Actuel / Peut-on encore gouverner à l’heure des réseaux sociaux?
Samedi 8 décembre, les «Gilets jaunes» ont manifesté dans les rues de Paris. © 2018 Bon pour la tête / Amèle Debey
Olivier Costa, Directeur de recherche au CNRS / Directeur des Etudes politiques au Collège d'Europe –, Sciences Po Bordeaux
Les autorités de l’État et les élus (et pas seulement ceux de la majorité, ne nous leurrons pas) font face à une défiance d’une ampleur inédite, à laquelle il est bien difficile de trouver une réponse, tant les revendications sont à la fois hétérogènes et individualistes (une par sous-catégorie de la population), irréalistes et contradictoires (davantage de services publics, mais moins d’impôts; plus de croissance, mais moins de concurrence; plus de sécurité, mais moins de règles), et déconnectées d’enjeux aussi fondamentaux que le réchauffement climatique ou l’endettement du pays.
Comment expliquer qu’on en soit arrivé là aussi vite? Le premier constat, c’est que la révolte des gilets jaunes n’est qu’un symptôme de plus d’un mal plus profond, celui qui a conduit au Brexit, à l’élection de Viktor Orban, Donald Trump, Matteo Salvini et Jair Bolsonaro, et qui garantit l’inamovibilité de Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan.
Les causes de ce syndrome sont connues: déclin des idéologies, affaiblissement des corps intermédiaires, pessimisme généralisé, peur du déclin (social, économique, industriel, environnemental, culturel, religieux… ), crainte des grands changements (mondialisation, migrations, concurrence internationale, terrorisme, métropolisation… ) et opportunisme des marchands de peur et de rêve, qui attisent l’angoisse et la haine, fonds de commerce de leurs prospères PME populistes et médiatiques.
A cela s’ajoutent la toute-puissance des réseaux sociaux, qui bousculent les logiques traditionnelles des mobilisations, de la communication, de l’information et du fonctionnement de l’espace public.
Mobilisation et action
D'abord, ils permettent, sans le moindre moyen financier, humain ou logistique, d’organiser à large échelle l’action de citoyens qui ne se connaissent pas. Sans les réseaux sociaux, il aurait été impossible à des quidams de coordonner si rapidement une protestation de cette ampleur. Le mouvement des gilets jaunes, parti de mobilisations très limitées et dépourvu de toute ressource, a pu acquérir en l’espace d’un mois une ampleur considérable, laissant penser à certains qu’il a désormais vocation à se substituer aux partis, aux syndicats, et même à la représentation nationale.
C’est le sens des trois pages de «directives» adressées par les gilets-jaunes aux parlementaires français, de leur appel à la démission du Président et à la dissolution de l’Assemblée, et de leur volonté de présenter désormais une liste «gilets jaunes» aux élections européennes.
Ensuite, les réseaux sociaux favorisent un discours de protestation et de révolte. Chacun a pu s’en apercevoir: il est presque impossible d’y entamer un dialogue serein et argumenté. Facebook ou Twitter, c’est émotion contre émotion, colère contre colère, indignation contre indignation, outrance contre outrance. Il s’ensuit, soit un dialogue de sourds entre des gens peu capables d’écoute, sans cesse aiguillonnés par des trolls; soit la constitution de sphères qui s’autonomisent, peuplées de gens qui partagent les mêmes convictions, ici des citoyens qui pensent que le gouvernement fait une politique pour le seul bénéfice des banquiers, là d’autres qui estiment que les gilets jaunes sont tous des ahuris.
Primat de l’émotion sur les faits
Ce primat de l’émotion a gagné la sphère publique et médiatique. Ce qu’on entend, ce ne sont pas des arguments ou des idées, mais des émotions («je suis en colère», «y en a marre») et des perceptions («je pense que je gagne moins», «on se moque de nous»). Les faits n’ont plus grande importance. C’est le règne de la croyance sur la connaissance: croyance religieuse ou croyance sociale, il en va de même. Que 2 et 2 fassent 4 importe peu si certains pensent que c’est 5 ou 7. Insister sur le fait que l’arithmétique établit clairement que c’est 4 sera perçu comme du mépris ou de la condescendance…
La légitimité d’un mouvement semblant se mesurer au degré d’émotion de ses protagonistes, ils sont incités à l’outrance et à la surenchère dans les arguments, jusqu’à légitimer la violence: «Monsieur le juge, j’ai lancé un pavé sur le CRS, mais, faut comprendre, j’étais très, très en colère.»
Ce qui frappe aussi, outre les CRS et les casseurs, c’est un dévoiement de la logique démocratique. Celle-ci ne doit, en principe, s’appliquer qu’à des choix politiques: le peuple décide de faire ceci ou cela. Mais, de plus en plus, elle s’applique aussi à bien d’autres domaines: à l’art (Maître Gims est le meilleur chanteur, car le plus écouté) ou même à la science (les Américains pensent que le réchauffement climatique n’est pas d’origine humaine ou que la Terre a 5000 ans, et il faut respecter cela).
Qu’une majorité de citoyens viennent à croire que l’on peut s’abstenir de rembourser la dette de la France et que cela n’aura aucune conséquence, et cela devient une vérité. Que l’idée de doubler le SMIC soit largement soutenue, et ça devient option réaliste. La faisabilité des réformes n’est plus un paramètre pertinent.
Au nom d’une démocratie caricaturée
Au nom d’une démocratie mal comprise et des impératifs de l’audimat, sur quelque sujet que ce soit, les médias consultent d’ailleurs l’homme de la rue ou le chroniqueur atrabilaire, plutôt que le savant. Sur le réchauffement climatique, la dangerosité du glyphosate ou la croissance économique, l’avis du citoyen vaut bien celui du Prix Nobel. Prétendre le contraire, c’est mépriser le peuple.
Au nom d’une démocratie caricaturée, on estime ainsi que l’avis de chaque citoyen, en toute chose, a la même valeur. On considère aussi qu’une foule vociférante est le peuple souverain. Que les gilets-jaunes aient voté à plus de 60% pour le Rassemblement national et la France Insoumise (sondage Slate, 4 décembre), et ne représentent donc qu’une partie minoritaire de l’électorat, importe peu.
S’ajoute à cela la diffusion sans cesse plus grande des fake news par les réseaux sociaux: on aura rarement vu autant d’affirmations péremptoires et d’informations farfelues alimenter un mouvement social. Il est quasiment impossible d’endiguer ce flot, en raison du caractère émotionnel de la mobilisation, de l’hermétisme des sphères des réseaux sociaux qui ne diffusent que des informations conformes à la pensée qui y domine, et du temps nécessaire à la dénonciation d’une fake news.
S’il faut 10 secondes pour affirmer (comme on l’a beaucoup entendu) que la France n’a plus de Constitution ou qu’elle va être «vendue» à l’ONU, il faut 10 minutes pour expliquer d’où viennent ces idées grotesques et pourquoi elles sont fausses.
En outre, la croyance prenant le pas sur la vérité, et la fin justifiant les moyens, quand bien même on démontrerait que, non, la police n’a pas tué 15 personnes lors de telle manifestation, le mobilisé n’en démordra pas, au nom du «ça pourrait être vrai, alors on peut le dire» ou du «les experts et les journalistes sont aux ordres du pouvoir et des banques».
Ce rapport élastique à la vérité, qui est une constante du discours des populistes, se diffuse désormais à grande vitesse, y compris parmi des citoyens a priori accessibles à la raison.
Un terrain de jeu idéal pour manipuler l’opinion
Les réseaux sociaux sont aussi un terrain de jeu idéal pour les organisations ou officines qui cherchent à manipuler l’opinion. On sait aujourd’hui le rôle qu’elles ont joué dans la campagne du Brexit ou l’élection de Donald Trump. On connaît le soutien indirect apporté par la Russie à des candidats pendant la campagne présidentielle de 2017 en France.
On en saura sans doute plus d’ici quelques semaines sur le rôle des réseaux antirépublicains d’extrême gauche ou droite, royalistes, anarchistes ou ultra-catholiques, dans la mobilisation des gilets jaunes (ce qui n’implique pas, bien entendu, qu’ils souscrivent à leurs idées).
Il ne serait guère surprenant d’apprendre que des pays qui voient d’un mauvais œil l’existence d’un pays stable et progressiste comme la France – et d’un ensemble pacifique comme l’Union – se sont mobilisés sur le sujet aussi, pour favoriser la diffusion des revendications des gilets jaunes et soutenir leur mobilisation.
