Actuel / Dans l’enfer de la ville la plus polluée de Chine
Une passante au centre-ville de Xingtai. © Clément Bürge
Un coin de rue à Xingtai. La pollution obstrue l’air, et transforme les passants en silhouettes sombres. © Clément Bürge
Une série de cantines dans un quartier industriel de Xingtai. © Clément Bürge
Le centre-ville et le marché de Xingtai, où les légumes sont souvent couverts de suie noire. © Clément Bürge
Une barre d’immeuble vide en banlieue de Xingtai. Comme ailleurs en Chine, la ville connaît un boom de l’immobilier, mais peine à remplir ses nouveaux bâtiments. © Clément Bürge
Diverses usines de Xingtai, principale source de pollution de l’air. © Clément Bürge
Diverses usines de Xingtai, principale source de pollution de l’air. © Clément Bürge
Diverses usines de Xingtai, principale source de pollution de l’air. © Clément Bürge
Xingtai, une cité industrielle de 7,6 millions d’habitants, est recouverte en permanence d’une épaisse couche de smog. Reportage au milieu des usines crachant des nuages de charbon toxiques.
Texte et photos: Julie Zaugg et Clément Bürge
Le ciel a pris une teinte orange crème. Le disque rouge du soleil levant cherche à percer à travers l’épais smog qui recouvre tout, sans vraiment y parvenir. Les contours des arbres dépourvus de feuilles, des rangées de tours identiques et des humains qui passent silencieusement sur des vélos électriques, comme des fantômes, sont flous. Les phares des voitures, allumés en plein jour, projettent des faisceaux de lumière dorés qui transpercent cette couche de gaz grisâtre. Une odeur de pétrole et de charbon brûlé flotte dans l’air. Cela laisse un arrière-goût métallique dans la bouche.
A Xingtai, une ville située à 400 kilomètres au sud de Pékin, dans la province du Hebei, le niveau de particules fines PM 2,5 (inférieures à 2,5 microns) atteint 560 microgrammes par m³ ce matin, soit 56 fois le maximum recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces dernières années, cette cité de 7,6 millions d’habitants au cœur du poumon industriel de la Chine a à plusieurs reprises pris la tête du classement des villes les plus polluées du pays.
Portraits d’habitants des villes de Xingtai et Pékin.
Mais l’Empire du Milieu dans son ensemble est noyé sous une couche de smog quasi permanente. Il génère 30% des émissions polluantes et brûle 50% du charbon consommé sur le plan mondial. Chaque année, 3 millions de personnes y décèdent en raison de la mauvaise qualité de l’air. Celle-ci a fait chuter l’espérance de vie de plus de deux ans (25 mois). Les particules fines émises en Chine ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. Elles provoquent 411’000 décès par an au Japon, en Corée du Sud et même en Europe et aux Etats-Unis.
Bile noire
Lorsqu’on quitte le centre de Xingtai, les barres d’immeubles cèdent rapidement la place aux usines. La cheminée rayée blanc et rouge de Kingbird, un fabricant de câbles en acier, vomit un plumet de fumée gris foncé. Il s’élève dans le ciel, se gonflant et se dégonflant au fil du vent comme un gros cumulus orageux. Tout autour, on aperçoit des usines de coke, d’acier, de verre, de ciment et de briques. Elles ont chacune leur propre nuage d’émanations toxiques. Des camions chargés de charbon effectuent un ballet incessant entre elles, pour leur amener du combustible. Le sol est recouvert d’une boue noire et gluante mélangée à de la suie.
Un flux continu d’ouvriers en bleu de travail sort de l’enceinte de Jizhong Energy, un conglomérat qui opère plusieurs mines de charbon à Xingtai. Feng Chunlin, un grand bonhomme au visage et aux épaules carrées qui porte un sac en plastique rempli de nouilles, y travaille depuis plus de 30 ans. Il vit avec toute sa famille dans l’un des dortoirs adjacents à l’usine. «Bien sûr que la qualité de l’air m’inquiète, mais je n’y peux rien, glisse ce technicien sur machines de 46 ans. J’oblige mes enfants à porter un masque, même à l’intérieur, même durant la nuit.»
