
«Je conçois que lorsque tu es musulman en France, confronté à la suspicion ou au mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines»
Le fait de t’être toi-même investi dans la religion peut t’amener à comprendre que d’autres, côté musulman, dans la deuxième génération de l’immigration maghrébine, l’équivalent, si l’on veut bien, des fils et filles de juifs de l’après-guerre, aient fait de même.
Oui, je peux comprendre. A un moment donné, on a besoin de se chercher une identité à travers ce qu’on a et que, pour faire sartrien, on nous impose aussi. Avant-guerre – j’exprime là une opinion personnelle – être juif était une sorte de fatalité. Tu avais le choix entre le rester ou rompre avec ce legs. Après-guerre, je pense que tu es marqué, que tu es l’héritier d’une histoire, à laquelle il est plus difficile d’échapper. Je conçois que lorsque tu es musulman en France, dès lors qu’on te regarde avec suspicion ou mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines. Je me souviens qu’un livreur de Darty (enseigne d’électro-ménager, ndlr.), qui venait d’installer chez nous une machine à laver et à qui nous proposions un café ou un jus d’orange, avait répondu: «Non, je ne peux pas, c’est ramadan.» Je me suis dit qu’il s’était imposé des règles pour montrer qu’il avait une personne et qu’il n’était pas qu’un simple employé ou un quidam anonyme.
Cela ne te rend pas plus indulgent pour la religion.
Je pense que la religion est un abus en toutes circonstances. Ceux qui disent: «C’est comme cela et pas autrement qu’il faut être juif» sont des ignorants et des escrocs, comme le sont les imams qui imposent à leurs ouailles une manière d’être musulman.
Comment as-tu réagi à l’annonce, début décembre, de l’extradition de la Norvège vers la France de Walid Abdulrahman Abou Zayed, 61 ans, d’origine palestinienne, l’un des auteurs présumés de l’attentat de la rue des Rosiers?
Je peux te dire que ça remue beaucoup mon cousin, le fils de l’oncle décédé dans l’attaque, dont je suis très proche. La différence entre lui et moi, c’est que lui n’est pas juif – sa mère ne l’est pas, contrairement à la mienne. «Je vais mal dormir», m’a-t-il dit, sachant le suspect enfin extradé. J’ai répliqué: «Si ça peut te consoler, pense à lui qui va dormir en prison avec une couverture qui gratte.»
Peu après l’attentat de 1982, le renseignement français avait conclu un accord avec le groupe Abou Nidal, de façon à épargner à l’avenir la France d’actions terroristes, a-t-on appris en 2019.
Oui, il y avait un deal. Il y a toujours eu de la part de la France une volonté de compromission pour la raison que le Quai d’Orsay, le ministère des affaires étrangères, est une boîte à vérole.
En gros, tu reproches au Quai d’Orsay sa «politique arabe» dans laquelle Israël serait un gêneur.
Je me souviens d’un ambassadeur de France qui avait dit en 2001, parlant d’Israël: «Ce petit pays de merde». La France ne s’est jamais guérie de ses grandes ambitions sur le Proche-Orient. Or elle a profondément tout raté de ce côté-ci. Elle avait obtenu la Syrie et le Liban dans les accords Sykes-Picot de 1916. On peut considérer que pour elle et pour ces pays, ce fut des expériences catastrophiques. Les relations entretenues par la France avec beaucoup d’Etats arabes sont basées sur de l’indulgence pour les crimes. Chaque fois qu’on reproche à Israël une bavure ou une politique violente avec les Palestiniens, on oublie de parler de ce qui s’est passé ailleurs, que ce soit Septembre noir ou de massacres en Syrie. Les paravents humanistes de la France dans la région sont de la foutaise.
«Se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël»
Tu dois être satisfait de la politique de Trump au Proche-Orient: le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, la normalisation des relations entre Israël et des émirats arabes, dernièrement le royaume marocain.
Si j’avais été américain, autrement dit, si mon arrière-grand-mère était restée aux Etats-Unis, Trump n’aurait vraisemblablement pas été mon candidat. On a fait de lui en France un monstre. Trump y est certes allé un peu fort, mais il a obtenu des résultats. A la prochaine présidentielle en France, je voterai pour le candidat qui déplacera l’ambassade de France à Jérusalem.
Tu es un sioniste assumé. Pour l’existence d’un Etat juif.
Je pense que tout le monde devrait l’être. Parce que se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël en leur disant qu’ils n’ont même pas le droit à un pays. Si les Palestiniens n’ont pas d’Etat, c’est parce que les Arabes ont refusé l’accord en 1947.
Tu ne peux pas faire l’impasse sur la Naqba, soit, de fait, la déportation en 1948 de centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres, non pas vers la mort, mais vers des territoires d’exil. D’où le «droit au retour».
A cet argument, que je peux entendre, je rappelle qu’il y a aujourd’hui 20% d’Arabes en Israël. On n’a pas cette proportion en France. Donc la France est mal placée pour donner des leçons. Quant aux Palestiniens disposant du statut de réfugiés, reconductible de génération en génération, je constate que ceux qui sont restés dans les pays arabes ont été transformés en armes diplomatiques. On mettra aussi le droit au retour des Palestiniens dans la balance avec le million et demi de juifs chassés des pays arabes. Ces juifs se sont intégrés ailleurs. Pourquoi les Palestiniens ne l’ont pas fait?
«Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu»
Juifs chassés en réaction à la création de l’Etat d’Israël…
Je ne dis pas le contraire. Mais la réaction nationaliste de ces pays qui consiste à chasser des juifs de chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas atteindre ceux déjà en Israël, c’est la même chose que la réaction terroriste qui consiste à attaquer des civils dans un endroit parce que le gouvernement de cet endroit a fait quelque chose qui a déplu. Ce genre de représailles, on le tolère, mais c’est aberrant. Mon oncle a été tué par le commando Abou Nidal parce que la Syrie n’était pas contente que la France ait sauvé Arafat en l’extrayant du Liban. Je rappelle que Mohamed Merah a tué des enfants juifs à l’école Ozar Hatorah de Toulouse pour venger des enfants palestiniens. Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu.