Effets de contamination et de surenchère
Les réseaux sociaux, comme certains médias à leur remorque, favorisent aussi les effets de contamination et la surenchère: les gilets jaunes protestent contre la hausse du gazole et obtiennent un moratoire? Qu’à cela ne tienne, lançons-nous (lycéens, étudiants, agriculteurs, ambulanciers…) dans la bataille pour obtenir nous aussi la prise en compte de nos revendications, ou du moins éviter d’être les victimes collatérales des concessions obtenues par les autres – car chacun sait qu’il faut que quelqu’un paie.
Les partis d’opposition et les syndicats sont déconcertés par un mouvement qui leur échappe? A défaut de pouvoir en prendre le contrôle, mobilisons nos troupes pour surfer sur la vague du mécontentement et profiter de la faiblesse d’un gouvernement aux abois.
La logique d’argumentation qui domine les réseaux sociaux et les médias d’information et qui continue à travers ces plateaux où des chroniqueurs viennent mesurer leur capacité respective d’outrance et de démagogie, conduit à un relativisme du savoir et de la compétence qu’on a vu poindre aux États-Unis dès les années 1990. Les experts ne savent rien. Les (bons) journalistes sont des menteurs. Les élus des voleurs. Les ministres des incompétents…
On reconnaît, pour un temps encore, la compétence de l’électricien, du pilote d’avion ou du chirurgien (personne ne souhaitant qu’un citoyen lambda s’occupe de son installation électrique, prenne les commandes de l’Airbus où il est installé ou l’opère du genou), mais le haut fonctionnaire est un sot, le professeur un farfelu, le parlementaire un imposteur.
On méprise tout autant l’engagement associatif, partisan, syndical, et l’on nie la compétence et la légitimité de ceux qui donnent de leur temps, toute l’année durant, pour faire avancer des idées et des causes, et savent comment mener une mobilisation et une négociation. Aujourd’hui, celui qui crie le plus fort aura le dessus, quelles que soient ses revendications. L’idée est que, puisque tous les responsables et élus sont réputés avoir échoué à régler les problèmes (réels ou fantasmés) de la France, Jacline Mouraud ou n’importe quel porteur de gilet-jaune ne peut pas faire pire. Ils sont le peuple.
Face à tout cela, que pèsent la raison et l’argumentation? Rien, ou si peu.
Le gouvernement a commencé à faire des concessions aux gilets jaunes, mais les agriculteurs et les routiers, qui vont subir par ricochet les conséquences de ces décisions, se mobilisent à leur tour. Les lycéens et les étudiants en profitent pour lancer leur révolution quinquennale, avec une certaine fascination pour les méthodes extrêmes de certains gilets jaunes.
Le chacun pour soi, plutôt que l’intérêt général
Comment gérer une société dans laquelle chacun veut plus sans se soucier du fait que toute dépense publique doit être financée et que toute décision a des conséquences négatives? Une société dans laquelle le sens de l’intérêt général a cédé la place au chacun pour soi? Une société où l’on ne se soucie plus de la cohérence des discours et des revendications? Une société où les citoyens s’en remettent au premier vendeur d’huile de serpent venu?
L’optimiste pensera que les apprentis révolutionnaires vont tôt ou tard être confrontés à la réalité, aux difficultés bien concrètes de l’art de gouverner et de faire des arbitrages. Mais c’est oublier que, dans un système où priment émotions, impressions et semi-vérités, il est facile de renvoyer la responsabilité de ses échecs sur d’autres.
Observons les populistes de tout poil partout dans le monde: leur impuissance est toujours imputée aux technocrates qui les empêchent de mettre en œuvre leur programme, aux journalistes qui déforment la réalité, ou à des groupes précis de la population qui nuisent aux intérêts du peuple (Mexicains, Polonais, réfugiés ou banquiers, peu importe).
Il faut garder à l’esprit qu’un nombre croissant de citoyens, en France comme ailleurs, pensent qu’il existe des systèmes politiques préférables à la démocratie (on ne dit jamais lesquels) et sont fascinés par les leaders autoritaires ou populistes. Les responsables qui persistent à attiser le conflit ont tort d’estimer que la démocratie est un acquis définitif et qu’ils seront capables de ramasser la mise électorale au terme de la crise. Les premiers sondages montrent qu’ils n’en tirent aucun profit. Ils ne font que le jeu des groupuscules antirépublicains qui ont compris très tôt le parti qu’ils pouvait tirer de ce mouvement social.
Cet article est paru à l'origine sur le site The Conversation. Lisez l'article original.
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Le premier constat, c’est que la révolte des gilets jaunes n’est qu’un symptôme de plus d’<a href="https://theconversation.com/et-le-vainqueur-est-le-populisme-76568">un mal plus profond</a>, celui qui a conduit au Brexit, à l’élection de Viktor Orban, Donald Trump, Matteo Salvini et Jair Bolsonaro, et qui garantit l’inamovibilité de Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. </p> <p><a href="https://theconversation.com/17-novembre-le-jour-des-malcontents-106966">Les causes de ce syndrome sont connues</a>: déclin des idéologies, affaiblissement des corps intermédiaires, pessimisme généralisé, peur du déclin (social, économique, industriel, environnemental, culturel, religieux… ), crainte des grands changements (mondialisation, migrations, concurrence internationale, terrorisme, métropolisation… ) et opportunisme des marchands de peur et de rêve, qui attisent l’angoisse et la haine, fonds de commerce de leurs prospères PME populistes et médiatiques.</p> <p>A cela s’ajoutent la toute-puissance des réseaux sociaux, qui bousculent les logiques traditionnelles des mobilisations, de la communication, de l’information et du fonctionnement de l’espace public.<br><br></p> <h3>Mobilisation et action</h3> <p>D'abord, ils permettent, sans le moindre moyen financier, humain ou logistique, d’organiser à large échelle l’action de citoyens qui ne se connaissent pas. Sans les réseaux sociaux, il aurait été impossible à des quidams de coordonner si rapidement une protestation de cette ampleur. Le mouvement des gilets jaunes, parti de mobilisations très limitées et dépourvu de toute ressource, a pu acquérir en l’espace d’un mois une ampleur considérable, laissant penser à certains qu’il a désormais vocation à se substituer aux partis, aux syndicats, et même à la représentation nationale. </p> <p>C’est le sens des <a href="https://fr.scribd.com/document/394450377/Les-revendications-des-gilets-jaunes#from_embed">trois pages de «directives» adressées par les gilets-jaunes</a> aux parlementaires français, de leur appel à la démission du Président et à la dissolution de l’Assemblée, et de leur volonté de présenter désormais une liste «gilets jaunes» aux élections européennes.</p> <p>Ensuite, les réseaux sociaux favorisent <a href="https://theconversation.com/lensauvagement-du-web-95190">un discours de protestation et de révolte</a>. Chacun a pu s’en apercevoir: il est presque impossible d’y entamer un dialogue serein et argumenté. Facebook ou Twitter, c’est émotion contre émotion, <a href="https://theconversation.com/la-colere-jaune-une-passion-personnelle-108023">colère contre colère</a>, indignation contre indignation, outrance contre outrance. Il s’ensuit, soit un dialogue de sourds entre des gens peu capables d’écoute, sans cesse aiguillonnés par des trolls; soit la constitution de sphères qui s’autonomisent, peuplées de gens qui partagent les mêmes convictions, ici des citoyens qui pensent que le gouvernement fait une politique pour le seul bénéfice des banquiers, là d’autres qui estiment que les gilets jaunes sont tous des ahuris.<br><br></p> <h3>Primat de l’émotion sur les faits</h3> <p>Ce primat de l’émotion a gagné la sphère publique et médiatique. Ce qu’on entend, ce ne sont pas des arguments ou des idées, mais <a href="https://theconversation.com/debat-la-citoyennete-du-nombril-des-gilets-jaunes-107313">des émotions</a> («je suis en colère», «y en a marre») et des perceptions («je pense que je gagne moins», «on se moque de nous»). Les faits n’ont plus grande importance. C’est le règne de la croyance sur la connaissance: croyance religieuse ou croyance sociale, il en va de même. Que 2 et 2 fassent 4 importe peu si certains pensent que c’est 5 ou 7. Insister sur le fait que l’arithmétique établit clairement que c’est 4 sera perçu comme du mépris ou de la condescendance… </p> <p>La légitimité d’un mouvement semblant se mesurer au degré d’émotion de ses protagonistes, ils sont incités à l’outrance et à la surenchère dans les arguments, jusqu’à légitimer la violence: «Monsieur le juge, j’ai lancé un pavé sur le CRS, mais, faut comprendre, j’étais très, très en colère.»