A quelques pas de là, une série de maisonnettes basses hébergent des cantines servant de grands bols de soupes aux nouilles aux ouvriers. Quatre hommes déjeunent, leur casque jaune posé sur la table. «Je n’ai pas le luxe de me préoccuper de la pollution, soupire Mr Ma*, un ouvrier de 50 ans à l’air las en parka bleu foncé. Je ne suis qu’un petit pion, un homme du peuple. Ma priorité c’est de gagner assez d’argent pour faire vivre ma famille.»
Un constat d’impuissance partagé par le patron du restaurant, Zhang Zhirui. «Mon fils de 6 ans tousse beaucoup et s’est mis à cracher de la bile noire, dit cet homme de 29 ans vêtu tout de noir, en regardant ses pieds. Mais je n’ai pas assez d’argent pour déménager et tout recommencer à zéro. Alors je lui interdis simplement de jouer dehors.» En arrière-plan, on entend le ronronnement sourd de l’usine, comme un gros insecte métallique.
Zhang Zhirui, 29 ans, propriétaire d’un petit restaurant proche d’une usine à Xingtai.
Sur l’autel du développement économique
Ce fatalisme est dû au paradoxe que pose une ville comme Xingtai. «Les industries qui empoisonnent notre air sont aussi celles qui nous font vivre, relève Shi Jianting, un vendeur de voitures à la voix graveleuse qui a passé toute sa vie dans la ville. L’économie locale repose entièrement sur ces usines. Si elles fermaient, ce serait la catastrophe.»
Il est assis dans un salon de thé aux murs recouverts d’estampes appartenant à un ami, Mr Liu. «Le gouvernement a sacrifié notre santé sur l’autel du développement économique, rétorque ce dernier, en versant du thé couleur miel dans des petits bols décorés au bleu de Chine. Les choses se sont progressivement empirées depuis une quinzaine d’années, mais cela fait trois ans que notre vie est devenue insoutenable. Mon fils de 12 ans tousse, sa gorge est irritée et son nez coule en permanence.»
Il se remémore la vie avant. «Le ciel était bleu, l’air était propre et on voyait les montagnes aux alentours de la ville, détaille-t-il. Aujourd’hui, vous avez de la chance si vous voyez le bâtiment d’en face. Il ne fait beau qu’une semaine par mois en moyenne.» Il ne ressent pas de colère, seulement de l’impuissance.
Accros au charbon
La Chine compte des centaines de villes comme Xingtai. Concentrées au nord et l’est du pays, elles ont alimenté le boom économique qui a permis à ce pays de 1,4 milliard d’habitants de croître de 10% par an ces 35 dernières années et de faire sortir 680 millions d’habitants de la pauvreté.
La pollution de l’air y est devenue un problème dès la fin des années 90, mais il a fallu attendre 2010 pour qu’elle atteigne un seuil critique. «La plaine du nord de la Chine, notamment la région qui englobe Pékin, Tianjin et la province du Hebei, le delta du Yangtzé et le bassin du Sichuan sont les zones les plus affectées», note Zhu Tong, un professeur de sciences environnementales à l’université de Pékin. Outre leur géographie qui ne favorise pas la circulation de l’air, ces régions concentrent une bonne partie des usines du pays.
Photo 1 Des ouvriers lors du déjeuner à Xingtai. Photo 2 Des ouvriers quittent leur usine en fin de journée.
Photo 3 Un ouvrier quitte son usine en scooter. Photo 4 Un homme à scooter proche d’un quartier industriel de Xingtai.
«L’industrie pétrolière, chimique, de l’acier et du ciment sont particulièrement gourmandes en énergie, précise-t-il. Or la plupart de ces usines fonctionnent au charbon, ce qui provoque les émanations à l’origine du smog.» La Chine compte aussi des milliers de centrales électriques alimentées au charbon. «Il s’agit d’un combustible abondant et peu cher, contrairement au pétrole ou au gaz naturel que nous devons importer», souligne Song Guojun, le directeur de l’Institut de politique environnementale de l’université Renmin. Le pays génère 70% de son électricité par ce biais.
