Michel Thévoz à la librairie Payot de Lausanne, pour une séance de dédicace. DR
Le philosophe et historien de l'art Michel Thévoz publie «L’art suisse n’existe pas», un livre dans lequel il analyse la production artistique en Suisse sur plusieurs siècle et la met en perspective avec les caractéristiques helvètes: sécurité, confort et respectabilité. Un regard insolent et indocile, iconoclaste et tout à fait réjouissant.
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Ne pas appartenir à une histoire nationale que l’on puisse revendiquer n’est pas aussi facile que des esprits superficiels peuvent se l’imaginer.</p><p></p><hr><p></p><p><em> </em></p><h4><img src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w350/1526468421_1320272_f.jpg"><em><br>L’art suisse n’existe pas,</em> Michel Thévoz, Les Cahiers dessinés, 250 pages</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'la-suisse-est-l-avenir-du-monde', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 724, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1018, 'homepage_order' => (int) 1214, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2107, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4818, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Dominique Goblet, un livre envoûtant et une exposition à Bâle', 'subtitle' => '«Le Jardin des Candidats» de Dominique Goblet et Kai Pfeiffer est un livre grand format où se croisent bande dessinée et art contemporain, céramiques, sculptures, ready-mades, aquarelles et strips narratifs, dans une totale liberté de ton. 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Les salles suivantes retracent l'ensemble de son parcours artistique, des carnets y côtoyant des planches dessinées et de grands formats peints, mêlant fantasmes et plongées dans l'intime. Dans les dernières salles, partant d’annonces de sites de rencontre, Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, les deux auteurs du <i>Jardin des candidats</i>, imbriquent leurs dessins, décloisonnent les disciplines et incluent dans leur scénographie installations et fresques murales.</p> <p>Par ailleurs, dans une vidéo qui figure sur le site du musée, on peut entrapercevoir Dominique Goblet pleine de vie et d’énergie pétillante bloquant un tram à Bâle pour laisser passer la fanfare invitée en l’honneur de son show.</p> <h3>Le livre</h3> <p><i>Le</i> <i>Jardin des Candidats</i> est totalement convaincant et on ne peut qu’en vanter l’indéniable réussite plastique. Toutes les expérimentations formelles y sont au service d'une écriture et tout y est rendu comme étant nécessaire et parfait.</p> <p>En ouverture, un paon déclare dans une bulle: «cherche relation suivie pour moments câlins dans le jardin». <i>Aléa jacta es</i>, les dés sont jetés, toutes les citations sont issues de véritables textes de profils sur des sites de rencontre, apprend-t-on ensuite. Il y a ainsi de la végétation et une voix, celle de la Mère, figure mythique de l’adoration. Elle est «La Grande Absence». Elle possède un amas de livres détrempés et une piscine inachevée. Elle est l’Unique Divin Problème et quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’elle en a besoin. Les candidats repérés sur internet sont rassemblés dans le parc parmi des buissons, des vases, des paons, des trous et un barbecue. Ils y errent, ils y besognent, jardinent ou se délassent. 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Des métiers demandant un grand engagement physique comme maître-nageur, guide chasse et pêche, sauveteur, interprète en langue des signes, souffleur, voix off, choriste, professeur de yoga. Et du côté col blanc, nous avons un game designer, un ministre du culte, un greffier, un fiscaliste, un échevin, un architecte de jardin, un humoriste, un acarologue, un acousticien, un fiscaliste, un diamantaire, un médecin légiste, un dénicheur de talent et un très utile dermatologue, l’un possédant une webcam et un autre avouant que cela suffit à son bonheur.</p> <h3>Les objets, les animaux, les décors, la Mère</h3> <p>On l’appelle «La Mère» et elle est «La Grande Absence». Sa maison est envahie par des amas de livres détrempés et son jardin contient une piscine inachevée. Mais tout en étant l’Unique Divin Problème, elle n’a pas de problème. Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. 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La majeure partie des faits divers relatés par la presse du XIXème siècle ne sont pas des crimes spectaculaires, de grandes affaires retentissantes, mais de minuscules incidents de la vie quotidienne, des crimes sans éclats.