</p> <p>Ce qui frappe aussi, outre les CRS et les casseurs, c’est un dévoiement de la logique démocratique. Celle-ci ne doit, en principe, s’appliquer qu’à des choix politiques: le peuple décide de faire ceci ou cela. Mais, de plus en plus, elle s’applique aussi à bien d’autres domaines: à l’art (Maître Gims est le meilleur chanteur, car le plus écouté) ou même à la science (les Américains pensent que le réchauffement climatique n’est pas d’origine humaine ou que la Terre a 5000 ans, et il faut respecter cela). </p> <p>Qu’une majorité de citoyens viennent à croire que l’on peut s’abstenir de rembourser la dette de la France et que cela n’aura aucune conséquence, et cela devient une vérité. Que l’idée de doubler le SMIC soit largement soutenue, et ça devient option réaliste. La faisabilité des réformes n’est plus un paramètre pertinent.<br><br></p> <h3>Au nom d’une démocratie caricaturée</h3> <p>Au nom d’une démocratie mal comprise et des impératifs de l’audimat, sur quelque sujet que ce soit, les médias consultent d’ailleurs l’homme de la rue ou le chroniqueur atrabilaire, plutôt que le savant. Sur le réchauffement climatique, la dangerosité du glyphosate ou la croissance économique, l’avis du citoyen vaut bien celui du Prix Nobel. Prétendre le contraire, c’est mépriser le peuple. </p> <p>Au nom d’une démocratie caricaturée, on estime ainsi que l’avis de chaque citoyen, en toute chose, a la même valeur. On considère aussi qu’une foule vociférante est le peuple souverain. Que les gilets-jaunes aient voté à plus de 60% pour le Rassemblement national et la France Insoumise (<a href="http://www.slate.fr/story/170766/qui-sont-gilets-jaunes-et-soutiens-portrait-robot-categories-socio-professionnelles">sondage Slate, 4 décembre</a>), et ne représentent donc qu’une partie minoritaire de l’électorat, importe peu.</p> <p>S’ajoute à cela la diffusion sans cesse plus grande des fake news par les réseaux sociaux: on aura rarement vu autant d’affirmations péremptoires et d’informations farfelues alimenter un mouvement social. Il est quasiment impossible d’endiguer ce flot, en raison du caractère émotionnel de la mobilisation, de l’hermétisme des sphères des réseaux sociaux qui ne diffusent que des informations conformes à la pensée qui y domine, et du temps nécessaire à la dénonciation d’une fake news. <br><br></p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/Q0DuAb7sWY8?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe><br><br> </figure> <p>S’il faut 10 secondes pour affirmer (comme on l’a beaucoup entendu) que la France n’a plus de Constitution ou qu’elle va être «vendue» à l’ONU, il faut 10 minutes pour expliquer d’où viennent ces idées grotesques et pourquoi elles sont fausses. </p> <p>En outre, la croyance prenant le pas sur la vérité, et la fin justifiant les moyens, quand bien même on démontrerait que, non, la police n’a pas tué 15 personnes lors de telle manifestation, le mobilisé n’en démordra pas, au nom du «ça pourrait être vrai, alors on peut le dire» ou du «les experts et les journalistes sont aux ordres du pouvoir et des banques». </p> <p>Ce rapport élastique à la vérité, qui est une constante du discours des populistes, se diffuse désormais à grande vitesse, y compris parmi des citoyens a priori accessibles à la raison.<br><br></p> <h3>Un terrain de jeu idéal pour manipuler l’opinion</h3> <p>Les réseaux sociaux sont aussi un terrain de jeu idéal pour les organisations ou officines qui cherchent à manipuler l’opinion. On sait aujourd’hui le rôle qu’elles ont joué dans la campagne du Brexit ou l’élection de Donald Trump. On connaît le soutien indirect apporté par la Russie à des candidats pendant la campagne présidentielle de 2017 en France. </p> <p>On en saura sans doute plus d’ici quelques semaines sur le rôle des réseaux antirépublicains d’extrême gauche ou droite, royalistes, anarchistes ou ultra-catholiques, dans la mobilisation des gilets jaunes (ce qui n’implique pas, bien entendu, qu’ils souscrivent à leurs idées).</p> <p>Il ne serait guère surprenant d’apprendre que des pays qui voient d’un mauvais œil l’existence d’un pays stable et progressiste comme la France – et d’un ensemble pacifique comme l’Union – se sont mobilisés sur le sujet aussi, pour favoriser la diffusion des revendications des gilets jaunes et soutenir leur mobilisation.<br><br></p> <h3>Effets de contamination et de surenchère</h3> <p>Les réseaux sociaux, comme certains médias à leur remorque, favorisent aussi les effets de contamination et la surenchère: les gilets jaunes protestent contre la hausse du gazole et obtiennent un moratoire? 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Les experts ne savent rien. <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-et-journalistes-aux-sources-du-rejet-107901">Les (bons) journalistes sont des menteurs</a>. Les élus des voleurs. Les ministres des incompétents… </p> <p>On reconnaît, pour un temps encore, la compétence de l’électricien, du pilote d’avion ou du chirurgien (personne ne souhaitant qu’un citoyen lambda s’occupe de son installation électrique, prenne les commandes de l’Airbus où il est installé ou l’opère du genou), mais le haut fonctionnaire est un sot, le professeur un farfelu, le parlementaire un imposteur. </p> <p>On méprise tout autant l’engagement associatif, partisan, syndical, et l’on nie la compétence et la légitimité de ceux qui donnent de leur temps, toute l’année durant, pour faire avancer des idées et des causes, et savent comment mener une mobilisation et une négociation. Aujourd’hui, celui qui crie le plus fort aura le dessus, quelles que soient ses revendications. L’idée est que, puisque tous les responsables et élus sont réputés avoir échoué à régler les problèmes (réels ou fantasmés) de la France, Jacline Mouraud ou n’importe quel porteur de gilet-jaune ne peut pas faire pire. Ils sont le peuple. <br><br></p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/VCQ2Ru-k0lo?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe> </figure> <p><br>Face à tout cela, que pèsent la raison et l’argumentation? Rien, ou si peu.</p> <p>Le gouvernement a commencé à faire des concessions aux gilets jaunes, mais les agriculteurs et les routiers, qui vont subir par ricochet les conséquences de ces décisions, se mobilisent à leur tour. 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Le premier constat, c’est que la révolte des gilets jaunes n’est qu’un symptôme de plus d’<a href="https://theconversation.com/et-le-vainqueur-est-le-populisme-76568">un mal plus profond</a>, celui qui a conduit au Brexit, à l’élection de Viktor Orban, Donald Trump, Matteo Salvini et Jair Bolsonaro, et qui garantit l’inamovibilité de Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. </p> <p><a href="https://theconversation.com/17-novembre-le-jour-des-malcontents-106966">Les causes de ce syndrome sont connues</a>: déclin des idéologies, affaiblissement des corps intermédiaires, pessimisme généralisé, peur du déclin (social, économique, industriel, environnemental, culturel, religieux… ), crainte des grands changements (mondialisation, migrations, concurrence internationale, terrorisme, métropolisation… ) et opportunisme des marchands de peur et de rêve, qui attisent l’angoisse et la haine, fonds de commerce de leurs prospères PME populistes et médiatiques.</p> <p>A cela s’ajoutent la toute-puissance des réseaux sociaux, qui bousculent les logiques traditionnelles des mobilisations, de la communication, de l’information et du fonctionnement de l’espace public.<br><br></p> <h3>Mobilisation et action</h3> <p>D'abord, ils permettent, sans le moindre moyen financier, humain ou logistique, d’organiser à large échelle l’action de citoyens qui ne se connaissent pas. Sans les réseaux sociaux, il aurait été impossible à des quidams de coordonner si rapidement une protestation de cette ampleur. Le mouvement des gilets jaunes, parti de mobilisations très limitées et dépourvu de toute ressource, a pu acquérir en l’espace d’un mois une ampleur considérable, laissant penser à certains qu’il a désormais vocation à se substituer aux partis, aux syndicats, et même à la représentation nationale. </p> <p>C’est le sens des <a href="https://fr.scribd.com/document/394450377/Les-revendications-des-gilets-jaunes#from_embed">trois pages de «directives» adressées par les gilets-jaunes</a> aux parlementaires français, de leur appel à la démission du Président et à la dissolution de l’Assemblée, et de leur volonté de présenter désormais une liste «gilets jaunes» aux élections européennes.