A cela s’ajoutent les voitures, de plus en plus nombreuses sur les routes chinoises, les chauffages domestiques fonctionnant au charbon et le réchauffement climatique qui a eu pour effet de faire baisser la pluviométrie et le vent au nord-est du pays, et donc d’empêcher la dissipation du smog.
Particules meurtrières
Cela a créé une crise environnementale sans précédent en saturant l’air du pays de particules fines nocives pour la santé. Ces dernières sont à l’origine d’une multitude de maladies respiratoires: asthme, bronchite chronique, inflammation des poumons. Elles sont aussi suffisamment petites pour passer la barrière des poumons et s’immiscer dans le sang, provoquant des maladies cardiovasculaires et des attaques cérébrales. Sur le plus long terme, elles provoquent des cancers du poumon.
Tang Deliang, un expert en médecine environnementale de l’Université Columbia, s’est penché sur l’impact in utero de l’une des composantes du smog, les hydrocarbures aromatiques polycycliques. «Nous avons découvert qu’il provoque des dommages irréversibles sur les neurones de l’enfant à naître, dit-il. Cela retarde son développement, affecte sa mémoire et ralentit ses fonctions motrices.»
Du côté des nouvelles classes moyennes, la colère commence à gronder. En février, un millier de résidents sont descendus dans la rue à Daqing, au nord-est du pays, pour protester contre la construction d’un usine à aluminium. Des manifestations anti-smog ont aussi eu lieu à Chengdu, dans le Sichuan, et à Pékin. Un collectif de six avocats a même déposé une plainte contre les autorités de la capitale.
Airpocalypse
Ma Jun veut exploiter cette rage. Assis au milieu des purificateurs d’air au sommet d’une tour qui abrite les locaux de son ONG, cet homme menu au sourire affable et au regard déterminé se remémore l’hiver 2011. «Cet hiver-là, Pékin a connu dix jours de smog ininterrompus, dit-il en regardant par la fenêtre l’épaisse couche de pollution qui recouvre la capitale d’un voile gris. L’ambassade américaine s’est mise à publier chaque jour le niveau de PM 2,5 et les citoyens ont commencé à le relayer sur Weibo (le twitter chinois, ndlr).»
Ma Jun, un célèbre militant pour l’environnement, dans son complexe immobilier à Pékin.
Il décide alors de créer une app avec une carte interactive, The Blue Map, qui détaille le degré de pollution ville par ville, heure par heure et même usine par usine. «En 2013, seules 74 municipalités effectuaient des relevés; aujourd’hui, il y en a plus de 400», dit-il. Ma Jun pense que cela permettra de faire pression sur les autorités. «Grâce à ces données, il est désormais possible d’identifier les usines les plus polluantes et celles dont les émanations dépassent le maximum légal», glisse-t-il.
D’autres apps mesurant la qualité de l’air ont vu le jour dans le sillage de The Blue Map. De nombreuses start-up se sont mises également à vendre des gadgets antipollution, à l’image de Kaiterra, une firme suisse qui vend un œuf permettant de mesurer les niveaux de PM 2,5. Le marché pour ces innovations est vaste: les membres des nouvelles classes moyennes sont prêtes à tout pour protéger la santé de leur unique enfant.
Certains dépensent des fortunes pour emmener leur progéniture en Islande ou à Phuket, en Thaïlande, afin de lui «nettoyer les poumons». D’autres choisissent carrément d’émigrer. Une école à Pékin a installé une bulle transparente remplie d’air purifié pour permettre aux élèves de pratiquer du sport à l’abri du smog.
«Nous partirons aussi»
Zheng Wei est l’un de ces parents inquiets. Lorsqu’il nous retrouve dans un café au centre de Pékin, ce développeur d’apps de 36 ans ressemble à Robocop. Il porte un masque filtrant noir qu’il a fait faire sur mesure à Singapour, un béret noir, des gants et une veste boutonnée jusqu’au col. «Je prends une douche à chaque fois que je rentre à la maison car les particules fines s’immiscent partout, même dans les cheveux», soupire-t-il. Chez lui, il a fait installer des purificateurs d’air dans chaque pièce. Dans la chambre de son fils de 6 ans, il en a même mis deux. Sa voiture aussi est équipée d’un système qui nettoie l’air.