</p> <p>Le roman réaliste et naturaliste, Dostoïevski, Flaubert et Balzac, ce sont eux, l’héritage revendiqué du roman noir. Il s’agit de représenter la réalité sociale et, comme le disait Zola dans la préface de <i>L’Assommoir</i>, de rédiger une œuvre de vérité qui ait la vitalité et l’odeur du peuple.</p> <h3>Prolétaires et classes moyennes</h3> <p>Le roman dit prolétarien ne sera pas grand-chose et, contrairement à Céline, n’usant pas de la vraie langue du peuple, il ne rencontrera jamais son public. 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Peu de titres au début mais dès 1948 la collection entre dans l’ère fordiste des littératures de genre, standardisation et mode de fabrication contraints aussi bien dans la matérialité des volumes que dans l’identité des textes, avec imprimé sur les rabats de la jaquette. Donnés comme les traits principaux des ces ouvrages: l’immoralité, l’anticonformisme, l’action, la violence, la tension, l’humour et l’angoisse.</p> <p>En 1953, six titres français paraissent. Albert Simonin avec <i>Touchez pas au grisbi!</i> remporte un énorme succès, <i></i>100'000 exemplaires vendus. 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Leur contre-société est pour eux la seule communauté qui existe. Ils nomment leur milieu le Milieu et ils se nomment eux-mêmes les Hommes. Le reste de la société n’étant qu’un ramassis de pue-la-sueur soumis aux politiciens et craignant les flics.</p> <h3>Ultragauche, le néo-polar</h3> <p>Après Mai 68, le roman noir français reconvertit le genre en acte critique, en radiographie politique de la société et de ses institutions, en instrument d’intervention sociale. Le néo-polar intègre dans ses récits les banlieues, les grands ensembles, les HLM, et décrit de nouveaux espaces tels les caves, les terrains vagues, les cages d’escaliers. La violence sociale n’y est plus un écart mais la norme et toute révolte individuelle y est, par nature, vouée à échouer. Paranoïa et haine de soi y dominent.</p> <p>Jean-Patrick Manchette, invité à l'émission <i>Apostrophes</i> par Bernard Pivot, en utilisant le terme de néo-polar devant des millions de spectateurs, rend son usage universel. 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Dantec sont recrutés, les ventes repartent à la hausse.</p> <h3>Féminisation du roman noir</h3> <p>Dans les années 1990, on assiste à une entrée progressive d’auteurs femmes et ensuite, au siècle suivant, massive, à la fois comme productrices d’ouvrages et comme lectrices de ceux-ci, la lecture de roman devenant une activité de plus en plus essentiellement féminine.</p> <p>En 2024, 60% des acheteurs et du lectorat de romans policiers sont des acheteuses et des lectrices. Il paraît beaucoup d’articles sur les femmes auteures de polars dont certaines avaient néanmoins choisi un pseudonyme androgyne, telles Fred Vargras, Dominique Manotti ou Claude Amoz. 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Qu’aurait été Sam Shepard sans Johnny Dark? Et Hannah Arendt sans Mary McCarthy? Godard sans Gorin? Ou sans Serge Daney? Van Gogh sans Gauguin? Bien sûr celle-ci peut se décliner en mille et une variantes, de la dépendance à l’épanouissement, de la soumission à la libre égalité fraternelle. Ce sont ces déclinaisons qu’aborde «L’amitié dans tous ses états», ce livre aux horizons divers.', 'subtitle_edition' => 'Goethe et Schiller, Nietzsche et Paul Rée, Wagner et Bakounine, Karl Marx et Engels, clair que l’amitié, ce n’est pas rien. Qu’aurait été Sam Shepard sans Johnny Dark? Et Hannah Arendt sans Mary McCarthy? Godard sans Gorin? Ou sans Serge Daney? Van Gogh sans Gauguin? Bien sûr celle-ci peut se décliner en mille et une variantes, de la dépendance à l’épanouissement, de la soumission à la libre égalité fraternelle. 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Pensez-vous qu’un homme qui connait sa valeur accorde à quiconque le droit de critiquer ne serait-ce que ses traits de caractère les plus insignifiants? Qui serait-il donc, celui qui aurait ce droit? En quoi serait-il meilleur? Oui, me critiquer derrière mon dos, il y a là beaucoup de place, c’est loisible à chacun. Mais si je l’apprends, il est alors à ma merci, livré à mes représailles.»