Les bombardements israéliens en juillet 2014 ont tué beaucoup d’enfants palestiniens à Gaza. On se souvient en particulier d’une école où seize enfants avaient trouvé la mort dans l’un d’eux.
Enfants que le Hamas utilisait comme boucliers humains, alors qu’Israël avertissait des cibles qu’il allait viser pour en évacuer les civils à temps. On n’entend pas grand-monde lorsque le Hamas balance des rockets en Israël, cherchant à tuer au hasard. On ne va quand même pas, nous juifs, reprocher aux Palestiniens de ne pas réussir à tuer des juifs.
Ton frère est présent dans l’école juive Ozar Hatorah lorsque Mohamed Merah y tue quatre personnes, dont trois enfants.
Mon frère Nicolas y scolarisait ses enfants, qu’il venait de déposer ce matin-là. Il a essayé de ranimer la petite Myriam Monsonégo. J’ai croisé le père de cette petite au mariage de mon neveu en Israël en 2017. Après l’attentat, mon frère est parti vivre à Jérusalem.
«J’ai pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter»
Quand cet attentat a eu lieu, as-t-u repensé à celui de la rue des Rosiers, perpétré trente ans plus tôt?
Oui. C’est une sorte de continuum. Il y aussi Charlie Hebdo et deux jours plus tard l’Hyper Cacher en janvier 2015. Tous les attentats islamistes en Europe me ramènent d’une certaine manière à celui de 1982. Le 17 août 2017, je séjourne en touriste avec des amis à Barcelone. Nous venons de quitter les Ramblas quand un attentat meurtrier y est commis. Ce jour-là, nous avons croisé des gens qui allaient vers leur mort. Une fille m’a demandé si j’avais besoin d’une aide psychologique. Mais compte tenu du nombre d’attentats qui ont touché mon entourage, j’ai plutôt pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter.
Le 7 janvier 2015, tu t’es inquiété pour ta mère, fidèle cliente de l’Hyper Cacher cible ce jour-là d’un attentat qui fait quatre morts.
Oui, ma mère, qui à mon grand regret mange casher, n’était heureusement pas présente dans ce magasin à l’heure de l’attentat. Ma mère est religieuse, elle l’est restée. Moi pas. A Kippour, et ce n’est pas une blague, je vais toujours manger au Pied de cochon, une célèbre brasserie du quartier des Halles à Paris. Je prône une identité juive, qui n’est pas celle de la religion juive. Ma mère mange donc casher. Et pour tout te dire en matière d’humour, ma mère, qui est de 1936, a été baptisée pendant la guerre. Elle vivait cachée dans une école de bonnes sœurs en Normandie. Cette école n’a pas eu la médaille des Justes parce qu’elle baptisait les enfants juifs. Plus tard, pour embêter ma mère, je lui ai dit: «Tu as été baptisée, c’est un sacrement inaliénable, je te ferai enterrer en terre chrétienne et un samedi pour que tu roules en corbillard le jour du shabbat.»
«Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire»
Ta mère épouse après la guerre un non-juif. Car ton père et ton nom, eux, ne sont pas juifs.
Effectivement, Ranson, ce n’est pas juif, c’est ch’ti, du Nord de la France. Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire. C’est seulement après avoir divorcé de mon père qu’elle s’est tournée vers le judaïsme religieux. Elle nous a entraînés, moi et mon frère cadet, dans ce monde-là. Elle y a trouvé une sécurité et un réconfort que moi je dénonce, personnellement. Je n’aime pas ce milieu.
Que faisait M. Ranson?
Il est aujourd’hui retraité. Il louait des voitures avec chauffeur.
A 18-20 ans, étais-tu bagarreur?
Non, je n’étais pas une racaille feuj, si c’est ta question. Moi, je voulais faire du dessin. Mais j’ai fait de la boxe et j’ai toujours tenu à en imposer pour ne pas avoir à me servir de mes poings. Je me souviens avoir eu des altercations antisémites lorsque j’étais élève à la yeshiva d’Aix-les-Bains, avec des jeunes gars du coin, des petites racailles blanches, des ploucs. A l’école juive, on nous disait de ne surtout pas répondre aux provocations. J’avais pour eux une sorte de mépris. Je pense qu’ils ne savaient pas vraiment le sens du mot «juif». Ça rassurait ces pauvres cons de croire qu’ils pouvaient emmerder les juifs comme on emmerdait à l’époque et après les homos. Pour eux, on était une minorité, une cible, un bouc-émissaire. Autre anecdote: un jour, lorsque je travaillais pour Le Matin de Paris, un journal de gauche rempli de gauchistes, l’un de ses journalistes m’a dit: «Tsahal (l’armée israélienne), c’est comme la Wehrmacht.» Ça m’a énervé. Je lui ai proposé d’aller en discuter en bas de l’immeuble. Il m’a répondu: «Je suis contre toute forme de violence. » Jeune, je n’étais pas ce qu’on peut appeler un militant sioniste. Je suis devenu un sioniste solidaire depuis que l’antisionisme, cette escroquerie, a tout envahi.
«Mon identité juive répond à mes angoisses»
Ne penses-tu pas que la manifestation d’un antisémitisme décomplexé, parfois violent et même mortel, côté arabe ou musulman, a été une divine surprise pour les antisémites, si l’on peut dire habituels, côté européen, qui ont pu trouver là un paravent à leur propre penchant?
