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Chronique

Chronique / Le manteau bleu d’Albertine


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1,5 million d’euros, c’est le prix auquel a été adjugé récemment chez Sotheby’s, à Paris, un exemplaire de l’édition originale de «Du côté de chez Swann» de Marcel Proust. Une somme record, dit-on. Portant le n° 1 et dédicacé à Lucien Daudet, l’ouvrage appartenait à Pierre Bergé. Plus que jamais le romancier d’«A la recherche du temps perdu» demeure notre contemporain capital. Alors qu’on s’apprête à célébrer l’an prochain le centième anniversaire du prix Goncourt décerné à Proust pour «A l’ombre des jeunes filles en fleurs».



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Le Proust que j’aimerais évoquer dans cette ultime chronique 2018, en préfiguration en quelque sorte de celles qui lui seront consacrées ici même l’an prochain, c’est le Proust parlant de peinture. Et de façon combien admirable. A la recherche du temps perdu peut d’ailleurs s’envisager comme un monument tout entier dédié à l’art. Swann, l’un des personnages centraux du roman, est avant tout un «amateur», ainsi que le qualifie le duc de Guermantes. Et pas seulement de jolies femmes. Un esthète qui a entrepris de longue date une étude sur Vermeer. Outre l’auteur lui-même, l’un des modèles de Swann, dont il porte le prénom, n’est autre que Charles Ephrussi (1849-1905). Grand collectionneur, ami de Renoir, qu’il contribua à lancer, et pour qui Manet exécuta ce chef-d’œuvre absolu de la peinture qu’est L’asperge. Et que dire d’Elstir, mentionné tout au long de La recherche? Figure par excellence du créateur, du peintre, qui emprunte plus d’un traits à Monet, Renoir, Whistler. 

Johannes Vermeer, Vue de Delft (détail), © Mauritshuis, La Haye.


Comme on le sait, l’une des dernières sorties de Proust, une année et demie avant sa mort, fut pour visiter en mai 1921, en compagnie de Jean-Louis Vaudoyer, une exposition de peinture hollandaise au Jeu de Paumes. Il voulait revoir en particulier la Vue de Delft de Vermeer.

«Depuis que j’ai vu au Musée de La Haye la Vue de Delft, écrivait Proust à son ami critique quelques jours plus tôt, j’ai su que j’avais vu le plus beau tableau du monde.»

C’est dans cette toile que figure le fameux «petit pan de mur jaune» à l’arrière-plan du motif, tout à droite, entre façades et tours, et qui donne lieu, faut-il le rappeler, à l’une des pages les plus célèbres de La recherche, la fin de Bergotte dans La Prisonnière.

Lors de sa visite, Proust, souffrant – mais non point mourant comme certains l’ont écrit: il se rendit le matin même à une exposition Ingres et déjeuna au Ritz – fut pris de malaise. Ce qu’il éprouva alors et qu’il transposa aussitôt dans le manuscrit de La recherche, lui servit à décrire les ultimes moments du maître emporté par la maladie devant le tableau de Vermeer: «Ses étourdissements augmentaient; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. “C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune.” Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas (…) il s’abattit sur un canapé circulaire (…) Il roula du canapé par terre, où accoururent tous les visiteurs et gardiens. Il était mort.»

Vision à Venise ou le temps retrouvé

Même si Vermeer occupe la première place, l’admiration de Proust va à beaucoup d’autres artistes auxquels, pour certains, il a consacré diverses études. Et cela bien avant La recherche, mais qui lui serviront de matériaux. Quatre d’entre-elles, rédigées dans les années 1898/99, viennent de reparaître, dédiées à Monet, Moreau, Rembrandt et Watteau. Ce ne sont parfois que des esquisses rédigées au retour d’une exposition. Ainsi au sujet du peintre des Nymphéas. «Les tableaux de Monet, écrit Proust, nous montrent dans Argenteuil, dans Vétheuil, dans Epte, dans Giverny l’essence enchantée.» Les pages sur Rembrandt tiennent davantage de l’essai: «A partir d’un certain moment, toutes ces figures (les autoportraits) apparaissent dans une sorte de matière dorée, comme si elles avaient été toutes peintes dans un même jour (…) c’est en quelque sorte le jour même de sa pensée, l’espèce de jour particulier dans lequel nous voyons les choses, au moment où nous pensons d’une façon originale.»

 

Manteau de Mariano Fortuny (1871-1949) © Collection particulière.


Dans A la recherche du temps perdu, les références à la peinture abondent. Comme à propos du tableau de Carpaccio, le Miracle de la relique de la croix au pont du Rialto (1496) vu à Venise par le narrateur. Le costume de l’un des personnages de jeune noble de la compagnie de la Calza ravive en lui le souvenir d’Albertine sur le point de le quitter: «elle avait jeté sur ses épaules un manteau de Fortuny, qu’elle avait emporté avec elle le lendemain et que je n’avais jamais revu depuis dans mes souvenirs. Or c’était dans ce tableau de Carpaccio que le fils génial de Venise l’avait pris, c’est des épaules de ce compagnon de la Calza, qu’il l’avait détaché pour le jeter sur celles de tant de Parisiennes.» (Pour qui ne connaîtrait pas Mariano Fortuny, décorateur de théâtre, couturier – ses plissés sont restés célèbres –, il faut absolument voir à Venise le musée qui lui est consacré.)

Parce que l’art véritable a toujours à voir avec l’éternité, la peinture ici devient comme un point de resserrement, de contraction du temps, soudain miraculeusement retrouvé.



Marcel Proust, Quatre peintres, Editions Marguerite Waknine «Livrets d’art», 2018

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