</p> <h3>En Belgique dans les années 20</h3> <p>En 1922, le jeune Henri Michaux, complètement paumé, se cherche un parrain littéraire et en Belgique, ça ne court pas vraiment les rues. Il tombe sur Franz Hellens, de 20 ans son ainé, auteur d’un récit onirique, <i>Mélusine</i>, récit qu’il l’a ébloui. Loin de l’homme sans concession qu’il deviendra, à ce moment-là, Michaux manquant de tout, même de livres, aspire à des mondanités, a le souci de parvenir, de trouver une place et de réussir dans la milieu littéraire parisien. Et ça marche, Hellens le prend dans sa revue<i> Le Disque vert</i>. 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C’est très fluide et pour ce faire, il n’y a pas de chapitres. Son travail est triple: il parcourt mentalement sa propre mémoire par l’écriture: tous ses lieux, ses maisons, ses chemins, ses bois, ses champs. Ensuite après ce premier jet, il consulte un certain nombre de photographies, non seulement de son enfance mais aussi de la région à cette époque-là, et a quelques discussions avec des proches et des gens qui ont vécu là-bas, non pour vérifier tel ou tel détail mais pour faire sauter des verrous mémoriels, pour s’ouvrir à de nouvelles choses. </p> <h3>Le vocabulaire</h3> <p>L’un des enjeux du livre était d’arriver à une grande précision dans le vocabulaire, pour retrouver ces sensations d’enfant, ces finesses tactiles, olfactives, ces perceptions, ces émotions. 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Chez Yves, les tracteurs, chez les Lenz, l’atelier de réparation de voitures, chez Stéphane, après avoir passé le rideau de lamelles plastiques jaune-verte-rose-brune-orange-turquoise, le tapis doux et la table basse.</p> <h3>Le bonheur</h3> <p>Partout où il y a un chemin à deux sillons, à l’orée d’une forêt, il est chez lui, dit-il. La question du paradis, du bonheur, n’est pas liée à des événements, à une exaltation. C’est un bonheur animiste qui est décrit en termes de lumières, de sons, de sensations, et qui n’a pas vocation à durer, qui ne s’appesantit pas. Un rai de lumière, ses millions de grains de poussière, apportant une vague idée cosmique. </p> <p>Ce bonheur est à l’échelle des choses et des événements, petit. Ce n’est pas le paradis perdu. 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Thévoz est capable. Or, d'après M. Dumont, il nous sert du réchauffé @fordzon: personne n'a pas les moyens d'empêcher les lecteurs de lire au 1er degré. Mon invitation à aller habiter ailleurs est destiné aux lecteurs au 2ème degré pour les pousser à construire au lieu de démolir. 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L’art suisse n’existe pas, de Michel Thévoz, met en évidence un étonnant oxymore: «l’art suisse». Un oxymore, car, comme l’explique l’auteur, la Suisse est par excellence le pays de la sécurité, du confort et de la respectabilité, et que l’art est exactement le contraire. Voilà, en résumé, l’essentiel de la démonstration, de cette visite guidée à travers cinq siècles de peintures, en vingt-et-une monographies, un recueil d’articles anciens écrits sur cinquante ans de vie active et de méditation perpétuelle sur ce que sont l’art, les artistes et la patrie.
La liste est longue des artistes suisses qui ont enrichi l’histoire de l’art; mais leur seul dénominateur commun est de se dérober à tout... dénominateur commun, de subvertir par conséquent l’idée d’un art national. Nouvelle variante donc tout autant que continuation de l’analyse perpétuelle que conduit Michel Thévoz du syndrome vaudois. «‟Liberté et Patrieˮ, cette devise doit être interprétée comme une dénégation: depuis la création du canton, la politique vaudoise paraît inspirée par un désir de tutelle. Et les Vaudois souffrent en silence», écrivait-il déjà dans son livre Le Syndrome vaudois, en 2000.
Michel Thévoz, l’auteur
Connu surtout pour avoir été, en 1976, à l'initiative de la création de la Collection de l'Art Brut à Lausanne dont il prend tout de suite la direction, et ceci jusqu’en 2001, Michel Thévoz (né en 1936) a publié une vingtaine d’ouvrage sur l’art brut, la folie, le suicide ou encore sur la mort assistée. Dans ses essais, il s'intéresse plus particulièrement à des phénomènes borderline comme l'académisme − considéré comme une forme de folie inversée, l'art des fous eux-mêmes, le suicide, le spiritisme ou le rapport que l’on a avec sa propre image et avec, bien sûr, son propre pays.
La couverture du livre: un scandale?
Je pourrais faire l’esprit fort, ce dont l’auteur ne se prive pas, et considérer ici le mot «couverture» comme il l’est dans le vocabulaire des agents secrets: comme une fausse apparence. Mais je ne le ferais pas, car je crois que cette couverture doit se lire au premier degré et qu’elle résume très bien le message que Michel Thévoz a voulu faire passer.