Bien sûr, et puis l’antisionisme a permis en quelque sorte de démocratiser l’antisémitisme, comme l’avait remarqué le philosophe Vladimir Jankélévitch. Je vais te raconter quelque chose: un jour, un cousin du côté de ma belle-famille, qui n’est pas juive, m’a demandé pourquoi je m’affichais comme juif en société, en recourant notamment à tout un arsenal de blagues juives. Je lui ai répondu que c’était pour prévenir les remarques ou commentaires antisémites pouvant surgir à tout moment et pouvant gêner l’une et l’autre partie.
Est-ce que ton lien fort à Israël, le fait de te sentir et de te dire juif ne traduisent pas chez toi une culpabilité proche de celle du survivant?
Je me suis posé la question. Pour moi, être juif, quand j’étais petit, avant l’attentat de la rue des Rosiers, c’était un secret. Les histoires de la Shoah, comme elles étaient racontées de façon pleurnicharde, ça m’angoissait, ça m’oppressait. Après la rue des Rosiers, alors que je cherchais mon identité juive dans le milieu religieux, je me suis dit que je n’avais absolument pas besoin de la religion pour être juif. Il faut savoir qu’à la maison, étant marié à une non-juive, je suis la question juive un peu en solitaire. Plutôt qu’une culpabilité du survivant, mon identité juive répond à mes angoisses.
«Mais qu’est-ce que c’est que ces juifs non-religieux qui se disent juifs», entend-on parfois, avec ou sans intonation antisémite dans la voix. Est-ce du nationalisme de leur part?
Non, c’est de l’identité. De la même façon, mais je l’espère en mieux, que tous ces petits beurs qui croient que leur seule identité c’est d’être antisionistes. Ils ont besoin de ça parce qu’ils sont en déficit identitaire. S’ils apprenaient eux-mêmes leur culture, leurs racines en les abordant de façon critique, ils n’emmerderaient pas les juifs. C’est leur médiocrité, leur vacuité qui font que ces gens – je parle d’une partie, non d’un tout bien sûr – ne peuvent exister qu’en se définissant contre Miss Provence, par exemple, la dauphine du dernier concours Miss France, dont le père a entre autres des origines israéliennes. Dans la démarche, c’est tellement plouc. Ça montre que l’école n’a pas fait son boulot et que l’intégration est en partie ratée.
«Tous ces petits merdeux qui insultent Miss Provence finiront bien par se rendre compte que c’est un cul-de-sac que d’être antisémites et antisionistes»
Sur les réseaux sociaux, tu publies, encore, des dessins représentant le «prophète». Un prophète en l’occurrence plutôt naïf, inoffensif.
Mon prophète n’est pas méchant, il n’appelle jamais au meurtre. Dans la forme, je l’ai emprunté au prophète de Luz, l’ex-dessinateur de Charlie Hebdo, qui, une semaine après l’attentat, avait dessiné un Mahomet disant que tout était pardonné. Le dernier dessin que j’ai fait avec cette représentation, c’est Mahomet qui dit: «L’islamophobie c’est du racisme. Regardez, on me dessine avec un nez de juif.» De la même manière qu’on entretient la flamme du soldat inconnu, on a une obligation par rapport aux dessinateurs de qui sont tombés dans l’attentat. Moi, je ne m’empêcherai pas de dessiner le «prophète».
Es-tu plutôt optimiste ou plutôt pessimiste pour l’avenir du vivre-ensemble en France?
Tout ira beaucoup mieux quand tous les juifs seront partis de France. Non, sérieusement, je crois que ça va s’arranger. Si la France est une nation et forme un corps social, alors nous parviendrons à guérir de nos maux actuels. Tous ces petits merdeux qui insultent Miss Provence finiront bien par se rendre compte que c’est un cul-de-sac que d’être antisémites et antisionistes, des concepts qu’ils ne comprennent même pas. Ce qui a été vécu comme quelque chose de difficile, voire d’humiliant pour une partie des jeunes Franco-Maghrébins, c’est de vivre dans un pays qui avait colonisé le pays de leurs parents. Dans cette France où les juifs, en l’occurrence les séfarades, avaient entre-temps perdu leur statut de dhimmis, de soumis à l’islam, pour une vie française avec en eux le moins de complexes possibles. Les petits intolérants dont je parle ont la même réaction vis-à-vis de Miss Provence que celle des petits-blancs qui saccagent la voiture d’un Noir dans le film «Ragtime» de Milos Forman, parce qu’ils ne supportent pas qu’un Noir ait une voiture. Eux ne supportent pas que des juifs connaissent la réussite sociale alors que de leur côté, ils en chient. Cet antisémitisme-là, c’est l’expression d’une médiocrité. Il est possible d’en sortir.