Chaque jour, il consulte diverses apps pour savoir le niveau de PM 2,5. C’est devenu une sorte de rituel. «Je sais rien qu’en regardant la couleur du ciel si nous sommes au-dessus de 300, relève-t-il. Mais le plus dangereux, ce sont les jours où on est à 100. Tout a l’air normal mais l’air est nocif.» Il s’inquiète de voir son fils jouer dehors. «A moins que le niveau de PM 2,5 ne dépasse 500, les écoles obligent les élèves à faire de l’exercice durant 30 minutes par jour à l’air libre, lâche-t-il. Et ils n’ont pas le droit de porter de masque.»
Il rêve de pouvoir quitter Pékin. «La plupart de mes amis sont déjà partis vivre en Australie, au Canada ou en Nouvelle-Zélande, glisse-t-il. Dès que j’aurai économisé assez d’argent, nous partirons aussi.»
Portraits d’habitants des villes de Xingtai et Pékin.
Moniteurs bourrés de coton
Le gouvernement a récemment pris conscience de l’ampleur du problème. Ces trois dernières années, il a fixé des objectifs ambitieux de réduction des concentrations de particules fines, investi massivement dans les énergies renouvelables et instauré des limites strictes sur les émanations des véhicules. Une taxe sur le carbone et une bourse pour les quotas d’émissions est introduite depuis 2018. Mais le vrai défi, c’est de réduire la pollution émise par les usines. Des milliers d’inspecteurs ont été déployés ces derniers mois à travers le pays pour amender celles qui ne respectent pas la loi et de nombreuses installations fabriquant de l’acier, du ciment ou de l’aluminium ont été fermées.
Mais la résistance est forte. Les autorités locales, qui craignent de perdre leur poule aux œufs d’or et de subir le mécontentement des ouvriers en cas de licenciements, informent souvent les patrons d’usine en amont d’une inspection ou ferment les yeux en cas de violations. Dans le Shanxi, un responsable municipal a bourré de coton les moniteurs de smog, pour faire baisser les niveaux de pollution mesurés. En avril, un industriel dans le Shandong a enfermé une équipe d’inspecteurs dans son usine, pour les empêcher de rédiger un rapport sur les émanations émises par ses installations.
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Des camions chargés de charbon effectuent un ballet incessant entre elles, pour leur amener du combustible. Le sol est recouvert d’une boue noire et gluante mélangée à de la suie.</p><p>Un flux continu d’ouvriers en bleu de travail sort de l’enceinte de Jizhong Energy, un conglomérat qui opère plusieurs mines de charbon à Xingtai. Feng Chunlin, un grand bonhomme au visage et aux épaules carrées qui porte un sac en plastique rempli de nouilles, y travaille depuis plus de 30 ans. Il vit avec toute sa famille dans l’un des dortoirs adjacents à l’usine. «Bien sûr que la qualité de l’air m’inquiète, mais je n’y peux rien, glisse ce technicien sur machines de 46 ans. J’oblige mes enfants à porter un masque, même à l’intérieur, même durant la nuit.»</p><p>A quelques pas de là, une série de maisonnettes basses hébergent des cantines servant de grands bols de soupes aux nouilles aux ouvriers. 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Une école à Pékin a installé une bulle transparente remplie d’air purifié pour permettre aux élèves de pratiquer du sport à l’abri du smog.<br></p><h3 style="text-align: center;">«Nous partirons aussi»<br></h3><p>Zheng Wei est l’un de ces parents inquiets. Lorsqu’il nous retrouve dans un café au centre de Pékin, ce développeur d’apps de 36 ans ressemble à Robocop. Il porte un masque filtrant noir qu’il a fait faire sur mesure à Singapour, un béret noir, des gants et une veste boutonnée jusqu’au col. «Je prends une douche à chaque fois que je rentre à la maison car les particules fines s’immiscent partout, même dans les cheveux», soupire-t-il. Chez lui, il a fait installer des purificateurs d’air dans chaque pièce. Dans la chambre de son fils de 6 ans, il en