Oui, la couverture de ce livre est
incroyablement agressive, à la fois par son illustration − une paire de fesses
adipeuses recadrées d’une façon terriblement claustrophobique − et son titre
qui claque comme une gifle assénée aux valeurs les plus respectées et les plus
sacrées de la confédération: L’art suisse
n’existe pas.
Photo anonyme trouvée sur Facebook ©DR
La Suisse symboliquement désactivée
La modestie, l’exactitude, la précision, la régularité, la continuité, la persévérance, sont vantées par Le Corbusier dans l’une de ses dernières lettres à son frère Albert Jeanneret, en 1965, et Thévoz constate que le célèbre architecte sera donc resté suisse jusqu’à sa mort.
De son côté, le poète et traducteur Philippe Jaccottet décrit, en 1971, le peintre Charles Chinet comme étant un artisan dont les qualités sont la simplicité, le fait d’être entier, lent, appliqué, peu bavard, pondéré, modeste et bon. Toutes choses qui exaspèrent au dernier degré notre jubilant Michel Thévoz.
Le concept d’artistes suisses subvertit donc l’idée d’un art national. Paul Klee, Alberto Giacometti, Paul Vallotton, Louis Soutter, Adolf Wölfli, Aloïse, Varlin, sont de la même génération et n’ont aucun rapport entre eux. Leur seul point commun est de ne pouvoir être classé dans un genre préétabli. Mais Michel Thévoz pousse la chose beaucoup plus loin. Il nie non seulement l’existence d’artiste suisse mais celle de la Suisse elle-même. La Suisse a la particularité d’inexister, écrit-il, ce qui, dans le contexte mondial de patriotisme ou de fondamentalisme assassin, ajoute-t-il, l’élève au rang de modèle: elle est l’avenir du monde et ceci parce qu’elle a réussi sa désactivation symbolique. La détribalisation, la sécularisation généralisée, l’exténuation des mythologies de toute nature s’y résolvent en un unique mythe résiduel: le Capital lui-même.
Les artistes
Chez chaque artiste suisse, Michel Thévoz traque la faille, le désir caché, le refoulement. Chez Albert Anker, le célèbre producteur valaisan de chromo bucolique, il juge particulièrement troublant l’exaltation de l’angélisme enfantin. Chez les frères Barraud, nés tous les quatre autour de 1900 à La Chaux-de-Fonds, peintres conservateurs, austères, aux formes plombées et à la palette éteinte, il soupçonne un érotisme dissimulé, latent, de subliminales remises en cause de toute objectivité, dans «d’étranges élongations anatomiques», «des anamorphoses inquiétantes» et «des perspectives au grand angle».
Félix Vallotton quitte Lausanne à 17 ans et vit tout le reste de sa vie à Paris. Jeune, il est anar. Ensuite, il s’embourgeoise par mariage, obtient en 1900, la nationalité française, ses gravures sur bois, ses xylographies et ses illustrations font sensation et il devient internationalement célèbre. Ses nus sont des représentations de femmes mûres, musclées, grasses parfois, toujours insatisfaites, expression d’une crudité et d’une agressivité, dignes de n’importe quelle provocation Dada. La paire de fesses en couverture de ce livre, c’est lui qui la peinte!
Eh bien, pour Michel Thévoz, Félix Vallotton
est le peintre suisse par excellence, car il n’a pas de morale, qu’il défie
l’interprétation et que son credo, c’est le mutisme du regard.
Félix Valloton: La Paresse, 1896. ©DR
Ce mutisme, il en donne un autre exemple: le bâlois Hans Holbein qui a représenté dans une Danse macabreune mort non pas moraliste mais anarchiste, une mort insolente qui bouscule toutes les conventions établies. Ou encore un Christ mort dans un état de putréfaction avancée, tableau dont Dostoïevski affirmait médusé qu’il pouvait faire perdre la foi. Holbein était le Andy Warhol de l’époque affirme Michel Thévoz, arguant qu’il était le portraitiste attitré de l’establishment du temps. Bon exemple du style malicieux, vif, pétillant et impertinent de notre cher professeur vaudois! Par ailleurs, Holbein nous ouvre une possible définition de la suissitude telle qu’elle s’exprime dans l’art: mutisme, exubérance de la mort, collusion de l’art et du business et perfectionnisme technique.
