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Cela concerne aussi bien la dimension politique que celles liées à l’économie, à la société et à l’environnement.</p><p><strong>Comment cela s’est manifesté?</strong></p><p>Sur le plan politique, l’absence d’un système de gouvernance participatif, ainsi que les pratiques de terreur et d’oppression utilisées par des régimes basés sur le règne d’un homme, d’une famille ou d’un parti unique ont étouffé le désir de liberté intrinsèque à la nature humaine et exacerbé le sentiment d’injustice et d’exclusion.</p><p>Quant à la dimension économique, le monde arabe souffre depuis des années d’un chômage très élevé face à des économies improductives et incapables d’absorber une population de plus en plus nombreuse et jeune. Ce décalage entre deux fonctions, l’une exponentielle, l’autre constante, n’a cessé de croître jusqu’à devenir insoutenable. La population arabe a, en effet, quadruplé au cours des cinq dernières décennies, passant de 90 millions d’habitants en 1960 à plus de 400 millions l’an dernier tandis que l’infrastructure économique n’a quasiment pas changé d’un iota.</p><p>Ces réalités démographiques, couplées à l’arrivée des femmes sur le marché du travail dans certains pays, ont considérablement augmenté l’offre, face une structure rentière ou semi-rentière incapable de satisfaire des besoins croissants sur le marché. A titre illustratif, la population active arabe a augmenté trois fois plus que dans le reste des régions émergentes, entre 1996 et 2006. Conséquence majeure de cette réalité – à laquelle de nombreux dirigeants arabes sont restés totalement sourds ou indifférents –, le chômage des jeunes a atteint des pics mondiaux au cours de la décennie ayant précédé les soulèvements populaires, à 30% en moyenne à l’échelle régionale. Dans certains pays, comme la Libye, celui-ci culminait même à 49%.</p><p>A ce fléau, accentué par le nombre croissant d’étudiants en cycle supérieur – ils sont plus de 400’000 diplômés chaque année à investir le marché du travail en Égypte, 150'000 en Algérie et près de 60’000 en Tunisie et au Maroc – s’est greffée ce que je qualifie dans mon essai de «trinité fatale»: inégalités, pauvreté et insécurité alimentaire. A partir des années 1990, les disparités se sont, en effet, creusées davantage dans le monde arabe, sous l’effet, entre autres, de l’absence d’un système de redistribution équitable – lequel découle, dans certains pays, de l’inexistence même d’un dispositif fiscal, au vu de la structure rentière – ainsi qu’aux réformes néolibérales dictées par le FMI. Celles-ci ont profité davantage au cercle du pouvoir ainsi qu’aux détenteurs de capitaux, au profit des travailleurs. L’indice de Gini dans les zones urbaines d’Égypte a ainsi progressé de 34% en 1991 à 37,5% en 2005.</p><p>En parallèle, la dépendance alimentaire a sévi durant cette période. Dans le cadre des politiques d’infitah (ouverture) et de réformes dictées par les institutions de Bretton Woods, dont la contre réforme agraire, de nombreux pays de la région ont, en effet, abandonné les secteurs industriels et agricoles, alors que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord souffrent déjà d’un faible potentiel agricole. En Egypte par exemple, la part de l’agriculture dans le PIB a chuté de 31% en 1972 à 13% en 2008. Il en a résulté une dépendance accrue aux importations, ainsi qu’aux fluctuations des prix à l’international. Avec l’hyperinflation des années 2000, cette dépendance pathologique est devenue excessivement coûteuse aussi bien pour la société que pour les régimes en place. Conséquence: déficits publics croissants tandis que des millions de ménages ont basculé en quelques années, voire en quelques mois, sous le seuil de pauvreté. En Égypte, près de 72% de la population vivait avec moins de 4 dollars par jour en 2008. L’insécurité alimentaire a été aggravée par le phénomène de désertification et de stress hydrique, en l’absence de toute politique de prévention…</p><p>Dernière racine transversale du mal arabe: la corruption rampante. 84% des pays arabes sont considérés comme «hautement corrompus» par l’ONG Transparency International. Selon la Arab Anti-Corruption Organization, près de 1000 milliards de dollars – soit le tiers des revenus arabes cumulés – ont été «salis» par de multiples formes de corruption au cours de la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle.</p><p><strong>D’ailleurs, peut-on selon vous parler d’un monde arabe, n’existe-t-il pas des mondes arabes?</strong></p><p>Il existe des caractéristiques communes à l’ensemble des pays arabes, du Maghreb au Golfe en passant par le Mashrek (<em>l'Orient arabe, bplt</em>): une structure économique rentière ou semi-rentière totalement inadaptée aux réalités démographiques et celle de la population active. Il faut savoir que la rente ne concerne pas uniquement le pétrole et le gaz. Il existe également des formes non-conventionnelles comme le tourisme, les transferts d’émigrés ou encore l’exploitation de sites stratégiques, comme le Canal de Suez. C’est le cas notamment de la Jordanie, où les transferts des expatriés pèsent à hauteur de 13% du PIB, contre 15 à 20% au Liban, pénalisant dans une large mesure l’entrain pour une croissance endogène basée sur la spécialisation industrielle, l’innovation et la productivité – seule garante d’un niveau d’emploi pérenne.</p><p>En parallèle, le chômage et le faible taux de participation à la population active n’épargnent désormais aucun pays. Même les riches monarchies pétrolières sont désormais menacées par ce phénomène.</p><p>Quant aux inégalités et à la pauvreté, elles sont également marquées dans la plupart des pays, y compris dans le Golfe. En Arabie saoudite, quelque 3 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté à la veille du printemps arabe, soit près de 22% de la population.