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Est-ce bien raisonnable?</p> <p><strong>Le 9 août 1982, le groupe Abou Nidal, une dissidence de l’OLP, commet un attentat rue des Rosiers, dans le Marais, à Paris. Le restaurant juif Goldenberg est visé. Il y a six morts. Parmi eux, ton oncle. Comment apprends-tu la nouvelle?</strong></p> <p>A l’époque, j’habite Strasbourg. Je reçois un coup de téléphone de ma mère. «Il y a eu un attentat, ton oncle André est mort.» J’ai pris le train du soir pour Paris. Le frère de ma mère travaillait dans le restaurant Jo Goldenberg, une institution dans le Marais, le lieu comme le bonhomme. Mon oncle était lui-même lié par une aïeule aux Rosenberg.</p> <p><strong>Tu as donc des origines ashkénazes?</strong></p> <p>Ne crois pas tout ce que je dis sur Facebook. Je ne suis pas, par ma mère, que ladino, autrement dit un judéo-espagnol. Le père de Jo Goldenberg était le frère de mon arrière-grand-mère. Les Goldenberg sont originaires d’Ukraine, du côté d’Odessa. A la fin du XIXe siècle, cette arrière-grand-mère est partie, passant par la Turquie, pour les Etats-Unis. Elle s’y est mariée, son mari est mort, elle est revenue en Turquie, à Istanbul, qu’on appelait encore Constantinople dans certains cercles. Elle s’y est remariée avec celui qui était mon arrière-grand-père, un juif ladino du nom de Rozanes. Elle et lui sont venus en France peu avant la fin de l’empire ottoman. Une autre souche de mon ascendance juive porte le nom de Niego, des ladinos originaires de Turquie également.</p> <p><strong>Tu as 23 ans en 1982. Es-tu sensible alors à la question antisémite?</strong></p> <p>Oui. A l’époque, j’étais dans le milieu juif religieux. On subissait de temps en temps de l’antisémitisme. De toute façon, dans ma famille, on a toujours connu l’antisémitisme. Ma grand-mère, qui avait fait la guerre, avait été arrêtée et avait failli être déportée, ne voulait pas trop qu’on parle de ça. Nous étions des juifs très assimilés qui se sont tournés vers la religion, à mon grand regret, je le reconnais, c’est une faute.</p> <h3><strong>«Je conçois que lorsque tu es musulman en France, confronté à la suspicion ou au mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines»</strong></h3> <p><strong>Le fait de t’être toi-même investi dans la religion peut t’amener à comprendre que d’autres, côté musulman, dans la deuxième génération de l’immigration maghrébine, l’équivalent, si l’on veut bien, des fils et filles de juifs de l’après-guerre, aient fait de même.</strong></p> <p>Oui, je peux comprendre. A un moment donné, on a besoin de se chercher une identité à travers ce qu’on a et que, pour faire sartrien, on nous impose aussi. Avant-guerre – j’exprime là une opinion personnelle – être juif était une sorte de fatalité. Tu avais le choix entre le rester ou rompre avec ce legs. Après-guerre, je pense que tu es marqué, que tu es l’héritier d’une histoire, à laquelle il est plus difficile d’échapper. Je conçois que lorsque tu es musulman en France, dès lors qu’on te regarde avec suspicion ou mépris, tu aies envie d’être fier de tes origines. Je me souviens qu’un livreur de Darty (<em>enseigne d’électro-ménager, ndlr.</em>), qui venait d’installer chez nous une machine à laver et à qui nous proposions un café ou un jus d’orange, avait répondu: «Non, je ne peux pas, c’est ramadan.» Je me suis dit qu’il s’était imposé des règles pour montrer qu’il avait une personne et qu’il n’était pas qu’un simple employé ou un quidam anonyme.</p> <p><strong>Cela ne te rend pas plus indulgent pour la religion.</strong></p> <p>Je pense que la religion est un abus en toutes circonstances. Ceux qui disent: «C’est comme cela et pas autrement qu’il faut être juif» sont des ignorants et des escrocs, comme le sont les imams qui imposent à leurs ouailles une manière d’être musulman.</p> <p><strong>Comment as-tu réagi à l’annonce, début décembre, de l’extradition de la Norvège vers la France de Walid Abdulrahman Abou Zayed, 61 ans, d’origine palestinienne, l’un des auteurs présumés de l’attentat de la rue des Rosiers?</strong></p> <p>Je peux te dire que ça remue beaucoup mon cousin, le fils de l’oncle décédé dans l’attaque, dont je suis très proche. La différence entre lui et moi, c’est que lui n’est pas juif – sa mère ne l’est pas, contrairement à la mienne. «Je vais mal dormir», m’a-t-il dit, sachant le suspect enfin extradé. J’ai répliqué: «Si ça peut te consoler, pense à lui qui va dormir en prison avec une couverture qui gratte.»</p> <p><strong>Peu après l’attentat de 1982, le renseignement français avait conclu un accord avec le groupe Abou Nidal, de façon à épargner à l’avenir la France d’actions terroristes, a-t-on appris en 2019.</strong></p> <p>Oui, il y avait un <em>deal</em>. Il y a toujours eu de la part de la France une volonté de compromission pour la raison que le Quai d’Orsay, le ministère des affaires étrangères, est une boîte à vérole.</p> <p><strong>En gros, tu reproches au Quai d’Orsay sa «politique arabe» dans laquelle Israël serait un gêneur.</strong></p> <p>Je me souviens d’un ambassadeur de France qui avait dit en 2001, parlant d’Israël: «Ce petit pays de merde». La France ne s’est jamais guérie de ses grandes ambitions sur le Proche-Orient. Or elle a profondément tout raté de ce côté-ci. Elle avait obtenu la Syrie et le Liban dans les accords Sykes-Picot de 1916. On peut considérer que pour elle et pour ces pays, ce fut des expériences catastrophiques. Les relations entretenues par la France avec beaucoup d’Etats arabes sont basées sur de l’indulgence pour les crimes. Chaque fois qu’on reproche à Israël une bavure ou une politique violente avec les Palestiniens, on oublie de parler de ce qui s’est passé ailleurs, que ce soit Septembre noir ou de massacres en Syrie. Les paravents humanistes de la France dans la région sont de la foutaise.