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Chronique

Chronique / Karl Kraus et les femmes


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Avoir une mère viennoise comporte quelques avantages, notamment celui d'avoir pu lire Karl Kraus à l'âge où mes camarades lausannois s'emballaient pour Camus ou Sartre. Karl Kraus leur était totalement étranger, alors qu'il coulait dans mon sang.



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J'ai appris très vite grâce à lui que si la représentation de la femme est «confortable», sa réalité l'est beaucoup moins. «J'aime bien monologuer avec une femme, disait-il, mais je trouve plus stimulant de dialoguer avec moi-même.»

J'avais déjà observé que la plupart des femmes aiment rêver des hommes sans coucher avec eux. Karl Kraus conseillait d'attirer expressément leur attention sur le caractère impossible de ce projet, ce qui m'a valu quelques déboires.

Mais ce qui m'a le plus marqué est le caractère incroyablement profond de cette réflexion: «Les femmes sont souvent un obstacle à la satisfaction sexuelle, mais de ce fait érotiquement exploitables.» Il m'a fallu des années pour le comprendre et le mettre en pratique.

J'y songeais en lisant la biographie de Karl Kraus par mon ami Jacques Le Rider dont j'ai eu le privilège de publier, il y a près de trente ans, le premier livre: Le Cas Otto Weininger, racines de l'antiféminisme et de l'antisémitisme qui, contrairement à nous, n'a pas pris une ride. Karl Kraus, qui fut un des premiers à découvrir, dès sa parution en 1903 Sexe et Caractère, écrit aussitôt à son auteur: «Un admirateur des femmes adhère avec enthousiasme aux arguments de votre mépris pour les femmes.» Peu après la parution de son chef d'œuvre, Otto Weininger âgé de vingt-trois ans seulement, se suicidera dans la maison de Beethoven. À ce propos, Karl Kraus notera: «Je ne l'ai connu que de loin, ce qui me donne compétence pour porter un jugement. Son regard me plaisait, car il n'avait rien du commerçant ni du client. Je crois qu'il était de ceux à qui la vie ne fait et ne peut consentir aucune remise.» Il lui rendra d'ailleurs souvent hommage dans son journal: Die Fackel. Et l'autorité de Kraus explique sans doute pourquoi Ludwig Wittgenstein a été marqué à vie par Weininger.

Karl Kraus demandera également à Strindberg de saluer le génie de Weininger, ce qu'il fera dans un article qu'il intitulera: Idolâtrie, gynolâtrie dont on doute qu'il serait publiable aujoud'hui, mais qui figure dans le livre de Jacques Le Rider et dont voici un extrait : «Dans la chaîne de l'évolution, la femme est placée entre l'enfant et l'homme. L'homme a créé toute la culture intellectuelle et matérielle. Sa supériorité ne peut lui être contestée que par des débiles mentaux qui invoquent les tableaux médiocres de Rosa Bonheur, les romans d'émancipation de George Sand et l'usurpation de la cause pacifiste par Bertha von Suttner.» Et pourtant l'homme idéalise la femme. Pourquoi? Parce qu'il a besoin de l'«adorer» ( ricanements dans la salle ) pour pouvoir s'approcher d'elle. Cette adoration repose sur la douce illusion qui accompagne la folie érotique ou divine dont Socrate parle si joliment dans Le Banquet. Selon Strindberg – mais Karl Kraus ne l'aurait pas démenti – la femme amoureuse est en dernière analyse à cinquante pour cent en chaleur et à cinquante pour cent mue par la haine. Weininger aurait applaudi des deux mains.

Mais l'apologie d'Otto Weininger sous la plume de Karl Kraus lui vaudra des attaques violentes, notamment de la part des psychiatres qui considéraient Weininger comme un «dégénéré supérieur» – Freud, néanmoins lui concédait du génie. Réponse de Karl Kraus: «La crapulerie psychiatrique, non contente de détruire les vivants, se met à autopsier les cadavres célèbres. On ne mettra pas cette entreprise clinique sur le compte d'un mauvais vouloir, mais sur celui d'une sottise bornée qui veut poursuivre là où elle ne peut pas suivre et qui oblige à déclarer l'auteur irresponsable de ses actes.»

Par ailleurs, c'est dans ses aphorismes que Karl Kraus poursuivra son dialogue avec Otto Weininger en assénant ses quatre vérités au lecteur en le faisant sourire, dit Jacques Le Rider. Espérons que ce soit encore vrai. Et que le sourire ne se transforme pas en grimace quand il – et surtout elle – lira, entre autres, que «la personnalité de la femme est l'absence d'être, ennoblie par l'inconscience.» Ou encore: «L' homme a cinq sens, la femme n'en a qu'un.»

Karl Kraus, si proche de Cioran à bien des égards, cultivait la forme aphoristique. Elle était, selon lui, l'épreuve qui révèle si on a vraiment une vision du monde.

Il était temps de disposer d'une biographie érudite et toujours plaisante à lire de ce phare et brûlot de la modernité viennoise et de cet entrepreneur en démolitions que fut Karl Kraus. Merci à Jacques Le Rider de s'y être attelé. 



Karl Kraus par Jacques Le Rider. Éd. du Seuil. 550 pages. 26 Euros.

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