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A vif

A vif / Sous les lauriers, la Terre tremble

Yves Genier

23 juillet 2017

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Comment subit-on un tremblement de terre? Certains paniquent, sautent par la fenêtre, dorment dans les parcs et exigent d'être immédiatement rapatriés. D'autres, pas. Yves Genier, a été secoué. Il raconte.



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Suis-je dans un train de nuit? Un bateau en mouvement? C'est, en tout cas, une sensation un peu bizarre. Pourtant, je suis couché, la maison est solide, il n'y a pas de vent, le temps est au beau fixe avec la douce chaleur que réservent les étés méditerranéens. Mais non, le sentiment bizarre persiste. J'ouvre un œil. Puis les deux.

Ça bouge, vraiment. Je suis sur le toit-terrasse d'une maison récente, haute de deux étages. Mais l'espace-temps est encombré d'une autre dimension qu'il n'y avait pas quand je me suis couché: le bruit. Un bruit sourd, un grondement des profondeurs, qui vient des entrailles de la terre, qui résonne dans toute la vallée, retentissant d'une crête à l'autre. Là, plus aucun doute n'est possible: la terre tremble.

Vu l'amplitude des mouvements qui ont réussi à me réveiller alors qu'il est une heure trente du matin, c'est un tremblement de terre important. Là, la sensation est encore multipliée par la hauteur de l'immeuble. Pas une de ces petites curiosités qui peuvent parfois toucher la Suisse et qui prend plus de place dans les titres des journaux et les argumentaires des assureurs cherchant à placer des polices antisismiques. Mais une vraie manifestation de la puissance de la Terre, qui nous ramène à notre propre impuissance de faibles humains. Pour un petit Suisse qui n'a jamais vécu pareille expérience, c'est une première très perturbante.

Proche de l'épicentre

Maintenant, je suis tout à fait réveillé. La tête se met à tourner à toute vitesse: quel est le degré de danger? Que faire? La maison peut-elle s'écrouler? Ai-je le temps de sortir, de descendre quatre à quatre l'escalier raide qui m'a permis de m'installer sur la terrasse? Je ne le sais pas encore, mais je me trouve à une vingtaine de kilomètres de l'épicentre de la secousse sous-marine qui, ce matin du 21 juillet 2017, a frappé les cités turque de Bodrum et grecque de Kos en mer Egée. D'une magnitude de 6.7 sur l'échelle de Richter, le séisme a fait deux morts (des touristes écrasés dans un bar à Kos) et quelque 500 blessés. Côté grec, quelques immeubles se sont effondrés, plusieurs bâtiments historiques ont été endommagés, côté turc un mini-tsunami a emporté bateaux, voitures et installations de plage.

Sur mon toit s'impose une première réponse: c'est encore là que je cours le moins de risque de me faire écraser. Je ne bouge pas, donc. Une décision renforcée par le sentiment de normalité paradoxal qui se superpose à la manifestation des forces souterraines: aucune des myriades de résidences de vacances issues d'autant de promotions immobilières ces dernières décennies ne semble souffrir de la situation. Les lumières restent toutes allumées, même si quelques-unes s'éteignent avec intermittence. Les bosquets de lauriers et de figuiers qui les entourent ne bougent guère. La mer est calme.

Bien sûr, on entend les réactions de stupéfaction et d'inquiétude des voisins, mais pas de manifestations de panique. Personne ne saute par les fenêtres, ne fuit dans les rues. Le calme règne. Et si le calme règne, il n'y aucune raison de s'affoler. N'est-on pas dans une région connue pour son activité sismique? Après tout, un tel tremblement de terre n'est peut-être pas si exceptionnel, et les innombrables maisons, apparemment, bâties pour leur résister.

La peur a posteriori

C'est long, une minute, surtout quand la terre danse sous vos pieds. C'est pourtant le temps qu'a duré la secousse. On dit que cette manifestation de puissance ne dure ordinairement que quelques secondes, qui paraissent des siècles à tous ceux qui l'ont vécu. Je n'ai personnellement pas mesuré. Mais d'autres personnes, qui ont pris cette peine, l'ont rapporté. Et l'expérience prend presque un tour clinique: «Ah, c'est donc ça un tremblement de terre? Cette sensation bizarre d'un sol qui se dérobe tout en restant sous nos pieds? Ce sentiment de déplacement tout en demeurant sur place?» Vraiment étrange, inédit. Puis la terre se calme, le grondement cesse, la maison retrouve son assise.

Ce n'est qu'a posteriori que la peur se manifeste. D'abord par une réaction de mon hôtesse, montée quatre à quatre sur le toit pour évaluer le phénomène. «Quel tremblement de terre! Je n'en ai jamais connu de si fort ici!»  Cela fait trente ans qu'elle fréquente la région. Ensuite lorsque l'autre occupant de la maison, ingénieur civil à la retraite, nous précise que le mouvement terrestre était latéral. «Heureusement: s'il avait été vertical, les conséquences auraient été bien différentes!»

Cela continuera le lendemain, avec les appels et les messages de proches et d'amis restés au pays et qui ont appris ce qui s'est produit. Avec enfin la multiplication des témoignages des uns et des autres, certains particulièrement choqués. Pendant toute la journée d'hier, le gens scruteront la télévision, les journaux, les sites web pour savoir ce qui s'est effectivement passé. Et prendre la mesure des dégâts.

Répliques anxiogènes

On apprend alors les réactions de panique, captées par des caméras de surveillance, de ces clients de bars et de restaurants fuyant les lieux. Celles de ces gens qui eux ont sauté par la fenêtre et qui se sont retrouvé à l'hôpital, lui-même évacué en raison de l'apparition de fissures dans les murs et sur les plafonds! Ou encore celles de ces touristes qui ont préféré dormir au bord de la piscine de leurs hôtels et qui exigent désormais un rapatriement immédiat. Celle enfin de cette population locale qui se remémore les séismes dévastateurs de ces dernières décennies, notamment celui qui a ravagé des banlieues entières d'Istanbul en 1999 et fait 17 000 morts.

Cette ambiance anxiogène va se prolonger plusieurs jours, alimentée par les répliques, certes de plus en plus rares et faibles, mais qui maintiennent l'attention en éveil. Elle anéantit les perspectives de la saison touristique dans la région.  Mais offre un répit à Recep Tayyip Erdogan, le président turc: le tremblement de terre et le tsunami médiatique subséquent surviennent jute au moment où il est en butte à des reproches toujours plus vifs de Berlin pour ses atteintes aux droits de l'Homme.

Mais sur le coup des deux heures du matin, en cette nuit du 21 juillet, tout est redevenu calme. La nuit est douce, la mer immobile. En somme, il ne s'est rien passé. Le train s'est arrêté, le bateau s'est amarré. Il donc grand temps de se replonger dans un profond sommeil. Il sera, pour certains, très long à venir. Mais il n'est pas question de partir.

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