</p><p>Cela dit, il existe, certes, des différences entre les divers pays ou groupes de pays de la région: il y a les exportateurs et importateurs de pétrole, les pays plus ou moins riches en eau et ceux totalement désertiques, mais aussi ceux dont les régimes économiques sont libéraux, sociaux de marché, ou autarciques. Au niveau de la révolution technologique, la fracture est, quant à elle, importante entre les pays du Golfe et ceux du Mashrek ou du Maghreb, etc.</p><p>Mais c’est justement cette fragmentation du monde arabe en plusieurs «mondes» distincts, voire méfiants les uns envers les autres, qui constitue une autre racine du malaise arabe et de sa pérennité; seule la création d’un bloc économique à terme permettra, en effet, de relever les nombreux défis développementaux de la région, surtout si celle-ci est construite dans un esprit de respect mutuel et de réelle coopération basée sur le principe de l’avantage comparatif. Le Soudan et le Liban sont, par exemple, riches en eau et en terres arables. Quant aux 11 pays pétroliers, parmi les 22 de la ligue arabe, ils concentrent 55% des réserves pétrolières mondiales. D’autres pays sont riches en matières de capital humain ou d’histoire et de sites touristiques et naturels, etc. Mettre en commun toutes ces ressources ne peut être qu’à l’avantage de l’ensemble de la région.</p><p>Mais pour que ce projet se concrétise, il faut une prise de conscience collective, sur le plan arabe, de la nécessité de mettre fin aux cycles récurrents de violence et de guerres intestines et des vertus d’un projet panarabe constructif. Il faut également et surtout que s’estompe le cycle interminable d’interventions étrangères qui visent depuis les accords de Sykes-Picot<sup>1</sup> et la déclaration de Balfour<sup>2</sup> ou même depuis l’empire ottoman, à morceler la région et son unité, l’amputer ou la diluer. Enfin, il faudra aussi des personnalités ou des leaders visionnaires, désormais totalement absents ou absentés, à l’instar de Robert Shuman, Jean Monnet et Konrad Adenauer…</p><p><strong>Dans votre livre vous revenez entre autres sur différentes causes économiques de ce malaise, avec notamment des racines socioéconomiques communes au despotisme, aux soulèvements populaires ainsi qu’à l’islamisme. Comment l’expliquez-vous?</strong></p><p>Je vous donne deux exemples illustratifs. La manne pétrolière et l’absence de diversification économiques. Celles-ci ont renforcé la minorité au pouvoir, tandis que la majorité s’est retrouvée exclue et donc acculée à choisir entre l’exil, la révolte, ou l’adhésion à des groupes extrémistes. Idem pour les réformes néolibérales; en Égypte, la politique de l’infitah (ouverture économique) s’est accompagnée d’une montée du pouvoir économique de l’armée, qui contrôlait à la veille de la «Révolution du 25 janvier» le tiers de l’économie égyptienne, ainsi que d’une augmentation sensible du nombre d’entrepreneurs au sein de l’Assemblée nationale, à 83 membres en 2005, contre 37 en 1995, pour la plupart membres du parti de Hosni Moubarak. Ainsi, lorsque plus de 300 usines et entreprises publiques ont été privatisées au début des années 1990, les avoirs de l’armée sont restés intacts. Ce scénario s’est reproduit entre 2004 et 2011, tandis que les hauts gradés de l’armée ont été placés dans des postes-clés au sein de ces sociétés ou usines privatisées. Quant aux dizaines de milliers d’employés licenciés, suite à ces vagues de privatisation, ou d’autres victimes des réformes imposées par le FMI, ils se sont retrouvés au chômage ou sur le marché noir, et ont ainsi rejoint des mouvements protestataires civils ou des organisations et associations comme celle des Salafistes et des Frères musulmans…</p><p><strong>Vous dites que le printemps arabe se transforme en hiver, avec pour chaque pays ses propres démons, comment aujourd’hui ces pays et le monde arabe en général peuvent-ils en sortir?</strong></p><p>Le monde arabe n’en sortira pas de sitôt. L’hiver est un passage obligé dans la succession des saisons. Le vrai printemps succédera à la période actuelle. Mais pour que l’hiver ne soit pas très long et dur, une prise de conscience et une action efficace s’imposent, aussi bien sur le plan local qu’au niveau des puissances étrangères et institutions internationales concernées par la chose arabe. Dans un premier temps, il faudra surtout mettre fin aux conflits qui ravagent la région, de la Syrie, au Yémen, en passant par la Libye et l’Irak. En parallèle, un vaste chantier de réformes économiques doit être mis en place, axée prioritairement sur une transition vers des économies post-rentières et la création massive d’emplois pour endiguer le phénomène de chômage parmi les jeunes.</p><p><strong>«Le printemps arabe est peut-être mort aujourd’hui. Mais il peut encore être ressuscité» et cela passe nécessairement selon vous par «un printemps arabe socioéconomique». Pensez-vous qu’aujourd’hui, que les hommes politiques, autant que les citoyens du monde arabe et de Tunisie, ont suffisamment de maturité et de prise de conscience pour le mettre en mouvement?</strong></p><p>Il y a ceux qui n’ont pas conscience de ces problèmes ou se sentent simplement impuissants face à leur ampleur, notamment parmi les citoyens et les «victimes» de la triple exclusion politique, économique et sociale, y compris ceux qui se sont enrôlés dans des partis extrémistes. Il y a ceux qui en sont conscients, notamment les personnes au pouvoir, qui profitent néanmoins d’un système de privilèges et ne sont donc pas facilement prêts à y renoncer, même si le séisme des révoltes populaires et de la montée des mouvances radicales a provoqué une certaine brèche à ce niveau. C’est pourquoi un travail de sensibilisation aux vrais problèmes et leur médiatisation s’impose afin de vulgariser la conscience des vrais enjeux, tandis que la pression populaire civile devrait se poursuivre.