</p> <h3><strong>«Se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël»</strong></h3> <p><strong>Tu dois être satisfait de la politique de Trump au Proche-Orient: le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, la normalisation des relations entre Israël et des émirats arabes, dernièrement le royaume marocain.</strong></p> <p>Si j’avais été américain, autrement dit, si mon arrière-grand-mère était restée aux Etats-Unis, Trump n’aurait vraisemblablement pas été mon candidat. On a fait de lui en France un monstre. Trump y est certes allé un peu fort, mais il a obtenu des résultats. A la prochaine présidentielle en France, je voterai pour le candidat qui déplacera l’ambassade de France à Jérusalem.</p> <p><strong>Tu es un sioniste assumé. Pour l’existence d’un Etat juif. </strong></p> <p>Je pense que tout le monde devrait l’être. Parce que se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël en leur disant qu’ils n’ont même pas le droit à un pays. Si les Palestiniens n’ont pas d’Etat, c’est parce que les Arabes ont refusé l’accord en 1947.</p> <p><strong>Tu ne peux pas faire l’impasse sur la Naqba, soit, de fait, la déportation en 1948 de centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres, non pas vers la mort, mais vers des territoires d’exil. D’où le «droit au retour».</strong></p> <p>A cet argument, que je peux entendre, je rappelle qu’il y a aujourd’hui 20% d’Arabes en Israël. On n’a pas cette proportion en France. Donc la France est mal placée pour donner des leçons. Quant aux Palestiniens disposant du statut de réfugiés, reconductible de génération en génération, je constate que ceux qui sont restés dans les pays arabes ont été transformés en armes diplomatiques. On mettra aussi le droit au retour des Palestiniens dans la balance avec le million et demi de juifs chassés des pays arabes. Ces juifs se sont intégrés ailleurs. Pourquoi les Palestiniens ne l’ont pas fait?</p> <h3><strong>«Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu»</strong></h3> <p><strong>Juifs chassés en réaction à la création de l’Etat d’Israël…</strong></p> <p>Je ne dis pas le contraire. Mais la réaction nationaliste de ces pays qui consiste à chasser des juifs de chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas atteindre ceux déjà en Israël, c’est la même chose que la réaction terroriste qui consiste à attaquer des civils dans un endroit parce que le gouvernement de cet endroit a fait quelque chose qui a déplu. Ce genre de représailles, on le tolère, mais c’est aberrant. Mon oncle a été tué par le commando Abou Nidal parce que la Syrie n’était pas contente que la France ait sauvé Arafat en l’extrayant du Liban. Je rappelle que Mohamed Merah a tué des enfants juifs à l’école Ozar Hatorah de Toulouse pour venger des enfants palestiniens. Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu.</p> <p><strong>Les bombardements israéliens en juillet 2014 ont tué beaucoup d’enfants palestiniens à Gaza. On se souvient en particulier d’une école où seize enfants avaient trouvé la mort dans l’un d’eux.</strong></p> <p>Enfants que le Hamas utilisait comme boucliers humains, alors qu’Israël avertissait des cibles qu’il allait viser pour en évacuer les civils à temps. On n’entend pas grand-monde lorsque le Hamas balance des rockets en Israël, cherchant à tuer au hasard. On ne va quand même pas, nous juifs, reprocher aux Palestiniens de ne pas réussir à tuer des juifs.</p> <p><strong>Ton frère est présent dans l’école juive Ozar Hatorah lorsque Mohamed Merah y tue quatre personnes, dont trois enfants. </strong></p> <p>Mon frère Nicolas y scolarisait ses enfants, qu’il venait de déposer ce matin-là. Il a essayé de ranimer la petite Myriam Monsonégo. J’ai croisé le père de cette petite au mariage de mon neveu en Israël en 2017. Après l’attentat, mon frère est parti vivre à Jérusalem.</p> <h3><strong>«J’ai pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter»</strong></h3> <p><strong>Quand cet attentat a eu lieu, as-t-u repensé à celui de la rue des Rosiers, perpétré trente ans plus tôt?</strong></p> <p>Oui. C’est une sorte de continuum. Il y aussi <em>Charlie Hebdo</em> et deux jours plus tard l’Hyper Cacher en janvier 2015. Tous les attentats islamistes en Europe me ramènent d’une certaine manière à celui de 1982. Le 17 août 2017, je séjourne en touriste avec des amis à Barcelone. Nous venons de quitter les Ramblas quand un attentat meurtrier y est commis. Ce jour-là, nous avons croisé des gens qui allaient vers leur mort. Une fille m’a demandé si j’avais besoin d’une aide psychologique. Mais compte tenu du nombre d’attentats qui ont touché mon entourage, j’ai plutôt pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter.</p> <p><strong>Le 7 janvier 2015, tu t’es inquiété pour ta mère, fidèle cliente de l’Hyper Cacher cible ce jour-là d’un attentat qui fait quatre morts.</strong></p> <p>Oui, ma mère, qui à mon grand regret mange casher, n’était heureusement pas présente dans ce magasin à l’heure de l’attentat. Ma mère est religieuse, elle l’est restée. Moi pas. A Kippour, et ce n’est pas une blague, je vais toujours manger au Pied de cochon, une célèbre brasserie du quartier des Halles à Paris. Je prône une identité juive, qui n’est pas celle de la religion juive. Ma mère mange donc casher. Et pour tout te dire en matière d’humour, ma mère, qui est de 1936, a été baptisée pendant la guerre. Elle vivait cachée dans une école de bonnes sœurs en Normandie. Cette école n’a pas eu la médaille des Justes parce qu’elle baptisait les enfants juifs. Plus tard, pour embêter ma mère, je lui ai dit: «Tu as été baptisée, c’est un sacrement inaliénable, je te ferai enterrer en terre chrétienne et un samedi pour que tu roules en corbillard le jour du shabbat.»</p> <h3><strong>«Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire»</strong></h3> <p><strong>Ta mère épouse après la guerre un non-juif. Car ton père et ton nom, eux, ne sont pas juifs.