</p> <p>Ensuite, les réseaux sociaux favorisent <a href="https://theconversation.com/lensauvagement-du-web-95190">un discours de protestation et de révolte</a>. Chacun a pu s’en apercevoir: il est presque impossible d’y entamer un dialogue serein et argumenté. Facebook ou Twitter, c’est émotion contre émotion, <a href="https://theconversation.com/la-colere-jaune-une-passion-personnelle-108023">colère contre colère</a>, indignation contre indignation, outrance contre outrance. Il s’ensuit, soit un dialogue de sourds entre des gens peu capables d’écoute, sans cesse aiguillonnés par des trolls; soit la constitution de sphères qui s’autonomisent, peuplées de gens qui partagent les mêmes convictions, ici des citoyens qui pensent que le gouvernement fait une politique pour le seul bénéfice des banquiers, là d’autres qui estiment que les gilets jaunes sont tous des ahuris.<br><br></p> <h3>Primat de l’émotion sur les faits</h3> <p>Ce primat de l’émotion a gagné la sphère publique et médiatique. Ce qu’on entend, ce ne sont pas des arguments ou des idées, mais <a href="https://theconversation.com/debat-la-citoyennete-du-nombril-des-gilets-jaunes-107313">des émotions</a> («je suis en colère», «y en a marre») et des perceptions («je pense que je gagne moins», «on se moque de nous»). Les faits n’ont plus grande importance. C’est le règne de la croyance sur la connaissance: croyance religieuse ou croyance sociale, il en va de même. Que 2 et 2 fassent 4 importe peu si certains pensent que c’est 5 ou 7. Insister sur le fait que l’arithmétique établit clairement que c’est 4 sera perçu comme du mépris ou de la condescendance… </p> <p>La légitimité d’un mouvement semblant se mesurer au degré d’émotion de ses protagonistes, ils sont incités à l’outrance et à la surenchère dans les arguments, jusqu’à légitimer la violence: «Monsieur le juge, j’ai lancé un pavé sur le CRS, mais, faut comprendre, j’étais très, très en colère.»</p> <p>Ce qui frappe aussi, outre les CRS et les casseurs, c’est un dévoiement de la logique démocratique. Celle-ci ne doit, en principe, s’appliquer qu’à des choix politiques: le peuple décide de faire ceci ou cela. Mais, de plus en plus, elle s’applique aussi à bien d’autres domaines: à l’art (Maître Gims est le meilleur chanteur, car le plus écouté) ou même à la science (les Américains pensent que le réchauffement climatique n’est pas d’origine humaine ou que la Terre a 5000 ans, et il faut respecter cela). </p> <p>Qu’une majorité de citoyens viennent à croire que l’on peut s’abstenir de rembourser la dette de la France et que cela n’aura aucune conséquence, et cela devient une vérité. Que l’idée de doubler le SMIC soit largement soutenue, et ça devient option réaliste. La faisabilité des réformes n’est plus un paramètre pertinent.<br><br></p> <h3>Au nom d’une démocratie caricaturée</h3> <p>Au nom d’une démocratie mal comprise et des impératifs de l’audimat, sur quelque sujet que ce soit, les médias consultent d’ailleurs l’homme de la rue ou le chroniqueur atrabilaire, plutôt que le savant. Sur le réchauffement climatique, la dangerosité du glyphosate ou la croissance économique, l’avis du citoyen vaut bien celui du Prix Nobel. Prétendre le contraire, c’est mépriser le peuple. </p> <p>Au nom d’une démocratie caricaturée, on estime ainsi que l’avis de chaque citoyen, en toute chose, a la même valeur. On considère aussi qu’une foule vociférante est le peuple souverain. Que les gilets-jaunes aient voté à plus de 60% pour le Rassemblement national et la France Insoumise (<a href="http://www.slate.fr/story/170766/qui-sont-gilets-jaunes-et-soutiens-portrait-robot-categories-socio-professionnelles">sondage Slate, 4 décembre</a>), et ne représentent donc qu’une partie minoritaire de l’électorat, importe peu.</p> <p>S’ajoute à cela la diffusion sans cesse plus grande des fake news par les réseaux sociaux: on aura rarement vu autant d’affirmations péremptoires et d’informations farfelues alimenter un mouvement social. Il est quasiment impossible d’endiguer ce flot, en raison du caractère émotionnel de la mobilisation, de l’hermétisme des sphères des réseaux sociaux qui ne diffusent que des informations conformes à la pensée qui y domine, et du temps nécessaire à la dénonciation d’une fake news. <br><br></p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/Q0DuAb7sWY8?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe><br><br> </figure> <p>S’il faut 10 secondes pour affirmer (comme on l’a beaucoup entendu) que la France n’a plus de Constitution ou qu’elle va être «vendue» à l’ONU, il faut 10 minutes pour expliquer d’où viennent ces idées grotesques et pourquoi elles sont fausses. </p> <p>En outre, la croyance prenant le pas sur la vérité, et la fin justifiant les moyens, quand bien même on démontrerait que, non, la police n’a pas tué 15 personnes lors de telle manifestation, le mobilisé n’en démordra pas, au nom du «ça pourrait être vrai, alors on peut le dire» ou du «les experts et les journalistes sont aux ordres du pouvoir et des banques». </p> <p>Ce rapport élastique à la vérité, qui est une constante du discours des populistes, se diffuse désormais à grande vitesse, y compris parmi des citoyens a priori accessibles à la raison.<br><br></p> <h3>Un terrain de jeu idéal pour manipuler l’opinion</h3> <p>Les réseaux sociaux sont aussi un terrain de jeu idéal pour les organisations ou officines qui cherchent à manipuler l’opinion. On sait aujourd’hui le rôle qu’elles ont joué dans la campagne du Brexit ou l’élection de Donald Trump. On connaît le soutien indirect apporté par la Russie à des candidats pendant la campagne présidentielle de 2017 en France. </p> <p>On en saura sans doute plus d’ici quelques semaines sur le rôle des réseaux antirépublicains d’extrême gauche ou droite, royalistes, anarchistes ou ultra-catholiques, dans la mobilisation des gilets jaunes (ce qui n’implique pas, bien entendu, qu’ils souscrivent à leurs idées).</p> <p>Il ne serait guère surprenant d’apprendre que des pays qui voient d’un mauvais œil l’existence d’un pays stable et progressiste comme la France – et d’un ensemble pacifique comme l’Union – se sont mobilisés sur le sujet aussi, pour favoriser la diffusion des revendications des gilets jaunes et soutenir leur mobilisation.<br><br></p> <h3>Effets de contamination et de surenchère</h3> <p>Les réseaux sociaux, comme certains médias à leur remorque, favorisent aussi les effets de contamination et la surenchère: les gilets jaunes protestent contre la hausse du gazole et obtiennent un moratoire? Qu’à cela ne tienne, lançons-nous (lycéens, étudiants, agriculteurs, ambulanciers…) dans la bataille pour obtenir nous aussi la prise en compte de nos revendications, ou du moins éviter d’être les victimes collatérales des concessions obtenues par les autres – car chacun sait qu’il faut que quelqu’un paie. </p> <p>Les partis d’opposition et les syndicats sont déconcertés par un mouvement qui leur échappe? A défaut de pouvoir en prendre le contrôle, mobilisons nos troupes pour surfer sur la vague du mécontentement et profiter de la faiblesse d’un gouvernement aux abois.</p> <p>La logique d’argumentation qui domine les réseaux sociaux et les médias d’information et qui continue à travers ces plateaux où des chroniqueurs viennent mesurer leur capacité respective d’outrance et de démagogie, conduit à un relativisme du savoir et de la compétence qu’on a vu poindre aux États-Unis dès les années 1990. Les experts ne savent rien. <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-et-journalistes-aux-sources-du-rejet-107901">Les (bons) journalistes sont des menteurs</a>. Les élus des voleurs. Les ministres des incompétents… </p> <p>On reconnaît, pour un temps encore, la compétence de l’électricien, du pilote d’avion ou du chirurgien (personne ne souhaitant qu’un citoyen lambda s’occupe de son installation électrique, prenne les commandes de l’Airbus où il est installé ou l’opère du genou), mais le haut fonctionnaire est un sot, le professeur un farfelu, le parlementaire un imposteur. </p> <p>On méprise tout autant l’engagement associatif, partisan, syndical, et l’on nie la compétence et la légitimité de ceux qui donnent de leur temps, toute l’année durant, pour faire avancer des idées et des causes, et savent comment mener une mobilisation et une négociation. Aujourd’hui, celui qui crie le plus fort aura le dessus, quelles que soient ses revendications. L’idée est que, puisque tous les responsables et élus sont réputés avoir échoué à régler les problèmes (réels ou fantasmés) de la France, Jacline Mouraud ou n’importe quel porteur de gilet-jaune ne peut pas faire pire. Ils sont le peuple. <br><br></p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/VCQ2Ru-k0lo?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe> </figure> <p><br>Face à tout cela, que pèsent la raison et l’argumentation? Rien, ou si peu.