</p><p><strong>L’Occident s’est-il trompé dans sa stratégie vis-à-vis du monde arabe?</strong></p><p>La stratégie d’«élimination à la racine» du terrorisme, adoptée par l’Occident, notamment par les Etats-Unis, a coûté la vie, depuis presque vingt ans maintenant, à plusieurs centaines de milliers de soldats et de civils et drainé plusieurs milliers de milliards de dollars. Les guerres en Afghanistan et en Irak auront coûté jusqu’à 6’000 milliards de dollars à l’horizon 2050. Le comble est que ces guerres n’ont non seulement échoué à éradiquer le terrorisme, représenté par Al-Qaïda jusqu’en 2014, mais ont engendré un monstre d’autant plus dangereux que celui qui l’a précédé.</p><p>Si ces mêmes montants alloués aux politiques de lutte anti-terroristes avaient été investis dans l’éducation, l’emploi et l’éradication de la pauvreté – le coût global des guerres en Afghanistan et en Irak est de 70 à 100 fois supérieur aux dépenses publiques allouées à l’éducation dans l’ensemble du monde arabe et équivaut au montant nécessaire pour éradiquer la faim à l’échelle planétaire –, il ne fait aucun doute que la configuration serait aujourd’hui de loin meilleure aussi bien dans la région MENA (<em>Moyen-Orient et Afrique du Nord, bplt</em>) qu’en Europe et ailleurs.</p><h4><sup>1</sup> Accords secrets signés le 16 mai 19161, après négociations entre novembre 1915 et mars 1916 entre la France et le Royaume-Uni (avec l'aval de l'Empire russe et du royaume d'Italie), prévoyant le partage du Proche-Orient à la fin de la guerre (espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l'océan Indien et la mer Caspienne) en plusieurs zones d'influence au profit de ces puissances, ce qui revenait à dépecer l'Empire ottoman. (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_Sykes-Picot">wikipédia</a>, bplt)</h4><h4><sup>2</sup> Lettre ouverte datée du 2 novembre 1917 dans laquelle le Royaume-Uni se déclare en faveur de l'établissement en Palestine d'un foyer national juif. Cette déclaration est considérée comme une des premières étapes dans la création de l'État d'Israël. (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_Balfour_de_1917">wikipédia</a>, bplt)</h4><p></p><hr><p></p><p>L'article original du <em>HuffPost Tunisie</em>:<a href="http://www.huffpostmaghreb.com/2017/11/10/livre-monde-arabe_n_18521376.html?utm_hp_ref=maghreb"> "Monde arabe: les racines du mal", le livre de Bachir El Khoury qui analyse les maux du monde arabe</a></p><p></p><hr><p></p><h4><img class="img-responsive " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w500/1510589521_bashirelkhoury570.jpg" width="311" height="498"><em>Monde arabe: les racines du mal</em>, Bachir El Khoury, Sindbad/Actes sud. Disponible en janvier 2018.</h4><p></p><hr><p></p><h2>Bachir El Khoury</h2><p>Economiste de formation, ancien responsable du service économique à <em>L'Orient le Jour</em>, Bachir El Khoury est le correspondant à Beyrouth de plusieurs médias dont le<em> Journal du Dimanche</em> et la <em>Tribune de Genève</em> et enseigne également à l'Université Saint-Joseph. Il a animé entre 2013 et 2015 le<a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"> blog "Economies et Révolutions"</a>. (bplt)<a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"><br></a></p><h4><a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1510696264_bachir.jpg" width="837" height="551"></a>Bachir El Khoury en séance de signatures, vendredi dernier, au salon du livre de Beyrouth.<a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"><br></a></h4><p><br><a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"></a></p>',
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C’est le cas notamment de la Jordanie, où les transferts des expatriés pèsent à hauteur de 13% du PIB, contre 15 à 20% au Liban, pénalisant dans une large mesure l’entrain pour une croissance endogène basée sur la spécialisation industrielle, l’innovation et la productivité – seule garante d’un niveau d’emploi pérenne.</p><p>En parallèle, le chômage et le faible taux de participation à la population active n’épargnent désormais aucun pays. Même les riches monarchies pétrolières sont désormais menacées par ce phénomène.</p><p>Quant aux inégalités et à la pauvreté, elles sont également marquées dans la plupart des pays, y compris dans le Golfe. En Arabie saoudite, quelque 3 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté à la veille du printemps arabe, soit près de 22% de la population.</p><p>Cela dit, il existe, certes, des différences entre les divers pays ou groupes de pays de la région: il y a les exportateurs et importateurs de pétrole, les pays plus ou moins riches en eau et ceux totalement désertiques, mais aussi ceux dont les régimes économiques sont libéraux, sociaux de marché, ou autarciques. Au niveau de la révolution technologique, la fracture est, quant à elle, importante entre les pays du Golfe et ceux du Mashrek ou du Maghreb, etc.</p><p>Mais c’est justement cette fragmentation du monde arabe en plusieurs «mondes» distincts, voire méfiants les uns envers les autres, qui constitue une autre racine du malaise arabe et de sa pérennité; seule la création d’un bloc économique à terme permettra, en effet, de relever les nombreux défis développementaux de la région, surtout si celle-ci est construite dans un esprit de respect mutuel et de réelle coopération basée sur le principe de l’avantage comparatif. Le Soudan et le Liban sont, par exemple, riches en eau et en terres arables. Quant aux 11 pays pétroliers, parmi les 22 de la ligue arabe, ils concentrent 55% des réserves pétrolières mondiales. D’autres pays sont riches en matières de capital humain ou d’histoire et de sites touristiques et naturels, etc. Mettre en commun toutes ces ressources ne peut être qu’à l’avantage de l’ensemble de la région.