</strong></p> <p>Effectivement, Ranson, ce n’est pas juif, c’est ch’ti, du Nord de la France. Ma mère, après la guerre, comme beaucoup de sa génération, ne savait pas ce qu’être juif voulait dire. C’est seulement après avoir divorcé de mon père qu’elle s’est tournée vers le judaïsme religieux. Elle nous a entraînés, moi et mon frère cadet, dans ce monde-là. Elle y a trouvé une sécurité et un réconfort que moi je dénonce, personnellement. Je n’aime pas ce milieu.</p> <p><strong>Que faisait M. Ranson?</strong></p> <p>Il est aujourd’hui retraité. Il louait des voitures avec chauffeur.</p> <p><strong>A 18-20 ans, étais-tu bagarreur? </strong></p> <p>Non, je n’étais pas une racaille feuj, si c’est ta question. Moi, je voulais faire du dessin. Mais j’ai fait de la boxe et j’ai toujours tenu à en imposer pour ne pas avoir à me servir de mes poings. Je me souviens avoir eu des altercations antisémites lorsque j’étais élève à la yeshiva d’Aix-les-Bains, avec des jeunes gars du coin, des petites racailles blanches, des ploucs. A l’école juive, on nous disait de ne surtout pas répondre aux provocations. J’avais pour eux une sorte de mépris. Je pense qu’ils ne savaient pas vraiment le sens du mot «juif». Ça rassurait ces pauvres cons de croire qu’ils pouvaient emmerder les juifs comme on emmerdait à l’époque et après les homos. Pour eux, on était une minorité, une cible, un bouc-émissaire. Autre anecdote: un jour, lorsque je travaillais pour <em>Le Matin de Paris</em>, un journal de gauche rempli de gauchistes, l’un de ses journalistes m’a dit: «Tsahal (l’armée israélienne), c’est comme la Wehrmacht.» Ça m’a énervé. Je lui ai proposé d’aller en discuter en bas de l’immeuble. Il m’a répondu: «Je suis contre toute forme de violence. » Jeune, je n’étais pas ce qu’on peut appeler un militant sioniste. Je suis devenu un sioniste solidaire depuis que l’antisionisme, cette escroquerie, a tout envahi.</p> <h3><strong>«Mon identité juive répond à mes angoisses»</strong></h3> <p><strong>Ne penses-tu pas que la manifestation d’un antisémitisme décomplexé, parfois violent et même mortel, côté arabe ou musulman, a été une divine surprise pour les antisémites, si l’on peut dire habituels, côté européen, qui ont pu trouver là un paravent à leur propre penchant?</strong></p> <p>Bien sûr, et puis l’antisionisme a permis en quelque sorte de démocratiser l’antisémitisme, comme l’avait remarqué le philosophe Vladimir Jankélévitch. Je vais te raconter quelque chose: un jour, un cousin du côté de ma belle-famille, qui n’est pas juive, m’a demandé pourquoi je m’affichais comme juif en société, en recourant notamment à tout un arsenal de blagues juives. 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J’ai répliqué: «Si ça peut te consoler, pense à lui qui va dormir en prison avec une couverture qui gratte.»</p> <p><strong>Peu après l’attentat de 1982, le renseignement français avait conclu un accord avec le groupe Abou Nidal, de façon à épargner à l’avenir la France d’actions terroristes, a-t-on appris en 2019.</strong></p> <p>Oui, il y avait un <em>deal</em>. Il y a toujours eu de la part de la France une volonté de compromission pour la raison que le Quai d’Orsay, le ministère des affaires étrangères, est une boîte à vérole.</p> <p><strong>En gros, tu reproches au Quai d’Orsay sa «politique arabe» dans laquelle Israël serait un gêneur.</strong></p> <p>Je me souviens d’un ambassadeur de France qui avait dit en 2001, parlant d’Israël: «Ce petit pays de merde». La France ne s’est jamais guérie de ses grandes ambitions sur le Proche-Orient. Or elle a profondément tout raté de ce côté-ci. Elle avait obtenu la Syrie et le Liban dans les accords Sykes-Picot de 1916. 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Parce que se dire antisioniste, ça signifie vouloir déplacer 7 millions de juifs d’Israël en leur disant qu’ils n’ont même pas le droit à un pays. Si les Palestiniens n’ont pas d’Etat, c’est parce que les Arabes ont refusé l’accord en 1947.</p> <p><strong>Tu ne peux pas faire l’impasse sur la Naqba, soit, de fait, la déportation en 1948 de centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres, non pas vers la mort, mais vers des territoires d’exil. D’où le «droit au retour».</strong></p> <p>A cet argument, que je peux entendre, je rappelle qu’il y a aujourd’hui 20% d’Arabes en Israël. On n’a pas cette proportion en France. Donc la France est mal placée pour donner des leçons. Quant aux Palestiniens disposant du statut de réfugiés, reconductible de génération en génération, je constate que ceux qui sont restés dans les pays arabes ont été transformés en armes diplomatiques. On mettra aussi le droit au retour des Palestiniens dans la balance avec le million et demi de juifs chassés des pays arabes. Ces juifs se sont intégrés ailleurs. Pourquoi les Palestiniens ne l’ont pas fait?</p> <h3><strong>«Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu»</strong></h3> <p><strong>Juifs chassés en réaction à la création de l’Etat d’Israël…</strong></p> <p>Je ne dis pas le contraire. Mais la réaction nationaliste de ces pays qui consiste à chasser des juifs de chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas atteindre ceux déjà en Israël, c’est la même chose que la réaction terroriste qui consiste à attaquer des civils dans un endroit parce que le gouvernement de cet endroit a fait quelque chose qui a déplu. Ce genre de représailles, on le tolère, mais c’est aberrant. Mon oncle a été tué par le commando Abou Nidal parce que la Syrie n’était pas contente que la France ait sauvé Arafat en l’extrayant du Liban. Je rappelle que Mohamed Merah a tué des enfants juifs à l’école Ozar Hatorah de Toulouse pour venger des enfants palestiniens. Je ne vais pas commettre un attentat contre des Suisses parce que le compte numéroté de mes grands-parents a disparu.</p> <p><strong>Les bombardements israéliens en juillet 2014 ont tué beaucoup d’enfants palestiniens à Gaza. On se souvient en particulier d’une école où seize enfants avaient trouvé la mort dans l’un d’eux.