</p> <p>Le gouvernement a commencé à faire des concessions aux gilets jaunes, mais les agriculteurs et les routiers, qui vont subir par ricochet les conséquences de ces décisions, se mobilisent à leur tour. Les lycéens et les étudiants en profitent pour lancer leur révolution quinquennale, avec une certaine fascination pour les méthodes extrêmes de certains gilets jaunes. <br><br></p> <h3>Le chacun pour soi, plutôt que l’intérêt général</h3> <p>Comment gérer une société dans laquelle chacun veut plus sans se soucier du fait que toute dépense publique doit être financée et que toute décision a des conséquences négatives? Une société dans laquelle le sens de l’intérêt général a cédé la place au chacun pour soi? Une société où l’on ne se soucie plus de la cohérence des discours et des revendications? Une société où les citoyens s’en remettent au premier vendeur d’huile de serpent venu? </p> <p>L’optimiste pensera que les apprentis révolutionnaires vont tôt ou tard être confrontés à la réalité, aux difficultés bien concrètes de l’art de gouverner et de faire des arbitrages. Mais c’est oublier que, dans un système où priment émotions, impressions et semi-vérités, il est facile de renvoyer la responsabilité de ses échecs sur d’autres. </p> <p>Observons les populistes de tout poil partout dans le monde: leur impuissance est toujours imputée aux technocrates qui les empêchent de mettre en œuvre leur programme, aux journalistes qui déforment la réalité, ou à des groupes précis de la population qui nuisent aux intérêts du peuple (Mexicains, Polonais, réfugiés ou banquiers, peu importe).</p> <p>Il faut garder à l’esprit qu’un nombre croissant de citoyens, en France comme ailleurs, pensent qu’il existe des systèmes politiques préférables à la démocratie (on ne dit jamais lesquels) et sont fascinés par les leaders autoritaires ou populistes. Les responsables qui persistent à attiser le conflit ont tort d’estimer que la démocratie est un acquis définitif et qu’ils seront capables de ramasser la mise électorale au terme de la crise. <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0600293295276-sondage-exclusif-les-oppositions-ne-profitent-pas-de-la-crise-des-gilets-jaunes-2227880.php?xtor=CS1-1&fbclid=IwAR1wElz8OBT9ahjJ4uGOiOVstNMVT5zqkw7QpIx1_GeTzWMMJHIBN-I6ox0">Les premiers sondages montrent qu’ils n’en tirent aucun profit.</a> Ils ne font que le jeu des groupuscules antirépublicains qui ont compris très tôt le parti qu’ils pouvait tirer de ce mouvement social.<!-- Below is The Conversation's page counter tag. Please DO NOT REMOVE. --><img src="https://counter.theconversation.com/content/108442/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" style="border: none !important; box-shadow: none !important; margin: 0 !important; max-height: 1px !important; max-width: 1px !important; min-height: 1px !important; min-width: 1px !important; opacity: 0 !important; outline: none !important; padding: 0 !important; text-shadow: none !important" width="1" height="1"></p><p></p><hr><p></p> <h4>Cet article est paru à l'origine sur le site <a href="http://theconversation.com">The Conversation</a>. 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Citko-DuPlantis</strong></a>, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-tennessee-688">University of Tennessee</a></em></span></p> <hr /> <p>Chaque année, de nombreuses personnes dans tout le Japon se rassemblent sous les cerisiers dans les parcs et les jardins pour un pique-nique de printemps afin de regarder les fleurs tomber tout en discutant avec leurs compagnons autour de boissons et d’en-cas de saison.</p> <p>Les fleurs sont toutefois éphémères et tombent généralement au bout d’une semaine. En effet, le <em>sakura</em>, nom donné au cerisier en japonais, est un <a href="https://www.google.com/books/edition/Mizue_Sawano_The_Art_of_the_Cherry_Tree/nHf8lxLOYsUC?hl=en">symbole de l’impermanence</a> reconnu au Japon et ailleurs.</p> <p>Divers festivals sont régulièrement organisés partout dans le monde pour célébrer cette floraison.</p> <p>En tant que <a href="https://wlc.utk.edu/?people=malgorzata-k-citko-duplantis">spécialiste de la littérature et de la culture japonaises prémodernes</a>, j’ai été initiée très tôt à la coutume d’admirer les cerisiers en fleurs. Il s’agit d’un rituel ancien qui a été célébré et décrit au Japon pendant des siècles et qui continue d’être un élément indispensable pour accueillir le printemps. Aux États-Unis, la tradition du <em>hanami</em> a commencé avec la plantation des premiers cerisiers à Washington DC en 1912 en tant que <a href="https://www.nps.gov/subjects/cherryblossom/history-of-the-cherry-trees.htm">cadeau d’amitié du Japon</a>.</p> <h3>Poésie sur la nature</h3> <p>La coutume d’observer les arbres en fleurs au printemps est arrivée au Japon en provenance du continent asiatique. L’observation des pruniers en fleurs, souvent au clair de lune, comme symbole de <a href="https://www.archwaypublishing.com/en/bookstore/bookdetails/799255-The-Plum-Blossom-of-Luojia-Mountain">force, vitalité et fin de l’hiver</a> était pratiquée en Chine depuis l’antiquité. Elle a été adoptée au Japon au cours du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>On trouve des exemples poétiques de pruniers en fleurs, ou <em>ume</em> en japonais, dans le <a href="https://www.kokugakuin.ac.jp/assets/uploads/2021/03/KJS2-2Oishi.pdf">« Man’yōshū »</a>, ou « recueil de dix mille feuilles », le plus ancien recueil de poésie japonaise, qui date du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>Wiebke Denecke, <a href="https://lit.mit.edu/denecke/">spécialiste des littératures d’Asie orientale</a>, explique que les poètes japonais classiques <a href="https://www.jstor.org/stable/25066837">écrivaient des poèmes sur les fleurs de prunier lorsqu’elles étaient en saison</a>. Leurs compositions ont façonné la poésie de cour japonaise, ou <em>waka</em>, qui est enracinée dans la nature et son cycle saisonnier constant.</p> <p>Cependant, c’est le <em>sakura</em>, et non le prunier, qui occupe une place particulière dans la culture japonaise. Les anthologies impériales de <em>waka</em> compilées au Japon entre 905 et 1439 de l’ère chrétienne contiennent généralement plus de poèmes printaniers composés sur les cerisiers en fleurs que sur les pruniers en fleurs.</p> <h3>Au cœur de la composition des <em>waka</em></h3> <p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/558474/the-sakura-obsession-by-naoko-abe/">La première exposition de cerisiers en fleurs</a> a été organisée par l’empereur Saga en 812 de l’ère chrétienne et est rapidement devenue un événement régulier à la cour impériale, souvent accompagné de musique, de nourriture et d’écriture de poèmes.</p> <p>Les cerisiers en fleurs sont devenus l’un des sujets habituels de composition des <em>waka</em>. En fait, j’ai commencé à étudier la poésie japonaise grâce à un poème sur le thème du <em>sakura</em> écrit par une poétesse classique, Izumi Shikibu, dont on pense qu’elle a activement composé des <em>waka</em> vers l’an 1000 de notre ère. Le poème est préfacé par la <a href="http://www.misawa-ac.jp/drama/daihon/genji/bunken/zoku.html">mémoire de son auteur</a>. Ce poème parle de son ancien amant qui souhaite revoir les cerisiers en fleurs avant qu’ils ne tombent.</p> <blockquote> <p>tō o koyo<br />saku to miru ma ni<br />chirinu beshi<br />tsuyu to hana to no<br />naka zo yo no naka</p> <p>Viens vite !<br />À peine commencent-elles à s’ouvrir<br />qu’elles doivent tomber.<br />Notre monde réside<br />dans la rosée au sommet des fleurs de cerisier.</p> </blockquote> <p>Ce poème n’est pas l’exemple le plus célèbre de <em>waka</em> sur les cerisiers en fleurs dans la poésie japonaise prémoderne, mais il contient des couches d’imagerie traditionnelle symbolisant l’impermanence. Il souligne qu’une fois écloses, les fleurs de cerisier sont destinées à tomber. Assister à leur chute est l’objectif même du <em>hanami</em>.</p> <p>La rosée est généralement interprétée comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2385169">symbole de larmes</a> dans le waka, mais elle peut également être lue de manière plus érotique comme une référence à d’autres <a href="https://uhpress.hawaii.edu/title/mapping-courtship-and-kinship-in-classical-japan-the-tale-of-genji-and-its-predecessors/">fluides corporels</a>. Une telle interprétation révèle que le poème est une allusion à une relation amoureuse, qui est aussi fragile que la rosée qui s’évapore sur les fleurs de cerisier qui tombent bientôt ; elle ne dure pas longtemps, il faut donc l’apprécier tant qu’elle existe.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/579998/original/file-20240305-18-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Un arbre japonais en fleurs chargé de grappes de fleurs roses dans un jardin" /><em><span>Au Japon, les cerisiers en fleurs symbolisent l’impermanence ». zoomable=</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/25228175@N08/4549363374">Elvin/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></em></h4> <p>Le poème peut également être interprété de manière plus générale : La rosée est un symbole de la vie humaine, et la chute des cerisiers en fleurs une métaphore de la mort.