a même mis deux. Sa voiture aussi est équipée d’un système qui nettoie l’air. <br>Chaque jour, il consulte diverses apps pour savoir le niveau de PM 2,5. C’est devenu une sorte de rituel. «Je sais rien qu’en regardant la couleur du ciel si nous sommes au-dessus de 300, relève-t-il. Mais le plus dangereux, ce sont les jours où on est à 100. Tout a l’air normal mais l’air est nocif.» Il s’inquiète de voir son fils jouer dehors. «A moins que le niveau de PM 2,5 ne dépasse 500, les écoles obligent les élèves à faire de l’exercice durant 30 minutes par jour à l’air libre, lâche-t-il. Et ils n’ont pas le droit de porter de masque.»</p><p style="text-align: left;">Il rêve de pouvoir quitter Pékin. «La plupart de mes amis sont déjà partis vivre en Australie, au Canada ou en Nouvelle-Zélande, glisse-t-il. 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Il génère 30% des émissions polluantes et brûle 50% du charbon consommé sur le plan mondial. Chaque année, 3 millions de personnes y décèdent en raison de la mauvaise qualité de l’air. Celle-ci a fait chuter l’espérance de vie de plus de deux ans (25 mois). Les particules fines émises en Chine ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. Elles provoquent 411’000 décès par an au Japon, en Corée du Sud et même en Europe et aux Etats-Unis.</p><h3 style="text-align: center;">Bile noire<br></h3><p>Lorsqu’on quitte le centre de Xingtai, les barres d’immeubles cèdent rapidement la place aux usines. La cheminée rayée blanc et rouge de Kingbird, un fabricant de câbles en acier, vomit un plumet de fumée gris foncé. Il s’élève dans le ciel, se gonflant et se dégonflant au fil du vent comme un gros cumulus orageux. Tout autour, on aperçoit des usines de coke, d’acier, de verre, de ciment et de briques. Elles ont chacune leur propre nuage d’émanations toxiques. 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Ma Jun pense que cela permettra de faire pression sur les autorités. «Grâce à ces données, il est désormais possible d’identifier les usines les plus polluantes et celles dont les émanations dépassent le maximum légal», glisse-t-il.</p><p style="text-align: left;">D’autres apps mesurant la qualité de l’air ont vu le jour dans le sillage de The Blue Map. De nombreuses start-up se sont mises également à vendre des gadgets antipollution, à l’image de Kaiterra, une firme suisse qui vend un œuf permettant de mesurer les niveaux de PM 2,5. Le marché pour ces innovations est vaste: les membres des nouvelles classes moyennes sont prêtes à tout pour protéger la santé de leur unique enfant. <br></p><p style="text-align: left;">Certains dépensent des fortunes pour emmener leur progéniture en Islande ou à Phuket, en Thaïlande, afin de lui «nettoyer les poumons». D’autres choisissent carrément d’émigrer. 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Elle a été adoptée au Japon au cours du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>On trouve des exemples poétiques de pruniers en fleurs, ou <em>ume</em> en japonais, dans le <a href="https://www.kokugakuin.ac.jp/assets/uploads/2021/03/KJS2-2Oishi.pdf">« Man’yōshū »</a>, ou « recueil de dix mille feuilles », le plus ancien recueil de poésie japonaise, qui date du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>Wiebke Denecke, <a href="https://lit.mit.edu/denecke/">spécialiste des littératures d’Asie orientale</a>, explique que les poètes japonais classiques <a href="https://www.jstor.org/stable/25066837">écrivaient des poèmes sur les fleurs de prunier lorsqu’elles étaient en saison</a>. Leurs compositions ont façonné la poésie de cour japonaise, ou <em>waka</em>, qui est enracinée dans la nature et son cycle saisonnier constant.</p> <p>Cependant, c’est le <em>sakura</em>, et non le prunier, qui occupe une place particulière dans la culture japonaise. Les anthologies impériales de <em>waka</em> compilées au Japon entre 905 et 1439 de l’ère chrétienne contiennent généralement plus de poèmes printaniers composés sur les cerisiers en fleurs que sur les pruniers en fleurs.