</strong></p> <p>Enfants que le Hamas utilisait comme boucliers humains, alors qu’Israël avertissait des cibles qu’il allait viser pour en évacuer les civils à temps. On n’entend pas grand-monde lorsque le Hamas balance des rockets en Israël, cherchant à tuer au hasard. 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Le 17 août 2017, je séjourne en touriste avec des amis à Barcelone. Nous venons de quitter les Ramblas quand un attentat meurtrier y est commis. Ce jour-là, nous avons croisé des gens qui allaient vers leur mort. Une fille m’a demandé si j’avais besoin d’une aide psychologique. Mais compte tenu du nombre d’attentats qui ont touché mon entourage, j’ai plutôt pensé recourir aux services d’un marabout pour me désenvoûter.</p> <p><strong>Le 7 janvier 2015, tu t’es inquiété pour ta mère, fidèle cliente de l’Hyper Cacher cible ce jour-là d’un attentat qui fait quatre morts.</strong></p> <p>Oui, ma mère, qui à mon grand regret mange casher, n’était heureusement pas présente dans ce magasin à l’heure de l’attentat. Ma mère est religieuse, elle l’est restée. Moi pas. A Kippour, et ce n’est pas une blague, je vais toujours manger au Pied de cochon, une célèbre brasserie du quartier des Halles à Paris. Je prône une identité juive, qui n’est pas celle de la religion juive. 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C’est seulement après avoir divorcé de mon père qu’elle s’est tournée vers le judaïsme religieux. Elle nous a entraînés, moi et mon frère cadet, dans ce monde-là. Elle y a trouvé une sécurité et un réconfort que moi je dénonce, personnellement. Je n’aime pas ce milieu.</p> <p><strong>Que faisait M. Ranson?</strong></p> <p>Il est aujourd’hui retraité. Il louait des voitures avec chauffeur.</p> <p><strong>A 18-20 ans, étais-tu bagarreur? </strong></p> <p>Non, je n’étais pas une racaille feuj, si c’est ta question. Moi, je voulais faire du dessin. Mais j’ai fait de la boxe et j’ai toujours tenu à en imposer pour ne pas avoir à me servir de mes poings. Je me souviens avoir eu des altercations antisémites lorsque j’étais élève à la yeshiva d’Aix-les-Bains, avec des jeunes gars du coin, des petites racailles blanches, des ploucs. A l’école juive, on nous disait de ne surtout pas répondre aux provocations. J’avais pour eux une sorte de mépris. Je pense qu’ils ne savaient pas vraiment le sens du mot «juif». Ça rassurait ces pauvres cons de croire qu’ils pouvaient emmerder les juifs comme on emmerdait à l’époque et après les homos. Pour eux, on était une minorité, une cible, un bouc-émissaire. Autre anecdote: un jour, lorsque je travaillais pour <em>Le Matin de Paris</em>, un journal de gauche rempli de gauchistes, l’un de ses journalistes m’a dit: «Tsahal (l’armée israélienne), c’est comme la Wehrmacht.» Ça m’a énervé. Je lui ai proposé d’aller en discuter en bas de l’immeuble. Il m’a répondu: «Je suis contre toute forme de violence. » Jeune, je n’étais pas ce qu’on peut appeler un militant sioniste. Je suis devenu un sioniste solidaire depuis que l’antisionisme, cette escroquerie, a tout envahi.</p> <h3><strong>«Mon identité juive répond à mes angoisses»</strong></h3> <p><strong>Ne penses-tu pas que la manifestation d’un antisémitisme décomplexé, parfois violent et même mortel, côté arabe ou musulman, a été une divine surprise pour les antisémites, si l’on peut dire habituels, côté européen, qui ont pu trouver là un paravent à leur propre penchant?</strong></p> <p>Bien sûr, et puis l’antisionisme a permis en quelque sorte de démocratiser l’antisémitisme, comme l’avait remarqué le philosophe Vladimir Jankélévitch. Je vais te raconter quelque chose: un jour, un cousin du côté de ma belle-famille, qui n’est pas juive, m’a demandé pourquoi je m’affichais comme juif en société, en recourant notamment à tout un arsenal de blagues juives. 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Plutôt qu’une culpabilité du survivant, mon identité juive répond à mes angoisses.</p> <p><strong>«Mais qu’est-ce que c’est que ces juifs non-religieux qui se disent juifs», entend-on parfois, avec ou sans intonation antisémite dans la voix. Est-ce du nationalisme de leur part?</strong></p> <p>Non, c’est de l’identité. De la même façon, mais je l’espère en mieux, que tous ces petits beurs qui croient que leur seule identité c’est d’être antisionistes. Ils ont besoin de ça parce qu’ils sont en déficit identitaire. S’ils apprenaient eux-mêmes leur culture, leurs racines en les abordant de façon critique, ils n’emmerderaient pas les juifs. C’est leur médiocrité, leur vacuité qui font que ces gens – je parle d’une partie, non d’un tout bien sûr – ne peuvent exister qu’en se définissant contre Miss Provence, par exemple, la dauphine du dernier concours Miss France, dont le père a entre autres des origines israéliennes. Dans la démarche, c’est tellement plouc. 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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. Vincent Bolloré est ce milliardaire français propriétaire du groupe Canal, un catholique breton qu’on dit hanté par la crainte du «grand remplacement», ce concept d’extrême droite repris par son poulain Eric Zemmour lors de la dernière campagne présidentielle.</p> <p>Fidèle à son style «wesh-embrouille», où les différends se règlent en <em>battles</em> de tchatche, Cyril Hanouna a aussitôt mis un coup de pression au député Boyard, façon «qu’est-ce t’as dit?»: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré, ici?», lui a-t-il lâché quand apparaissaient au même moment les résultats d’un sondage-téléspectateurs indiquant une proportion de 80% se prononçant contre l’accueil des 234 migrants et de 20% se disant pour.