Le peintre Charles Gleyre, lui, mort vierge, était d’une misogynie vindicative, or il a consacré l’essentiel de son œuvre à célébrer le corps féminin. D’après Michel Thévoz, ce sont les statues qui réveillaient sa libido. Il était également fasciné par les ruines et les pans de nature stérile. Une sorte de nécrophile mais version kleen, donc suisse…
Ferdinand Hodler devient mondialement célèbre
en 1891 grâce à un scandale. Sa toile La
Nuit ayant été refusée dans une exposition municipale genevoise, il loue
une salle pour y exposer l’œuvre, tout en demandant un droit d’entrée à un prix
élevé aux visiteurs. Les curieux affluent et le tour est joué. Le succès
européen ouvre à l’artiste une carrière de peintre officiel et fait sa fortune.
Dans les années 1900, il est multimillionnaire! La nature du scandale de La Nuit? Au centre de la toile est
dissimulée, sous une étoffe, la Grande Castratrice qui s’apprête à offrir une
fellation terminale à l’artiste qui s’est auto représenté, nous apprend Michel
Thévoz en rappelant incidemment que le père, la mère, ses cinq frères et sœurs
d’Hodler sont morts alors qu’il était enfant.
L’art, l’argent, la mort, la Suisse: la peinture d’Hodler est la synthèse de
tout cela. C’en est la parabole, dit Michel Thévoz.
Ferdinand Hödler: La Nuit (détails), 1860.
La Mort
Le fil rouge que l’auteur dit avoir suivi pour réaliser son ouvrage est celui de la pulsion de mort telle que l’entendait Sigmund Freud.
Dans les autres pays, la mort a une grandeur tragique, alors qu’en Suisse elle n’est rien, juste petite et étriquée, comme tout le reste de l’existence, sans pathos aucun, et c’est là le sens qu’il faut donner à l’œuvre de Christian Boltanski, Les Suisses morts. «C’est un pléonasme», écrit l’ironiste vaudois Michel Thévoz. Les Suisses n’ont pas de raison historique de mourir et donc la mort, dans leur cas, reprend de l’efficience. Les artistes l’ont pressenti et c’est ce que ce livre tend à démontrer par de nombreux exemples. Hans Holbein et son Jésus putréfié, Charles Gleyre et ses femmes statufiées, Ferdinand Hödler et se série sur le corps cadavérique de Valentine, sa chère maitresse, Louis Soutter reproduisant inlassablement les flammes du crématoire de La-Chaux-de-Fond où a été incinéré sa sœur suicidée, Suzanne Auber qui a appris à 11 ans qu’on avait assassiné et décapité sa mère, Manuel Müller qui sculpte compulsivement son propre cercueil. «En Suisse, la mort est un pléonasme», écrit Thévoz, qui ajoute: «Un pléonasme qui témoigne de la dignité de l’inexistence».
La peintre et sculptrice valaisanne Suzanne Auber dans les années soixante. © DR
L’argent
«L’artiste suisse a un pied dans le sublime et l’autre dans le business – une posture praticable dans le pays pentu, nanti et aéré qui est le sien.» La Suisse, épicentre du marché mondial de l’art, compte seize ports francs, nous apprend Thévoz. Le marché de l’art, c’est l’application quintessenciée du néolibéralisme. Il nous raconte aussi, qu’à l’autre pôle de l’existence et des classes sociales, un artiste d’art brut, Eugenio Santoro, a accepté de lui donner des œuvres pour le Musée de l’art brut, suite à une très longue et aventureuse discussion, à condition que Michel Thévoz lui signe un contrat par lequel le musée s’engageait à ne jamais lui verser la somme de 6 000 francs, somme qui était disponible à l’époque pour d’éventuels achats importants!!!
L’auteur tire la langue
Michel Thévoz use d’une langue vive, précise, et pour chaque idée trouve l’expression juste; il écrit avec aisance des phrases qui vibrent dans leur cible. Il a un tour d’esprit philosophique qui le porte plutôt à l’esthétique qu’à l’histoire de l’art. Il préfère les idées aux faits et dispense à foison moult opinions toutes plus tranchantes les unes que les autres.
Pour conclure, disons que cela fait bizarre quand on vient comme l’auteur de cet article de l’histoire sociale de l’art, c’est-à-dire de la lutte des classes, de lire des analyses qui s’appuient toutes sur des catégories psychologiques qui paraissent très stéréotypées et simplettes. Par contre, quand on vient aussi d’un petit pays, la Belgique, on n’est pas surpris pas l’auto-dénigrement systématique que l’auteur fait subir à son lieu d’origine. Ne pas appartenir à une histoire nationale que l’on puisse revendiquer n’est pas aussi facile que des esprits superficiels peuvent se l’imaginer.