</p><p>Mais pour que ce projet se concrétise, il faut une prise de conscience collective, sur le plan arabe, de la nécessité de mettre fin aux cycles récurrents de violence et de guerres intestines et des vertus d’un projet panarabe constructif. Il faut également et surtout que s’estompe le cycle interminable d’interventions étrangères qui visent depuis les accords de Sykes-Picot<sup>1</sup> et la déclaration de Balfour<sup>2</sup> ou même depuis l’empire ottoman, à morceler la région et son unité, l’amputer ou la diluer. Enfin, il faudra aussi des personnalités ou des leaders visionnaires, désormais totalement absents ou absentés, à l’instar de Robert Shuman, Jean Monnet et Konrad Adenauer…</p><p><strong>Dans votre livre vous revenez entre autres sur différentes causes économiques de ce malaise, avec notamment des racines socioéconomiques communes au despotisme, aux soulèvements populaires ainsi qu’à l’islamisme. Comment l’expliquez-vous?</strong></p><p>Je vous donne deux exemples illustratifs. La manne pétrolière et l’absence de diversification économiques. Celles-ci ont renforcé la minorité au pouvoir, tandis que la majorité s’est retrouvée exclue et donc acculée à choisir entre l’exil, la révolte, ou l’adhésion à des groupes extrémistes. Idem pour les réformes néolibérales; en Égypte, la politique de l’infitah (ouverture économique) s’est accompagnée d’une montée du pouvoir économique de l’armée, qui contrôlait à la veille de la «Révolution du 25 janvier» le tiers de l’économie égyptienne, ainsi que d’une augmentation sensible du nombre d’entrepreneurs au sein de l’Assemblée nationale, à 83 membres en 2005, contre 37 en 1995, pour la plupart membres du parti de Hosni Moubarak. Ainsi, lorsque plus de 300 usines et entreprises publiques ont été privatisées au début des années 1990, les avoirs de l’armée sont restés intacts. Ce scénario s’est reproduit entre 2004 et 2011, tandis que les hauts gradés de l’armée ont été placés dans des postes-clés au sein de ces sociétés ou usines privatisées. Quant aux dizaines de milliers d’employés licenciés, suite à ces vagues de privatisation, ou d’autres victimes des réformes imposées par le FMI, ils se sont retrouvés au chômage ou sur le marché noir, et ont ainsi rejoint des mouvements protestataires civils ou des organisations et associations comme celle des Salafistes et des Frères musulmans…</p><p><strong>Vous dites que le printemps arabe se transforme en hiver, avec pour chaque pays ses propres démons, comment aujourd’hui ces pays et le monde arabe en général peuvent-ils en sortir?</strong></p><p>Le monde arabe n’en sortira pas de sitôt. L’hiver est un passage obligé dans la succession des saisons. Le vrai printemps succédera à la période actuelle. Mais pour que l’hiver ne soit pas très long et dur, une prise de conscience et une action efficace s’imposent, aussi bien sur le plan local qu’au niveau des puissances étrangères et institutions internationales concernées par la chose arabe. Dans un premier temps, il faudra surtout mettre fin aux conflits qui ravagent la région, de la Syrie, au Yémen, en passant par la Libye et l’Irak. En parallèle, un vaste chantier de réformes économiques doit être mis en place, axée prioritairement sur une transition vers des économies post-rentières et la création massive d’emplois pour endiguer le phénomène de chômage parmi les jeunes.</p><p><strong>«Le printemps arabe est peut-être mort aujourd’hui. Mais il peut encore être ressuscité» et cela passe nécessairement selon vous par «un printemps arabe socioéconomique». Pensez-vous qu’aujourd’hui, que les hommes politiques, autant que les citoyens du monde arabe et de Tunisie, ont suffisamment de maturité et de prise de conscience pour le mettre en mouvement?</strong></p><p>Il y a ceux qui n’ont pas conscience de ces problèmes ou se sentent simplement impuissants face à leur ampleur, notamment parmi les citoyens et les «victimes» de la triple exclusion politique, économique et sociale, y compris ceux qui se sont enrôlés dans des partis extrémistes. Il y a ceux qui en sont conscients, notamment les personnes au pouvoir, qui profitent néanmoins d’un système de privilèges et ne sont donc pas facilement prêts à y renoncer, même si le séisme des révoltes populaires et de la montée des mouvances radicales a provoqué une certaine brèche à ce niveau. C’est pourquoi un travail de sensibilisation aux vrais problèmes et leur médiatisation s’impose afin de vulgariser la conscience des vrais enjeux, tandis que la pression populaire civile devrait se poursuivre.</p><p><strong>L’Occident s’est-il trompé dans sa stratégie vis-à-vis du monde arabe?</strong></p><p>La stratégie d’«élimination à la racine» du terrorisme, adoptée par l’Occident, notamment par les Etats-Unis, a coûté la vie, depuis presque vingt ans maintenant, à plusieurs centaines de milliers de soldats et de civils et drainé plusieurs milliers de milliards de dollars. Les guerres en Afghanistan et en Irak auront coûté jusqu’à 6’000 milliards de dollars à l’horizon 2050. Le comble est que ces guerres n’ont non seulement échoué à éradiquer le terrorisme, représenté par Al-Qaïda jusqu’en 2014, mais ont engendré un monstre d’autant plus dangereux que celui qui l’a précédé.