</p> <h3>Militarisé par l’Empire du Japon</h3> <p>La notion de chute des fleurs de cerisier a été utilisée par <a href="https://www.bloomsbury.com/us/imperial-japan-and-defeat-in-the-second-world-war-9781350246799/">l’Empire du Japon</a>, un État historique qui a existé de la restauration meiji en 1868 jusqu’à la promulgation de la Constitution du Japon en 1947. L’empire est connu pour la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/japanese-taiwan-9781472576743/">colonisation de Taïwan</a> et l’<a href="https://www.peterlang.com/document/1049131">annexion de la Corée</a> afin d’étendre ses territoires.</p> <p><a href="https://kokubunken.repo.nii.ac.jp/records/4747">Sasaki Nobutsuna</a>, un érudit des classiques japonais ayant des liens étroits avec la cour impériale, était un partisan de l’idéologie nationaliste de l’empire. En 1894, il a composé un long poème, <a href="https://dl.ndl.go.jp/pid/873478/1/10">« Shina seibatsu no uta »</a>, ou « Le chant de la conquête des Chinois », pour coïncider avec la première guerre sino-japonaise, qui a duré de 1894 à 1895. Le poème compare la chute des fleurs de cerisier au sacrifice des soldats japonais qui <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/K/bo3656741.html">tombent au combat pour leur pays et leur empereur</a>.</p> <h3>La marchandisation de la saison</h3> <p>Dans le Japon contemporain, les cerisiers en fleurs sont célébrés par de nombreux membres de la société, et pas seulement par la cour impériale. Fleurissant autour du <a href="https://www.nbcbayarea.com/news/national-international/lunar-new-year-2024-how-to-celebrated/3447961/">Nouvel An lunaire</a> célébré dans le Japon prémoderne depuis des siècles, elles symbolisent les nouveaux départs dans tous les domaines de la vie.</p> <p>À l’époque contemporaine, les vendeurs ont transformé les cerisiers en fleurs en vendant du <a href="https://stories.starbucks.com/asia/stories/2024/sakura-season-starts-at-starbucks-japan-on-thursday-february-15/">thé, café</a>, de la <a href="https://japantoday.com/category/features/food/haagen-dazs-releases-two-new-seasonal-flavors">crème glacée</a>, des <a href="https://www.oenon.jp/news/2020/0205-1.html">boissons</a> ou des <a href="https://www.fujingaho.jp/gourmet/sweets/g43015580/fujingahonootoriyose-sakura-sweets20240215/">biscuits</a> aromatisés au <em>sakura</em>, transformant ainsi l’image de l’arbre en fleurs en une marque saisonnière. Les <a href="https://sakura.weathermap.jp/en.php">prévisions météorologiques</a> suivent la floraison des cerisiers pour s’assurer que tout le monde a une chance de participer à l’ancien rituel de l’observation.</p> <p>L’obsession des cerisiers en fleurs peut sembler triviale, mais le <em>hanami</em> rassemble les gens à une époque où la plupart des communications se font virtuellement et à distance, réunissant des membres de la famille, des amis, des collègues de travail et parfois même des étrangers, comme cela m’est arrivé lorsque je vivais au Japon.</p> <p>L’observation des <em>sakura</em> témoigne également de la relation unique que le Japon moderne entretient avec sa propre histoire. En même temps, cela nous rappelle que l’impermanence est peut-être la seule constante de la vie.</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/580005/original/file-20240305-23810-vdbysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/580005/original/file-20240305-23810-vdbysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Deux rangées de grands arbres avec des grappes de fleurs roses de part et d’autre d’une allée" /></a><em><span>Les cerisiers, avec leurs jolies fleurs, sont arrivés à Washington D.C. comme un cadeau du Japon.</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/dannyfowler/4469426717">Danny Navarro/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></em></h4> <p>Aujourd’hui, les cerisiers en fleurs sont célébrés au printemps <a href="https://localadventurer.com/places-to-see-cherry-blossoms-in-the-world/">partout dans le monde</a>, encourageant l’appréciation de l’impermanence par l’observation de la nature.<img src="https://counter.theconversation.com/content/225513/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/malgorzata-gosia-k-citko-duplantis-1515126">Małgorzata (Gosia) K. Citko-DuPlantis</a>, Assistant Professor in Japanese Literature and Culture, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-tennessee-688">University of Tennessee</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/celebrer-les-fleurs-de-cerisier-ou-la-poesie-de-limpermanence-225513">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'celebrer-les-fleurs-de-cerisier-ou-la-poesie-de-l-impermanence', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 20, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/celebrer-les-fleurs-de-cerisier-ou-la-poesie-de-limpermanence-225513', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4823, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Dérapage de la RTS?', 'subtitle' => 'Après l'émission «Les Beaux Parleurs» du 17 mars dernier, la RTS a exprimé des «regrets» pour les propos «outranciers» du chroniqueur Slobodan Despot, tenus à propos des pays baltes. 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Mais puisque la RTS estime nécessaire d’exprimer des «regrets» pour les «propos outranciers» tenus par Slobodan Despot, quelques questions s’imposent:</p> <p><strong>1.</strong> Pourquoi, si les propos n’y sont pas si libres que ça, l'émission «Les Beaux Parleurs» est-elle toujours présentée comme un «talk show» sur le site de la RTS?</p> <p><strong>2.</strong> Si la RTS juge bon d’exprimer ses «regrets» pour des «propos outranciers», il est à supposer que sa charte a été enfreinte par Slobodan Despot. Dans ce cas, il serait bon de spécifier aux <a href="https://www.24heures.ch/la-rts-regrette-les-propos-outranciers-de-slobodan-despot-739244121528" target="_blank" rel="noopener">lecteurs de <em>24 Heures</em></a> quels passages plus précisément. La charte de la RTS dit notamment ceci: «une responsabilité particulière dans la recherche de la vérité, l’impartialité, la pluralité et le respect de la personne.» En décrivant des éléments factuels, Slobodan Depot a fait preuve de recherche de la vérité. Il représente l’un des éléments nécessaires à la pluralité d’opinion censément chère à la RTS et n’a manqué de respect envers personne au travers de ses propos. Où est donc le problème? De quelle liberté d’expression et de quelle pluralité d’opinion la RTS se targue-t-elle exactement, si elle «regrette» des propos tenus par l’un de ses chroniqueurs?</p> <p><strong>3.</strong> De par sa «responsabilité particulière dans la recherche de la vérité», pourquoi la RTS n’a-t-elle pas spécifié aux journalistes de <em>24 Heures</em> que Slobodan Despot a décrit des événements factuels et avérés en donnant les sources y relatives?</p> <p><strong>4.</strong> S la RTS «regrette» les propos «outranciers» de Slobodan Despot, pourquoi n’a-t-elle pas fait de même lorsque Coline de Senarclens a déclaré dans cette même émission, le 25 février dernier, que «la binarité homme femme, c’est une idéologie (…) et anti-scientifique.» Cette déclaration pourrait être considérée comme un manque de respect envers l’immense majorité des Suisses romands qui ont encore le culot de penser qu’ils sont des hommes ou des femmes parce qu’ils sont nés hommes ou femmes. Certaines des personnes visées (notamment les 23'000 parents ayant signé la pétition du Collectif Parents) ont potentiellement pu se sentir agressées par ces propos. Elles n’en ont pas fait toute une histoire car elles savent que «Les Beaux Parleurs» est une émission de débat et que la liberté d’expression est (pardon, devrait être) l’un des piliers de toute démocratie qui se respecte.</p> <p><strong>5.</strong> Comment la RTS peut-elle justifier qu’elle remplit toujours son mandat de service public si elle décide de manière aléatoire (ou partiale?) de s’excuser pour certains propos, prétendument d’extrême droite, alors qu’elle ne s’excuse pas pour certains propos semblant relever de l’extrême gauche? Qui, au sein de la RTS, décide du moment auquel il faut ou non exprimer des «regrets»? 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Le battage médiatique fait autour des propos d'un chroniqueur interroge donc sur l'état de cette démocratie.