</p> <h3>Au cœur de la composition des <em>waka</em></h3> <p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/558474/the-sakura-obsession-by-naoko-abe/">La première exposition de cerisiers en fleurs</a> a été organisée par l’empereur Saga en 812 de l’ère chrétienne et est rapidement devenue un événement régulier à la cour impériale, souvent accompagné de musique, de nourriture et d’écriture de poèmes.</p> <p>Les cerisiers en fleurs sont devenus l’un des sujets habituels de composition des <em>waka</em>. En fait, j’ai commencé à étudier la poésie japonaise grâce à un poème sur le thème du <em>sakura</em> écrit par une poétesse classique, Izumi Shikibu, dont on pense qu’elle a activement composé des <em>waka</em> vers l’an 1000 de notre ère. Le poème est préfacé par la <a href="http://www.misawa-ac.jp/drama/daihon/genji/bunken/zoku.html">mémoire de son auteur</a>. Ce poème parle de son ancien amant qui souhaite revoir les cerisiers en fleurs avant qu’ils ne tombent.</p> <blockquote> <p>tō o koyo<br />saku to miru ma ni<br />chirinu beshi<br />tsuyu to hana to no<br />naka zo yo no naka</p> <p>Viens vite !<br />À peine commencent-elles à s’ouvrir<br />qu’elles doivent tomber.<br />Notre monde réside<br />dans la rosée au sommet des fleurs de cerisier.</p> </blockquote> <p>Ce poème n’est pas l’exemple le plus célèbre de <em>waka</em> sur les cerisiers en fleurs dans la poésie japonaise prémoderne, mais il contient des couches d’imagerie traditionnelle symbolisant l’impermanence. Il souligne qu’une fois écloses, les fleurs de cerisier sont destinées à tomber. Assister à leur chute est l’objectif même du <em>hanami</em>.</p> <p>La rosée est généralement interprétée comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2385169">symbole de larmes</a> dans le waka, mais elle peut également être lue de manière plus érotique comme une référence à d’autres <a href="https://uhpress.hawaii.edu/title/mapping-courtship-and-kinship-in-classical-japan-the-tale-of-genji-and-its-predecessors/">fluides corporels</a>. Une telle interprétation révèle que le poème est une allusion à une relation amoureuse, qui est aussi fragile que la rosée qui s’évapore sur les fleurs de cerisier qui tombent bientôt ; elle ne dure pas longtemps, il faut donc l’apprécier tant qu’elle existe.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/579998/original/file-20240305-18-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Un arbre japonais en fleurs chargé de grappes de fleurs roses dans un jardin" /><em><span>Au Japon, les cerisiers en fleurs symbolisent l’impermanence ». zoomable=</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/25228175@N08/4549363374">Elvin/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></em></h4> <p>Le poème peut également être interprété de manière plus générale : La rosée est un symbole de la vie humaine, et la chute des cerisiers en fleurs une métaphore de la mort.</p> <h3>Militarisé par l’Empire du Japon</h3> <p>La notion de chute des fleurs de cerisier a été utilisée par <a href="https://www.bloomsbury.com/us/imperial-japan-and-defeat-in-the-second-world-war-9781350246799/">l’Empire du Japon</a>, un État historique qui a existé de la restauration meiji en 1868 jusqu’à la promulgation de la Constitution du Japon en 1947. L’empire est connu pour la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/japanese-taiwan-9781472576743/">colonisation de Taïwan</a> et l’<a href="https://www.peterlang.com/document/1049131">annexion de la Corée</a> afin d’étendre ses territoires.