</p><p>Si ces mêmes montants alloués aux politiques de lutte anti-terroristes avaient été investis dans l’éducation, l’emploi et l’éradication de la pauvreté – le coût global des guerres en Afghanistan et en Irak est de 70 à 100 fois supérieur aux dépenses publiques allouées à l’éducation dans l’ensemble du monde arabe et équivaut au montant nécessaire pour éradiquer la faim à l’échelle planétaire –, il ne fait aucun doute que la configuration serait aujourd’hui de loin meilleure aussi bien dans la région MENA (<em>Moyen-Orient et Afrique du Nord, bplt</em>) qu’en Europe et ailleurs.</p><h4><sup>1</sup> Accords secrets signés le 16 mai 19161, après négociations entre novembre 1915 et mars 1916 entre la France et le Royaume-Uni (avec l'aval de l'Empire russe et du royaume d'Italie), prévoyant le partage du Proche-Orient à la fin de la guerre (espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l'océan Indien et la mer Caspienne) en plusieurs zones d'influence au profit de ces puissances, ce qui revenait à dépecer l'Empire ottoman. (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_Sykes-Picot">wikipédia</a>, bplt)</h4><h4><sup>2</sup> Lettre ouverte datée du 2 novembre 1917 dans laquelle le Royaume-Uni se déclare en faveur de l'établissement en Palestine d'un foyer national juif. Cette déclaration est considérée comme une des premières étapes dans la création de l'État d'Israël. (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_Balfour_de_1917">wikipédia</a>, bplt)</h4><p></p><hr><p></p><p>L'article original du <em>HuffPost Tunisie</em>:<a href="http://www.huffpostmaghreb.com/2017/11/10/livre-monde-arabe_n_18521376.html?utm_hp_ref=maghreb"> "Monde arabe: les racines du mal", le livre de Bachir El Khoury qui analyse les maux du monde arabe</a></p><p></p><hr><p></p><h4><img class="img-responsive " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w500/1510589521_bashirelkhoury570.jpg" width="311" height="498"><em>Monde arabe: les racines du mal</em>, Bachir El Khoury, Sindbad/Actes sud. Disponible en janvier 2018.</h4><p></p><hr><p></p><h2>Bachir El Khoury</h2><p>Economiste de formation, ancien responsable du service économique à <em>L'Orient le Jour</em>, Bachir El Khoury est le correspondant à Beyrouth de plusieurs médias dont le<em> Journal du Dimanche</em> et la <em>Tribune de Genève</em> et enseigne également à l'Université Saint-Joseph. Il a animé entre 2013 et 2015 le<a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"> blog "Economies et Révolutions"</a>. (bplt)<a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"><br></a></p><h4><a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1510696264_bachir.jpg" width="837" height="551"></a>Bachir El Khoury en séance de signatures, vendredi dernier, au salon du livre de Beyrouth.<a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"><br></a></h4><p><br><a href="http://economiesarabes.blog.lemonde.fr/"></a></p>',
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'subtitle' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. Pour la première fois, les juges laissent libre cours au développement d’une sorte de solipsisme radical, qui estime non seulement que la description des climats de la Terre peut se résumer à des impressions subjectives, mais qu’en plus ces climats peuvent être soumis à la seule volonté humaine.',
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<hr />
<p>Ce solipsisme contribue à la construction d’une illusion de masse encouragée par la substitution de modèles numériques virtuels à la réalité du monde. Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p>
<p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. Ce qui est visé, selon le jugement, serait l’incapacité de la Suisse à fournir une estimation des émissions de gaz à effet de serre futures afin de limiter «le réchauffement climatique» au fameux 1,5°C de l’Accord de Paris, valeur pourtant parfaitement arbitraire et dont les conséquences néfastes restent difficiles à identifier.</p>
<p>Mais qu’en est-il vraiment? Que disent les données des études démographiques sur la «violation du droit à la vie» que ce soit sous les climats helvétiques ou mondiaux? Le «réchauffement climatique» met-il réellement en péril le «droit à la vie» des femmes âgées de Suisse?</p>
<p>Premier constat, d’après les données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), l’espérance de vie à la naissance des femmes suisses est passée de 79,3 ans en 1982 à 85,4 ans en 2022, et ce malgré «l’urgence climatique», soit un gain de 56 jours par an depuis 1982. Sur la même période, l’espérance de vie à 65 ans, âge minimal de ces militantes, est passée de 18,4 à 22,5 années. Il ne semble pas que «le climat» ait eu des conséquences fâcheuses sur leur droit à la vie.</p>
<p>En recoupant les données de l’OFS et de Météosuisse, on peut observer la nature cyclique du nombre de décès par semaine des personnes de plus de 65 ans en Suisse, de 2010 à 2024 (Figure).</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713434705_capturedcran2024041812.04.17.png" class="img-responsive img-fluid center " width="784" height="554" /></p>
<p>La courbe noire pleine montre que les périodes hivernales restent les plus fatales, toutes causes confondues, pouvant parfois accroître la mortalité de 72% par rapport aux périodes estivales. Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p>
<p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. Ces militantes du climat semblent donc avoir convaincu la CEDH de porter la justice dans un monde fantasmé, où seules les températures excessivement chaudes président à la destinée des femmes, en invitant la Suisse à rejeter la réalité des faits.</p>