L’art suisse n’existe pas, Michel Thévoz, Les
Cahiers dessinés, 250 pages
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Ne pas appartenir à une histoire nationale que l’on puisse revendiquer n’est pas aussi facile que des esprits superficiels peuvent se l’imaginer.</p><p></p><hr><p></p><p><em> </em></p><h4><img src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w350/1526468421_1320272_f.jpg"><em><br>L’art suisse n’existe pas,</em> Michel Thévoz, Les Cahiers dessinés, 250 pages</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'la-suisse-est-l-avenir-du-monde', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 724, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1018, 'homepage_order' => (int) 1214, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2107, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4818, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Dominique Goblet, un livre envoûtant et une exposition à Bâle', 'subtitle' => '«Le Jardin des Candidats» de Dominique Goblet et Kai Pfeiffer est un livre grand format où se croisent bande dessinée et art contemporain, céramiques, sculptures, ready-mades, aquarelles et strips narratifs, dans une totale liberté de ton. 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Les salles suivantes retracent l'ensemble de son parcours artistique, des carnets y côtoyant des planches dessinées et de grands formats peints, mêlant fantasmes et plongées dans l'intime. Dans les dernières salles, partant d’annonces de sites de rencontre, Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, les deux auteurs du <i>Jardin des candidats</i>, imbriquent leurs dessins, décloisonnent les disciplines et incluent dans leur scénographie installations et fresques murales.</p> <p>Par ailleurs, dans une vidéo qui figure sur le site du musée, on peut entrapercevoir Dominique Goblet pleine de vie et d’énergie pétillante bloquant un tram à Bâle pour laisser passer la fanfare invitée en l’honneur de son show.</p> <h3>Le livre</h3> <p><i>Le</i> <i>Jardin des Candidats</i> est totalement convaincant et on ne peut qu’en vanter l’indéniable réussite plastique. Toutes les expérimentations formelles y sont au service d'une écriture et tout y est rendu comme étant nécessaire et parfait.</p> <p>En ouverture, un paon déclare dans une bulle: «cherche relation suivie pour moments câlins dans le jardin». <i>Aléa jacta es</i>, les dés sont jetés, toutes les citations sont issues de véritables textes de profils sur des sites de rencontre, apprend-t-on ensuite. Il y a ainsi de la végétation et une voix, celle de la Mère, figure mythique de l’adoration. Elle est «La Grande Absence». Elle possède un amas de livres détrempés et une piscine inachevée. Elle est l’Unique Divin Problème et quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’elle en a besoin. Les candidats repérés sur internet sont rassemblés dans le parc parmi des buissons, des vases, des paons, des trous et un barbecue. Ils y errent, ils y besognent, jardinent ou se délassent. 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Des métiers demandant un grand engagement physique comme maître-nageur, guide chasse et pêche, sauveteur, interprète en langue des signes, souffleur, voix off, choriste, professeur de yoga. Et du côté col blanc, nous avons un game designer, un ministre du culte, un greffier, un fiscaliste, un échevin, un architecte de jardin, un humoriste, un acarologue, un acousticien, un fiscaliste, un diamantaire, un médecin légiste, un dénicheur de talent et un très utile dermatologue, l’un possédant une webcam et un autre avouant que cela suffit à son bonheur.</p> <h3>Les objets, les animaux, les décors, la Mère</h3> <p>On l’appelle «La Mère» et elle est «La Grande Absence». Sa maison est envahie par des amas de livres détrempés et son jardin contient une piscine inachevée. Mais tout en étant l’Unique Divin Problème, elle n’a pas de problème. Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. 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La majeure partie des faits divers relatés par la presse du XIXème siècle ne sont pas des crimes spectaculaires, de grandes affaires retentissantes, mais de minuscules incidents de la vie quotidienne, des crimes sans éclats.