</p> <p><a href="https://kokubunken.repo.nii.ac.jp/records/4747">Sasaki Nobutsuna</a>, un érudit des classiques japonais ayant des liens étroits avec la cour impériale, était un partisan de l’idéologie nationaliste de l’empire. En 1894, il a composé un long poème, <a href="https://dl.ndl.go.jp/pid/873478/1/10">« Shina seibatsu no uta »</a>, ou « Le chant de la conquête des Chinois », pour coïncider avec la première guerre sino-japonaise, qui a duré de 1894 à 1895. Le poème compare la chute des fleurs de cerisier au sacrifice des soldats japonais qui <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/K/bo3656741.html">tombent au combat pour leur pays et leur empereur</a>.</p> <h3>La marchandisation de la saison</h3> <p>Dans le Japon contemporain, les cerisiers en fleurs sont célébrés par de nombreux membres de la société, et pas seulement par la cour impériale. Fleurissant autour du <a href="https://www.nbcbayarea.com/news/national-international/lunar-new-year-2024-how-to-celebrated/3447961/">Nouvel An lunaire</a> célébré dans le Japon prémoderne depuis des siècles, elles symbolisent les nouveaux départs dans tous les domaines de la vie.</p> <p>À l’époque contemporaine, les vendeurs ont transformé les cerisiers en fleurs en vendant du <a href="https://stories.starbucks.com/asia/stories/2024/sakura-season-starts-at-starbucks-japan-on-thursday-february-15/">thé, café</a>, de la <a href="https://japantoday.com/category/features/food/haagen-dazs-releases-two-new-seasonal-flavors">crème glacée</a>, des <a href="https://www.oenon.jp/news/2020/0205-1.html">boissons</a> ou des <a href="https://www.fujingaho.jp/gourmet/sweets/g43015580/fujingahonootoriyose-sakura-sweets20240215/">biscuits</a> aromatisés au <em>sakura</em>, transformant ainsi l’image de l’arbre en fleurs en une marque saisonnière. Les <a href="https://sakura.weathermap.jp/en.php">prévisions météorologiques</a> suivent la floraison des cerisiers pour s’assurer que tout le monde a une chance de participer à l’ancien rituel de l’observation.</p> <p>L’obsession des cerisiers en fleurs peut sembler triviale, mais le <em>hanami</em> rassemble les gens à une époque où la plupart des communications se font virtuellement et à distance, réunissant des membres de la famille, des amis, des collègues de travail et parfois même des étrangers, comme cela m’est arrivé lorsque je vivais au Japon.</p> <p>L’observation des <em>sakura</em> témoigne également de la relation unique que le Japon moderne entretient avec sa propre histoire. 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Mais puisque la RTS estime nécessaire d’exprimer des «regrets» pour les «propos outranciers» tenus par Slobodan Despot, quelques questions s’imposent:</p> <p><strong>1.</strong> Pourquoi, si les propos n’y sont pas si libres que ça, l'émission «Les Beaux Parleurs» est-elle toujours présentée comme un «talk show» sur le site de la RTS?</p> <p><strong>2.</strong> Si la RTS juge bon d’exprimer ses «regrets» pour des «propos outranciers», il est à supposer que sa charte a été enfreinte par Slobodan Despot. Dans ce cas, il serait bon de spécifier aux <a href="https://www.24heures.ch/la-rts-regrette-les-propos-outranciers-de-slobodan-despot-739244121528" target="_blank" rel="noopener">lecteurs de <em>24 Heures</em></a> quels passages plus précisément. La charte de la RTS dit notamment ceci: «une responsabilité particulière dans la recherche de la vérité, l’impartialité, la pluralité et le respect de la personne.» En décrivant des éléments factuels, Slobodan Depot a fait preuve de recherche de la vérité. Il représente l’un des éléments nécessaires à la pluralité d’opinion censément chère à la RTS et n’a manqué de respect envers personne au travers de ses propos. Où est donc le problème? 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3 Commentaires
@yvesmagat 19.11.2018 | 15h04
«Terrifiant !»
@SvenR7 26.11.2018 | 11h55
«Reportage complet et très intéressant !»
@stef 23.12.2018 | 15h26
«Au rythme où vont les choses, est-ce le futur de l’humanité, servir les puissants comme du bétail et mourir à petit feu... ? »