<p>Pourtant, dans le monde réel, faut-il le rappeler, l’espérance de vie des Suissesses n’a cessé d’augmenter, et ce malgré le «dérèglement climatique», et grâce, pour l’essentiel, aux énergies fossiles. De plus, les décès directement liés aux températures non-optimales s’amenuisent grâce en grande partie à des hivers plus cléments.</p>
<p>Dans le monde réel, un pays riche comme la Suisse permet à sa population de s’adapter aisément aux inconforts météorologiques (chauffage ou climatisation, isolations, facilité d’accès aux soins, énergie toujours disponible, etc.). A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p>
<p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. D’après la Banque Mondiale, les émissions de CO<sub>2</sub> par dollar de parité de pouvoir d’achat de PIB (ce qui ramène tous les pays du monde à une échelle comparable) placent la Suisse au 4ème<sup>.</sup>rang sur 181 pays, démontrant son efficience énergétique tout en maintenant des conditions de vie exceptionnelles, devant la Suède 6ème, la France 28ème, l’Allemagne 74ème (illustrant l’échec de l’<i>Energiewende</i>), les USA 126ème et la Chine 170ème.</p>
<p>Dans le monde réel, si la Suisse devait poursuivre ses émissions de CO<sub>2</sub> au niveau de 2019, elle ne contribuerait en 2100 qu’à une élévation de la température mondiale de quelques millièmes de degrés Celsius suivant les formules fournies par le GIEC. Ces valeurs restent non-mesurables et insignifiantes.</p>
<p>Mais les militantes du climat ne vivent pas dans le monde réel. Elles séjournent dans un univers peuplé d’illusions où seules les impressions du sujet construisent son milieu, où les slogans inconsistants balaient les données factuelles, où la Suisse parviendrait par sa «politique climatique» à influencer la régulation des climats de la Terre. Oui, la CEDH a bien approuvé la guerre contre la réalité menée par le climatisme, nouvelle religion de certaines classes aisées des pays les plus riches.</p>
<hr />
<h4><sup>1</sup>Masselot et al. (2023) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 7, e-271-281</h4>
<h4><sup>2</sup>Zhao et al. (2021) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 5, e415-425</h4>',
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'content' => '<p>Le commerce est d<span>irigé par un Cubano-américain, Frank Cuspinera Medina, dans le cadre d’une société enregistrée en Floride avec des capitaux de diverses sources, espagnoles notamment. Les vastes hangars se trouvent à une dizaine de kilomètres du centre, sans desserte de transports publics. Tous les jours, c’est là un défilé de belles voitures. Pas seulement à plaques diplomatiques. L’île en détresse a ses nouveaux riches. </span></p>
<p><span>«La plupart des Cubains seraient capables de faire un infarctus, tant il y a de nourriture et de produits qu’ils n’ont jamais vus de leur vie et qu’ils ne pourront jamais se payer», lâche une pharmacienne venue en side-car avec son mari «pour voir ça». Seuls moyens de paiement, le dollar, l’euro, les cartes Visa et Mastercard dans ces monnaies, non accessibles aux Cubains. Les amateurs de viande veillent à garder le ticket de caisse, car ailleurs il est interdit d’acheter du bœuf hors des restaurants et la police contrôle les voitures. Les caissières sont vêtues de tee-shirts estampillés Saint-Gobain, sans que personne ne sache quel est ici le rôle de cette entreprise. Toutes sont jeunes, blanches, souriantes. «Il n’y a qu’un jeune Noir, sûrement qu’ils s’en servent pour décharger les caisses», raille une cliente mulâtre. </span><span>Le Parti communiste au pouvoir a l’échine souple. Et s’accommode des arrangements les plus douteux.</span></p>
<hr />
<h4><a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/diplomarket-ce-supermarche-americain-qui-fait-fureur-a-cuba-20240414" target="_blank" rel="noopener">Lire l'article original</a></h4>',
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'content' => '<p style="text-align: justify;"><span>Ces derniers temps, la majorité bourgeoise a pris un cap discutable en matière de politique nationale : de plus en plus souvent, elle plie à sa volonté les plébiscites et les décisions démocratiques qui ne lui conviennent pas - au besoin contre les règles de procédure établies, la Constitution fédérale et la volonté du peuple. Oui à la démocratie - mais seulement au cas par cas ? On assiste ici à une dangereuse érosion de l'esprit démocratique.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>La démocratie ne vit pas seulement d'une constitution fondée sur le principe de la majorité, les droits fondamentaux et les droits de l'homme et des règles de procédure équitables ; la démocratie vit aussi du fait que l'esprit de la constitution est déterminant et guide les acteurs politiques. Les principes démocratiques doivent primer sur l'idéologie et le programme des partis. Si cette attitude fondamentale fait défaut, la démocratie risque de devenir lettre morte.</span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><strong><span>Mauvais perdants</span></strong></h3>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Le fait que cette attitude fondamentale ne soit pas au mieux en Suisse se manifeste de plus en plus souvent, par exemple récemment après le "oui" à la 13e rente AVS. Bien que plusieurs semaines se soient écoulées entre-temps, les partis bourgeois n'arrivent pas à se résigner à leur défaite, restent en mode combat, se moquent de la décision populaire et la torpillent avec des propositions de financement abracadabrantes. </span></p>