</p> <p>En sweat-capuche, Hanouna, tout à son personnage de caïd de la street chic rappelant au p’tit merdeux le respect dû au patron, le vrai, insiste alors: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré?... Qu’est-ce que tu viens foutre ici, alors?... Bolloré t’a donné de l’argent, t’étais chroniqueur ici…»</p> <p>Boyard, qui avait visiblement préparé son coup, la joue grands principes: «Attends, Cyril, est-ce que tu es en train de me dire que je n’ai pas le droit de dire que Bolloré, il a un procès avec cent cinquante Camerounais parce qu’il a déforesté?» La suite: le député-LFI-ex-chroniqueur-TPMP, ne s’énervant pas, devant pressentir qu’il sortira gagnant de la <em>battle</em>, se prévaut de sa qualité de député. Hanouna piétine l’argument, estimant que Boyard, comme d’autres de son parti, doit son élection à TPMP. Après avoir donné du «mon chéri» à Boyard, il le traite d’«abruti» et de «merde», chacun accusant l’autre d’avoir fait monter l’extrême droite – le grand tabou de la politique française.</p> <p>Quelle suite LFI, plus largement la Nupes, la coalition de gauche à l’Assemblée nationale, donnera-t-elle à cet incident? Continuera-t-elle d’aller sur le plateau de TPMP? Qui, d’Hanouna ou de la gauche radicale, a-t-il le plus besoin de l’autre? Sans LFI, formation aux accents populistes, TPMP perdrait sa caution de gauche, risquant alors de ne plus réunir que des «anti-tout», souvent l’antichambre d’un parti de l’ordre. Mais en renonçant à ce forum, La France insoumise se priverait d’un lieu où elle peut porter des coups à «Macron», ce qui lui rapporte des voix. Ne plus se montrer dans «Touche pas à mon poste!» pourrait être interprété comme l’aveu qu’on appartient au «système», à cette «élite» qu’on prétend combattre.</p> <p>Dans le même temps, en participant à cette émission, LFI sait qu’elle contribue à saper la confiance dans les institutions démocratiques, dont on a vu jeudi soir le peu de cas qu’en faisait Cyril Hanouna en insultant le député Boyard. Il y a deux semaines, toujours à la barre de TPMP, Hanouna appelait à la tenue d’un procès expéditif, assortie d’une «perpétuité immédiate» pour la meurtrière présumée de la petite Lola. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. 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Pourquoi? On a tenté de répondre à cette question. Indice: l’image, pas terrible, du «voisin français». ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>«C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay…» La Mob, c’était mieux avant. Il y avait alors de vraies frontières. Pas comme aujourd’hui avec Schengen qui les a toutes effacées, ce qui est bien pratique aussi, il faut le dire. Mais parfois une votation – ou une pandémie – suffit à les rétablir. C’est ce qui s’est passé dimanche avec la «burqa», l’initiative interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, acceptée à 51,2% par le peuple. Un score relativement modeste qui cache de fortes disparités. Sans le vote des métropoles, favorables au non, le texte aurait été approuvé bien plus largement. En Suisse romande, les communes frontalières de la France ont plébiscité le oui. Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). Un score de cinq points supérieur à la moyenne cantonale jurassienne, 60,7% de oui, la plus élevée des dix-neuf cantons qui ont approuvé le texte.</p> <p>Des trois districts du canton du Jura, celui de Porrentruy, qui épouse la carte de l’Ajoie, dont la particularité est d’avoir avec la France le double de frontière qu’il n’en a avec la Suisse, affiche le plus haut taux d’acceptation, 64,7%. A la pointe du saillant, Bure, la commune qui héberge la place d’armes du même nom, se hisse à la première place du district avec 76% de oui. 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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Voilà pour ce que je pense.</p> <p>Maintenant, ce que je comprends. C’est plus pudique et de mon point de vue, plus intéressant, même si je peux parfaitement concevoir la nécessité et l’intérêt de récits à la première personne. Mon article sur le site de <i>Marianne</i> ne porte pas sur les faits présumés de harcèlement révélés par <i>Le Temps</i>. Je renvoie d’ailleurs dès le premier paragraphe à l’enquête du quotidien romand datée du 29 octobre. Il me semble que beaucoup, en France aussi, savent de quoi il retourne avec cette «Tour».</p> <p>Non, l’angle de mon article porte sur une action politique, menée essentiellement par des femmes, lesquelles exercent une pression dans un rapport de force en vue de l’obtention d’un résultat. On dirait que cette approche universelle a rendu Gabriel Bender tout drôle. Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@willoft 28.12.2020 | 20h10
«Dans le fond, les juifs sont manipulés depuis la Toorah?
Quel amalgame de mauvaise foi!
Sans doute condamnés à errer pour toujours (selon la Bible)?»
@carcé 06.01.2021 | 19h05
«Interview intéressant et éclairant. Olivier Ranson était donc touché de très près par les attentats terroristes visant les juifs en France. Touché de près dans sa famille et dans ses amis. Tout citoyen normal ne peux qu'être solidaire et condamner ces violences dues à l'antisémitisme dont nous observons une augmentation ces dernières années (spécialement en France? Pas certain!). Que pouvons nous faire pour avancer sur la voie du "plus jamais ça!"?
Car nous sommes actuellement sur de très mauvaises voies.
Les nationalismes et pensées identitaires, ici et ailleurs, ont le vent en poupe et se sont insinués dans la plupart des médias appartenant aux grands groupes économiques. Très rare les journaux qui défendent le "vivre ensemble". Et je n'ose parler du nombre hallucinant des propos haineux sur les réseaux sociaux.
Olivier Ranson soutient le sionisme. C'est le seul point où je ne peux m'empêcher de le critiquer. Car le sionisme est également intolérant et l'une des raisons de l'apartheid qui s'est installé en Israël, où exclure les Palestiniens de leurs terres est devenu la politique officielle. Mais je suis confiant que les pourparlers pour la paix et le partage équitable du territoire en Israël pourront reprendre un jour sous un gouvernement véritablement démocratique.
Nous avons donc tous du pain sur la planche pour renverser la tendance et concrétiser le respect de l'autre pour "le vivre ensemble".
»