</p> <p>Toute cette histoire est une non-affaire, qui me rappelle tristement deux autres non-affaires arrivées il y a pile trois ans et ressemblant en de nombreux points à celle-ci: quelqu’un a été payé pour effectuer un travail précis. Il accomplit ce travail selon les termes du contrat. Qu’on le laisse faire ce travail. 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Toutefois, si, selon les dernières informations sur le sujet, chaque événement devrait avoir sa cérémonie d’ouverture et de clôture, le paralympisme et l’olympisme semblent plus étroitement associés que jamais.</p> <p>Pourtant cela était loin d’être évident. L’histoire des Jeux paralympiques est complexe, posant la question de la définition du handicap. À partir de Jeux sportifs uniquement organisés pour des personnes blessées de la colonne vertébrale en fauteuil roulant (créés en 1948), ils concernent peu à peu, à partir des années 1970, des personnes ayant d’autres types de déficiences.</p> <p>La forme retenue pour les épreuves parisiennes de cet été avec 22 parasports (les sports au programme des Jeux paralympiques) résulte d’un long processus <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390#:%7E:text=Les%20premiers%20Jeux%20de%20Stoke,un%20bus%20de%20transport%20adapt%C3%A9">qui commence le 29 juillet 1948</a>, quand est donné à Londres le coup d’envoi de la XIV<sup>e</sup> olympiade. À cette date, le <a href="https://www.dicolympique.fr/guttmann-ludwig-1899-1980-allemagne-grande-bretagne/">neurochirurgien Ludwig Guttmann</a> organise à l’hôpital de Stoke Mandeville tout proche une compétition de tir à l’arc entre 16 blessés de la colonne vertébrale en fauteuil roulant, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.</p> <p>D’origine allemande, Guttmann est l’inventeur de pratiques rééducatives à partir de jeux sportifs. Au fil des années 1950, ses Jeux de Stoke rassemblent de plus en plus de participants et commencent à s’internationaliser. Réservés aux paralysés en fauteuil roulant, ils se tiennent chaque été au sein de l’enceinte hospitalière. En 1952, ils accueillent une délégation néerlandaise, avec 5 compétitions au programme : tir à l’arc, netball, javelot, tennis de table et billard ; la natation fait l’objet de démonstrations. En 1953, des <a href="https://hal.science/hal-01681465">Français, Australiens, Canadiens, Finlandais, Israéliens et Sud-Africains rejoignent l’événement</a>.</p> <p>Ces Jeux de Stoke continuent de s’inscrire dans une logique rééducative et Guttmann organise à cette occasion un congrès médical annuel <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390">sur les avancées dans le traitement des blessés de la colonne vertébrale</a>.</p> <h3>Logique médicale persistante</h3> <p>C’est leur délocalisation à Rome en 1960, dans la foulée des JO, qui va partiellement changer la donne. Si la dimension sportive s’affirme davantage, ils restent inscrits dans l’univers de la rééducation des blessés de la colonne vertébrale. Cette délocalisation est rendue possible grâce aux liens entre Ludwig Guttmann et Antonio Maglio, un confrère italien qui a fondé un centre de rééducation pour paraplégiques proche de la capitale italienne. 400 sportifs, tous en fauteuil, originaires de 23 pays, concourent dans huit disciplines. Bénéficiant des infrastructures olympiques, ils quittent l’univers hospitalier, mais restent encadrés par une logique médicale. En témoignent les ministres venus soutenir les sportifs. Ces « Jeux para-olympiques » s’ouvrent en présence du ministre de la santé italien mais sans le ministre des sports. Ce sera la même chose quatre ans plus tard à Tokyo. Reste qu’une dynamique est alors enclenchée : elle aboutira en 1989 à la création du Comité international paralympique (CIP).</p> <p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>Les Jeux paralympiques désignent alors un événement reconnu par le CIO impliquant des athlètes ayant divers types d’incapacités (en réalité « capable autrement »). Le para ne signifie plus « pour les paralysés », <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1466424007077348">mais « parallèles » aux Jeux olympiques</a>.</p> <p>Mais avant d’en arriver là, bien des querelles devront être dépassées.</p> <h3>Dynamique compétitive</h3> <p>En effet, dans les années 60, des voix s’élèvent en faveur de l’ouverture aux amputés et aux aveugles, ce que désapprouve la fédération de Stoke qui reste centrée sur le sport en fauteuil roulant des personnes blessées de la colonne vertébrale. En 1964 à Tokyo, une rencontre sportive « tous handicaps » a lieu, en marge des Jeux para-olympiques, pour les non paralysés. En 1968, les Jeux para-olympiques ont lieu à Tel-Aviv et restent encore réservés aux seuls paralysés en fauteuil. Cependant, peu à peu l’objectif initial de rééducation cède la place au désir de se rapprocher du schéma compétitif olympique et de l’image du champion.</p> <p>Bien que Guttmann soit opposé à cette perspective compétitive pour tous les types de déficience, l’objectif des athlètes et de certaines fédérations nationales – dont la France – s’oriente inexorablement vers la mise à distance de la tutelle médicale afin de se rapprocher de l’univers sportif et de ses instances nationales et internationales.</p> <h3>Rapprochements progressifs</h3> <p>Les années 1970 confirment ce basculement, les compétitions accueillant progressivement de nouveaux types de déficiences en catégorisant les athlètes selon leurs capacités.</p> <p>Il s’agit de permettre leur participation, tout en assurant l’égalité des chances et la logique compétitive du sport. Ainsi, l’intégration de nouveaux sportifs dotés de caractéristiques spécifiques implique une réflexion sur la mise en place de classifications fonctionnelles au regard de leurs capacités et de l’incidence qu’elles ont sur leurs performances.</p> <p>En 1972, lors des Jeux paralympiques de Heidelberg (les JO se déroulent à Munich), les déficients visuels sont autorisés à participer <a href="https://www.handisport.org/les-29-sports/goalball/">à des épreuves d’exhibition en goalball</a> et au 100 mètres sprint. Parallèlement, des amputés entrent sur le stade pour manifester leur mécontentement, comme le rappelle feu <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09523367.2014.931842">l’entraîneur d’athlétisme Christian Paillard</a> de la fédération française : « Qu’est-ce que je vois arriver ? Des amputés avec de grandes banderoles ! Ils ont fait un sit-in sur la piste en disant : « Nous aussi, on veut participer aux Jeux ! »</p> <p>Il faudra attendre quatre années supplémentaires et les Jeux de Toronto en 1976 pour qu’amputés et déficients visuels soient officiellement autorisés à concourir. Soucieuse de visibilité, chaque catégorie de handicap fonde sa propre fédération internationale et en 1982, un comité (ICC) est créé pour les coordonner et opérer un rapprochement avec le Comité international olympique (CIO).</p> <p>Aux JO de Los Angeles en 1984, des épreuves en fauteuil hors compétition figurent au programme, dans le but de promouvoir le sport pour handicapés. Cette première représentation des pratiques paralympiques lors des Jeux olympiques provoque la colère des amputés qui se sentent exclus. Elle fait planer un risque de scission sur le mouvement.</p> <p>Malgré une situation de crise, les Jeux paralympiques sont maintenus en 1984, mais ils scindés en deux : les sportifs en fauteuils concourent à New York, et tous les autres à Stoke. En 1986, deux fédérations internationales s’agrègent au mouvement : celle des sportifs sourds et celles pour les sportifs ayant des déficiences intellectuelles.</p> <p>Plus de deux décennies après Tokyo (1964), les Jeux de Séoul (1988) sont l’occasion de réunir de nouveau les JO et les Jeux paralympiques sur un même site. Du jamais vu depuis 1964.</p> <p>En 1989, la création du Comité international paralympique (CIP) achève l’alignement sur l’olympisme et la projection vers un événement unique organisé en partenariat avec le CIO : les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) se tiendront désormais obligatoirement sur le même site. Cette obligation ne sera finalement appliquée qu’à partir de 1996 à Atlanta, les Jeux paralympiques de 1992 se déroulant à la fois à Barcelone (pour les déficients physiques) et à Madrid (pour les déficients intellectuels), alors que les JO se tenaient à Barcelone.</p> <h3>Un désir de pratiquer comme les autres</h3> <p>Le mouvement d’intégration n’est pourtant pas achevé et reste un motif de tensions. En 1995, la fédération des sportifs sourds fait le choix de se retirer pour préférer une pratique entre personnes sourdes affirmant leur culture singulière, ou, pour les plus performantes, au sein des JO. Les sourds n’ont finalement jamais participé aux Jeux paralympiques.