<p style="text-align: justify;"><span>Cela a culminé récemment avec la NZZ, qui a suggéré avec malice d'introduire une réglementation permettant de renoncer volontairement au supplément de rente. On pourrait considérer cette rhétorique comme une manière de surmonter la douleur des perdants de la votation. Mais ce serait sous-estimer le phénomène. Car le discrédit jeté par la majorité bourgeoise sur les plébiscites indésirables fait désormais partie du système. Elle sert à préparer le terrain pour pouvoir attaquer plus tard les verdicts démocratiques au Parlement, à justifier les manœuvres douteuses du point de vue de la politique nationale ainsi que les atermoiements juridiques nécessaires et à leur donner une apparence de légitimité.</span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><strong><span>Une évolution inquiétante</span></strong></h3>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Les six décisions prises récemment par le Conseil des États et le Conseil national illustrent ce que l'on entend par là. Il y a un an, le Parlement bourgeois a permis au Conseil fédéral, dans le cadre d'une procédure sans précédent, de signer le contrat d'achat des avions de combat F-35, alors qu'une initiative populaire était en suspens. Une votation a ainsi été empêchée de facto, un droit populaire a été invalidé et les opposants ont été refroidis.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>En 2021, le peuple a approuvé l'initiative sur les soins, contre la volonté des bourgeois. Elle est aujourd'hui encore bloquée. C'est précisément ce que les représentants du PLR avaient menacé de faire en cas de "oui" : repousser la décision du peuple aux calendes grecques. Le secteur des soins y voit à juste titre une violation de la Constitution.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Sous la pression de la majorité bourgeoise, le Conseil fédéral a présenté en janvier un projet visant à annuler les salaires minimaux cantonaux existants. Le Conseil fédéral lui-même a mis en garde contre cette intention et l'a qualifiée d'anticonstitutionnelle, car elle bafoue la souveraineté cantonale et le principe de légalité.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>En mars de cette année, la majorité bourgeoise a fait échouer la mise en œuvre de l'initiative populaire contre la publicité pour le tabac, approuvée en 2022, en voulant imposer des règles spéciales qui étaient en retrait par rapport à l'ancienne loi. Même les médias bourgeois ont parlé d'une violation de la volonté populaire.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>En mars également, les bourgeois ont troué la loi sur les résidences secondaires avec des exceptions si larges que le Conseil fédéral a dû constater que la Constitution était ici violée. La loi est issue d'une initiative populaire approuvée en 2012 et combattue par les bourgeois.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Enfin, lors de la dernière session, le Conseil des États a transmis une motion visant à contraindre toutes les communes à maintenir la vitesse maximale à 50 km/h dans les localités. Ce faisant, il a fait fi de deux piliers fondamentaux de notre système politique : l'autonomie communale et le fédéralisme.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>En somme, cela montre clairement ce qui se passe dans le camp bourgeois : une profonde réticence à accepter les défaites et à mettre en œuvre les décisions populaires de manière constructive avec l'adversaire politique, conformément à notre démocratie de concordance. Au lieu de cela, il place de plus en plus souvent ses propres objectifs et intérêts au-dessus des principes démocratiques et adapte les règles du jeu dans le processus de décision parlementaire à ce qui sert ses propres intérêts, grâce à de larges majorités.</span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><strong><span>Un opportunisme dangereux</span></strong></h3>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>L'attitude de plus en plus opportuniste de la majorité bourgeoise vis-à-vis des principes de la politique étatique est dangereuse. Elle conduit à des décisions à la légitimité douteuse, déforme la législation, dévalorise nos fondements constitutionnels et endommage la confiance de la population dans le processus politique et dans le fonctionnement des institutions démocratiques.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Cette situation est d'autant plus grave que la Suisse ne connaît pas de juridiction constitutionnelle. Le Tribunal fédéral n'est pas habilité à contrôler les lois fédérales. Le gardien suprême de la Constitution est le Parlement lui-même. Il est à la fois législateur et juge et peut, de fait, édicter des lois fédérales non conformes à la Constitution sans avoir à craindre de sanctions. Les membres du Conseil des États et du Conseil national portent donc une grande responsabilité et devraient d'autant plus être un exemple en matière de respect de la Constitution et d'esprit démocratique. Mais beaucoup ne le sont pas !</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Le fait que de nombreux représentants bourgeois du peuple se soient détournés de cette attitude fondamentale est probablement dû surtout à l'évolution politique des dernières décennies. Celle-ci est marquée par deux courants profonds : premièrement, une politique économique, fiscale, financière et sociale néolibérale prononcée et, deuxièmement, une radicalisation dans l'éventail des partis de droite avec un effet d'aspiration sur les partis bourgeois. Ces deux phénomènes ont affaibli la conscience de la nécessité du respect de la Constitution et de l'esprit démocratique.</span></p>