</p> <p>Le roman réaliste et naturaliste, Dostoïevski, Flaubert et Balzac, ce sont eux, l’héritage revendiqué du roman noir. Il s’agit de représenter la réalité sociale et, comme le disait Zola dans la préface de <i>L’Assommoir</i>, de rédiger une œuvre de vérité qui ait la vitalité et l’odeur du peuple.</p> <h3>Prolétaires et classes moyennes</h3> <p>Le roman dit prolétarien ne sera pas grand-chose et, contrairement à Céline, n’usant pas de la vraie langue du peuple, il ne rencontrera jamais son public. 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Peu de titres au début mais dès 1948 la collection entre dans l’ère fordiste des littératures de genre, standardisation et mode de fabrication contraints aussi bien dans la matérialité des volumes que dans l’identité des textes, avec imprimé sur les rabats de la jaquette. Donnés comme les traits principaux des ces ouvrages: l’immoralité, l’anticonformisme, l’action, la violence, la tension, l’humour et l’angoisse.</p> <p>En 1953, six titres français paraissent. Albert Simonin avec <i>Touchez pas au grisbi!</i> remporte un énorme succès, <i></i>100'000 exemplaires vendus. 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Leur contre-société est pour eux la seule communauté qui existe. Ils nomment leur milieu le Milieu et ils se nomment eux-mêmes les Hommes. Le reste de la société n’étant qu’un ramassis de pue-la-sueur soumis aux politiciens et craignant les flics.</p> <h3>Ultragauche, le néo-polar</h3> <p>Après Mai 68, le roman noir français reconvertit le genre en acte critique, en radiographie politique de la société et de ses institutions, en instrument d’intervention sociale. Le néo-polar intègre dans ses récits les banlieues, les grands ensembles, les HLM, et décrit de nouveaux espaces tels les caves, les terrains vagues, les cages d’escaliers. La violence sociale n’y est plus un écart mais la norme et toute révolte individuelle y est, par nature, vouée à échouer. Paranoïa et haine de soi y dominent.</p> <p>Jean-Patrick Manchette, invité à l'émission <i>Apostrophes</i> par Bernard Pivot, en utilisant le terme de néo-polar devant des millions de spectateurs, rend son usage universel. 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Dantec sont recrutés, les ventes repartent à la hausse.</p> <h3>Féminisation du roman noir</h3> <p>Dans les années 1990, on assiste à une entrée progressive d’auteurs femmes et ensuite, au siècle suivant, massive, à la fois comme productrices d’ouvrages et comme lectrices de ceux-ci, la lecture de roman devenant une activité de plus en plus essentiellement féminine.</p> <p>En 2024, 60% des acheteurs et du lectorat de romans policiers sont des acheteuses et des lectrices. Il paraît beaucoup d’articles sur les femmes auteures de polars dont certaines avaient néanmoins choisi un pseudonyme androgyne, telles Fred Vargras, Dominique Manotti ou Claude Amoz. 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Qu’aurait été Sam Shepard sans Johnny Dark? Et Hannah Arendt sans Mary McCarthy? Godard sans Gorin? Ou sans Serge Daney? Van Gogh sans Gauguin? Bien sûr celle-ci peut se décliner en mille et une variantes, de la dépendance à l’épanouissement, de la soumission à la libre égalité fraternelle. Ce sont ces déclinaisons qu’aborde «L’amitié dans tous ses états», ce livre aux horizons divers.', 'subtitle_edition' => 'Goethe et Schiller, Nietzsche et Paul Rée, Wagner et Bakounine, Karl Marx et Engels, clair que l’amitié, ce n’est pas rien. Qu’aurait été Sam Shepard sans Johnny Dark? Et Hannah Arendt sans Mary McCarthy? Godard sans Gorin? Ou sans Serge Daney? Van Gogh sans Gauguin? Bien sûr celle-ci peut se décliner en mille et une variantes, de la dépendance à l’épanouissement, de la soumission à la libre égalité fraternelle. 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Pensez-vous qu’un homme qui connait sa valeur accorde à quiconque le droit de critiquer ne serait-ce que ses traits de caractère les plus insignifiants? Qui serait-il donc, celui qui aurait ce droit? En quoi serait-il meilleur? Oui, me critiquer derrière mon dos, il y a là beaucoup de place, c’est loisible à chacun. Mais si je l’apprends, il est alors à ma merci, livré à mes représailles.»</p> <h3>En Belgique dans les années 20</h3> <p>En 1922, le jeune Henri Michaux, complètement paumé, se cherche un parrain littéraire et en Belgique, ça ne court pas vraiment les rues. Il tombe sur Franz Hellens, de 20 ans son ainé, auteur d’un récit onirique, <i>Mélusine</i>, récit qu’il l’a ébloui. Loin de l’homme sans concession qu’il deviendra, à ce moment-là, Michaux manquant de tout, même de livres, aspire à des mondanités, a le souci de parvenir, de trouver une place et de réussir dans la milieu littéraire parisien. Et ça marche, Hellens le prend dans sa revue<i> Le Disque vert</i>. 