</p> <p>Parallèlement, si des déficients intellectuels intègrent pour la première fois les épreuves paralympiques en 1992, leur participation n’est pas sans poser problème. Lors du tournoi de basket-ball de Sydney (2000), il s’avère que plusieurs joueurs de l’équipe espagnole ayant remporté le tournoi <a href="https://www.liberation.fr/sports/2000/11/25/de-faux-handicapes-pour-de-vraies-medailles_345658/">n’ont en réalité pas de déficience cognitive</a>. La médaille d’or est restituée et, ne sachant pas comment assurer une sélection fiable de ce type de sportifs, le CIP suspend leur participation. Il faudra attendre Londres (2012) pour qu’ils soient réintégrés.</p> <p>Le désir de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tuAPPeRg3Nw">pratiquer « comme les autres »</a> produit une force agrégative qui conduit peu à peu à rompre le lien avec le monde médical. L’aspiration à la norme oblige, paradoxalement, à inventer des épreuves adaptées dans lesquelles chacun peut mettre en valeur ses capacités.<img src="https://counter.theconversation.com/content/222714/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/sylvain-ferez-492612">Sylvain Ferez</a>, Maître de conférences (HDR), sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-montpellier-2403">Université de Montpellier</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/sebastien-ruffie-1508656">Sébastien Ruffie</a>, Professeur des Universités en sciences sociales, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-des-antilles-3481">Université des Antilles</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 20, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 11, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4804, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Des tardigrades sont-ils en train de coloniser la Lune?', 'subtitle' => 'Le 22 février 2019, une sonde spatiale, c’est-à-dire sans équipage, était mise en orbite autour de la Lune avec comme objectif d’alunir. 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La vitesse était trop grande pour être suffisamment ralentie de sorte qu’elle s’écrasa à plus de 3 000 km/h sur notre satellite.</p> <p>Le choc fut terrible et la sonde se dispersa sur une centaine de mètres. On le sait car l’impact a été photographié par le satellite LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) de la NASA.</p> <p><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif"><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6b/Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif/512px-Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif" alt="Beresheet Crash Site Spotted LRO 02" width="512" /></a></p> <p>Que sont devenus les tardigrades ? Ont-ils survécus et si oui peuvent-ils coloniser la Lune ? La Lune est-elle contaminée ?</p> <h3>Des animaux à l'épreuve de (presque) tout</h3> <p>Les tardigrades sont des animaux microscopiques. Ils mesurent moins d’un millimètre de long. La plupart possèdent deux yeux, mais tous ont des neurones, un orifice buccal au bout d’une trompe rétractile, un intestin contenant un microbiote et quatre paires de pattes non articulées et terminées par des griffes. Ces animaux partagent un ancêtre commun avec les arthropodes comme les insectes ou les arachnides.</p> <p>La majorité se rencontre dans des environnements aquatiques, mais ils occupent tous les milieux, même urbains. <a href="https://biophysique.mnhn.fr/fr/annuaire/emmanuelle-delagoutte-9017">Emmanuelle Delagoutte</a>, chargée de recherche au CNRS, les récolte dans les mousses et les lichens du Jardin des plantes au Muséum à Paris. Les tardigrades ont besoin d’être entourés d’un film d’eau pour rester actifs, se nourrir de microalgues comme des chlorelles, grandir, se mouvoir et se reproduire. Ils se reproduisent de manière sexuée ou asexuée via la parthénogenèse, c’est-à-dire à partir d’un ovule non fécondé, ou l’hermaphrodisme lorsqu’un individu, qui possède à la fois des gamètes mâles et femelles, s’autoféconde. Après l’éclosion de l’œuf, la vie d’un tardigrade sous forme active dure de 3 à 30 mois. Au total, <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-95702-9">1265 espèces ont été décrites</a>, dont deux fossiles.</p> <p>Les tardigrades sont célèbres du fait de leur résistance à des conditions n’existant ni sur la Terre ni sur la Lune. Ils peuvent en effet mettre leur métabolisme à l’arrêt, notamment en perdant jusqu’à 95 % de leur eau corporelle. 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Certains sont-ils toujours viables, ensevelis sous le régolithe, la poussière lunaire dont la profondeur varie de quelques mètres à quelques dizaines de mètres ?</p> <p>Tout d’abord, il faut qu’ils aient survécu à l’impact. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33978458/">Des tests au laboratoire</a> ont montré que des spécimens congelés de l’espèce <em>Hypsibius dujardini</em> étaient intacts après un choc à 2600 km/h sous vide sur du sable mais étaient mutilés au-delà de 3000 km/h.</p> <p>Ils doivent ensuite résister à l’absence d’eau et supporter un froid de – 170 à -190 °C durant la nuit lunaire et une chaleur de 100 à 120 °C durant le jour. Un jour ou une nuit lunaire dure longtemps, soit un peu moins de 15 jours terrestres. 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Mais des spécimens sont sur le sol lunaire et leur présence pose des questions éthiques comme le souligne <a href="https://www.prindleinstitute.org/2019/09/the-ethics-of-sending-life-to-the-moon-and-beyond/">Matthew Silk</a> écologue à l’université d’Édimbourg. Parmi ces questions, il en est une sur le plan scientifique. A l’heure où l’exploration spatiale repart tous azimuts, contaminer d’autres planètes nous fera-t-il perdre la possibilité de chercher la vie extraterrestre ?</p> <hr /> <h4><em>L’auteur remercie chaleureusement Emmanuelle Delagoutte et Cédric Hubas du Muséum de Paris, ainsi que Robert Wimmer-Schweingruber de l’Université de Kiel, pour leur lecture critique du texte et leurs conseils.</em><img src="https://counter.theconversation.com/content/220910/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-palka-1305597">Laurent Palka</a>, Maître de conférences, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Lagom 14.12.2018 | 22h30
«On ne peut que s'incliner devant une analyse aussi bien fouillée, véridique et sans concession. Cependant, au fond la V république n'est pas tout à fait démocratique. Un Président qui s'isole dans son palais pendant quelques jours avant d' annoncer des dépenses de 10 milliards supplémentaires, qu'il doit emprunter chaque année en plus, sans consulter son gouvernement ni le parlement, est d'une extrême gravité. Puisqu'il est aussi facile de dépenser 10 de plus ils vont lui demander de dépenser 20 ou 30 de plus.
Vous auriez dû rajouter un paragraphe sur l'origine du mal; ....1981, l’accueil de la misère du monde, etc. »
@Elizabeth 16.12.2018 | 08h15
«Superbe analyse, aussi pertinente que consternante. Hélas, elle ne propose pas de solution. Les réseaux sociaux ont suffisamment prouvé leur capacité de nuisance - leurs avantages, par contre, me restent obscurs - pour qu'on ne puisse que souhaiter leur éradication. Mais comment faire ??»
@Pieroc 19.12.2018 | 16h40
«Belle analyse. Mais où est l'espoir? Comment faire? Suffit-il de chercher des responsables, comme le laisse entendre @yvoire? Ou souhaiter l'éradication des réseaux sociaux, comme l'exprime @Elizabeth?
Les instruments développés par l'homme ne sont, en eux-mêmes, ni bons, ni mauvais. C'est l'usage qu'on en fait qui décide de quel côté va pencher la balance, en fonction des objectifs, conscients ou non relatifs à cet usage. Souvenons-nous des travaux d'Einstein, des applications qui en ont résulté, par exemple.
Le problème des réseaux sociaux, dans l'usage le plus fréquent qui en est fait, c'est la démultiplication à l'échelle mondiale de ce qu'on appelait jadis les propos, les discussions de "café du commerce". Chacun se lâche, en fonction de ses humeurs, de ses frustrations, de ses haines, de ses a priori, partis pris et autre jugements à l'emporte pièce, dénués de réflexion, de vision un peu élargie, d'un minimum de prise en compte de la complexité dans laquelle des milliards d'individus se trouvent sur une planète aux moyens limités.
Nous pouvons chercher des réponses en tentant d'expliquer, d'éduquer encore et encore. Essayer de réorienter l'énergie mise dans la colère, dans la protestation, en direction d'activités constructives, collectives, à l'échelle de notre voisinage. On pourrait imaginer un apprentissage des réseaux sociaux visant à augmenter la compréhension mutuelle, les expériences et les connaissances partagées, l'entraide, la recherche de solutions plus économiques, plus équitables, l'innovation politique participative, respectueuse des différences, mais cherchant à développer le bien commun....»