<h3 style="text-align: justify;"><strong><span>Néolibéraux et droits de l'Homme</span></strong></h3>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Tout d'abord, le néolibéralisme : il a conduit à un déchaînement du pouvoir économique, avec pour conséquence que l'État démocratique est devenu le serviteur de groupes et de branches et que le lobbying s'est propagé jusque dans les ramifications les plus fines de la politique et de l'administration. Il s'agit de moins en moins de concevoir la démocratie comme un moyen d'établir le bien commun et la justice, mais plutôt de la contourner et de la déformer pour mieux faire valoir des intérêts économiques particuliers.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Ensuite, concernant la radicalisation dans l'éventail politique de droite : elle a rendu les gens vulnérables à une mentalité autoritaire de "maître chez soi". L'importance de valeurs telles que les droits de l'homme et le principe d'égalité ainsi que le respect des principes de la politique d'État s'estompe. Dans ces milieux, la démocratie et la constitution ne sont invoquées que lorsqu'elles servent leur propre idéologie et peuvent être utilisées comme moyen pour atteindre une fin. Car ici aussi, seul compte le fait de s'imposer - avec ou contre la démocratie et la constitution.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>La démocratie au cas par cas, en fonction de l'idéologie, des intérêts particuliers et des calculs de pouvoir ? Et ce à une époque où il serait plus que jamais nécessaire de défendre les valeurs et les principes démocratiques ? Sombres perspectives.</span><o:p></o:p></p>
<hr />
<p style="text-align: justify;"><a href="https://www.infosperber.ch/politik/demokratie-ja-aber-nur-wenns-passt/" target="_blank" rel="noopener">L'article original publié sur Infosperber</a></p>',
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'content' => '<p>La guerre froide pourrait pourtant changer de casting. Le quotidien allemand <a href="https://www.welt.de/debatte/kommentare/article250858622/75-Jahre-Atlantische-Allianz-Danke-Nato.html" target="_blank" rel="noopener"><em>Die Welt</em></a> désigne en effet la Chine comme un futur «grand sujet» pour l’OTAN. «Le pays se remilitarise de plus en plus et gagne en assurance», ce qui inquiète l’Ouest. Or Berlin «freine des quatre fers» déplore le quotidien. Si l’Allemagne et les autres membres de l’alliance nouent bien des partenariats avec des Etats du Pacifique, et conduisent des exercices militaires dans la zone, ce n’est pas à la hauteur de la «menace chinoise».</p>
<p>La nature de cette menace? Elle n’est pas directement militaire mais plutôt économique. «Si Pékin était en mesure de bloquer les voies commerciales dans la mer de Chine méridionale, la circulation des marchandises en Europe serait en péril».</p>
<p>Autre question qui n’était pas d’actualité il y a 75 ans: la contribution des Etats-Unis. Le <a href="https://www.telegraph.co.uk/opinion/2024/04/03/europe-must-step-up-to-keep-the-us-in-nato/" target="_blank" rel="noopener"><em>Daily Telegraph</em></a> regrette que l’Europe ne fasse aucun effort pour s’assurer que le plus grand contributeur de l’OTAN ne s’en détache pas. L’heure est grave, puisqu’on parle de «passer à la caisse». La menace qui plane sur l’avenir de l’organisation n’est pas seulement la perspective d’une réélection de Donald Trump et de la ligne isolationniste, c’est celle du mécontentement général des Etats-Unis qui «contribuent bien plus à la défense de l’Europe que le continent ne le fait lui-même... On aurait tort de penser que l’aide américaine coule de source.»</p>
<p>Les dissensions internes sont toujours un péril sous-estimé, comme le confirme <a href="https://iq.lt/komentarai/issukiai-lietuvos-ateiciai-nato-ir-es/325771" target="_blank" rel="noopener">le mensuel lituanien </a><em><a href="https://iq.lt/komentarai/issukiai-lietuvos-ateiciai-nato-ir-es/325771" target="_blank" rel="noopener">IQ</a>. </em>Au cœur de la discorde, le droit de veto. Ce dernier a rendu «complètement inefficace» l’ONU, constate <em>IQ</em>, car le risque est constant de s’en servir pour exercer pressions ou intrigues diplomatiques. «Démocratie, droit international et Etat de droit forment le socle de l'alliance la plus puissante au monde. Mais un certain nombre d'Etats oublieux de ces valeurs tentent depuis longtemps de placer leur intérêts mercantilistes au-dessus des décisions cruciales de l’OTAN.»</p>
<p>Cela revient à poser une question essentielle, dans toute organisation: qu’est-ce qui lie entre eux les Etats membres? Au-delà de la coopération militaire, ce sont des «valeurs», celles mêmes que les pays occidentaux s’emploient à défendre en ce moment en Ukraine. La députée Renaissance Anne Genetet plaide même pour la création d’un centre de l’OTAN chargé de défendre de concert les valeurs occidentales et la «résilience démocratique». Dans <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-otan-a-75-ans-l-age-de-la-resilience-democratique-994366.html" target="_blank" rel="noopener">les colonnes de <em>La Tribune</em></a>, l’élue souligne que l’organisation «doit plus que jamais être notre bouclier face aux ennemis de la liberté».</p>
<p>Un avenir mitigé donc, porté par de beaux discours et une volonté de cohésion, entaché par des divergences internes, car tous les Etats membres ne voient pas toujours leurs intérêts converger. De manière plus pragmatique, le quotidien croate <em>Večernji list</em> remet l’église au centre du village: comment faire face à l’avenir lorsque manque la ressource principale, les soldats? </p>
<p>Le nombre de militaires actifs dans les différentes armées des pays membres est en effet en recul, jusqu’à atteindre un seuil inquiétant. Les solutions habituelles sont évoquées: augmenter les rémunérations, encourager les femmes à s’engager, améliorer les conditions de vie des soldats en proposant un meilleur équilibre entre l’armée et la vie de famille... et enfin, rétablir le service militaire obligatoire. On n’a rien sans rien. </p>',
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