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C’est très fluide et pour ce faire, il n’y a pas de chapitres. Son travail est triple: il parcourt mentalement sa propre mémoire par l’écriture: tous ses lieux, ses maisons, ses chemins, ses bois, ses champs. Ensuite après ce premier jet, il consulte un certain nombre de photographies, non seulement de son enfance mais aussi de la région à cette époque-là, et a quelques discussions avec des proches et des gens qui ont vécu là-bas, non pour vérifier tel ou tel détail mais pour faire sauter des verrous mémoriels, pour s’ouvrir à de nouvelles choses. </p> <h3>Le vocabulaire</h3> <p>L’un des enjeux du livre était d’arriver à une grande précision dans le vocabulaire, pour retrouver ces sensations d’enfant, ces finesses tactiles, olfactives, ces perceptions, ces émotions. 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Chez Yves, les tracteurs, chez les Lenz, l’atelier de réparation de voitures, chez Stéphane, après avoir passé le rideau de lamelles plastiques jaune-verte-rose-brune-orange-turquoise, le tapis doux et la table basse.</p> <h3>Le bonheur</h3> <p>Partout où il y a un chemin à deux sillons, à l’orée d’une forêt, il est chez lui, dit-il. La question du paradis, du bonheur, n’est pas liée à des événements, à une exaltation. C’est un bonheur animiste qui est décrit en termes de lumières, de sons, de sensations, et qui n’a pas vocation à durer, qui ne s’appesantit pas. Un rai de lumière, ses millions de grains de poussière, apportant une vague idée cosmique. </p> <p>Ce bonheur est à l’échelle des choses et des événements, petit. Ce n’est pas le paradis perdu. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@Enia 17.05.2018 | 08h30
«J'aime la plume de Yves Tenrer. Avec des phrases courtes il nous fait entrer dans le monde du livre " L'art suisse n'existe pas" écrit par Michel Thévoz, créateur de l'art brut à Lausanne. Je me réjouis de lire ce dernier livre de Thévoz à qui les années ne semble pas avoir atténué l'acerbité de l'analyse ! Un seul regret, que Michel Thévoz ait écarté les peintres Louis Rivier que les lausannois peuvent re-découvrir à l'aura du Palis de Rumine et Marcel Poncet, peintre et créateur de vitraux, dont LA fameuse querelle lors d'une mise au concours en 1919, destiné à doter la Cathédrale de Lausanne de vitraux, querelle avec ses "vaudoiseries " dont les acteurs étaient des politiciens et des artistes autour du thème " les anciens et les modernes ! Mais je pardonne tout à Michel Thévoz cet ami de longue date !!»
@Lagom 17.05.2018 | 21h59
«Vous écrivez dans le titre "Un regard insolent et indocile, iconoclaste et tout à fait réjouissant* et vous clôturez votre article en expliquant que vous n'êtes pas d'accord avec M. Thévoz. La haine de M. Thévoz à l'égard de notre pays et de ses artistes n'a jamais été égalé jusqu'ici. La grossièreté n'a jamais élevé son auteur. Avec le libre circulation en Europe M. Thévoz pourra aller habiter ailleurs et nous laisser tranquille. »
@SylT 20.05.2018 | 16h05
«@genevoisy: il semble que le thème « allez habiter ailleurs et laissez-nous tranquille » soit récurrent dans vos commentaires. Suggestion: approfondissez votre réflection et exprimez des arguments un peu plus convaincants. »
@fordzon 22.05.2018 | 19h24
«Ah, l’art d’être critique, et de se faire l’avocat du diable pour remuer les méninges, c’est sûr qu’on le déteste, en Suisse traditionaliste. Mais il faut de tout pour faire une Suisse, heureusement!»
@Lagom 25.05.2018 | 14h04
«Mon premier commentaire a été sous l'influence de l'article du 12 mai de M. Etienne Dumont dans "Bilan" sur le même sujet, et qui équilibre, pour ne pas écrire contredit, les propos de M. Yves Tenret. A 82 ans l'art d'être critique n’exclue pas l'éventualité de la bienveillance dont un géant de la culture Suisse tel M. Thévoz est capable. Or, d'après M. Dumont, il nous sert du réchauffé @fordzon: personne n'a pas les moyens d'empêcher les lecteurs de lire au 1er degré. Mon invitation à aller habiter ailleurs est destiné aux lecteurs au 2ème degré pour les pousser à construire au lieu de démolir. Amicalement, »