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Chronique

Chronique / Apollinaire l’Enchanteur


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En ce 9 novembre 1918, la rumeur court dans Paris: le Kaiser a abdiqué – nous sommes deux jours avant l’Armistice. Dans les rues, on crie «A bas Guillaume». Au no 202 du Boulevard Saint-Germain, un homme alité perçoit ces cris et, dans son délire, croit qu’ils s’adressent à lui.



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Cet homme, c’est Guillaume Apollinaire atteint par la grippe espagnole. Il meurt ce même jour à 6 heures du soir – à cette époque on ne disait pas encore 18 heures. Le poète d’Alcools, de L’Enchanteur pourrissant, des Calligrammes n’avait pas quarante ans.

«Soirs de Paris ivres du gin

Flambant de l’électricité

Les tramways feux verts sur l’échine

Musiquent au long des portées

De rails leur folie de machines»

Depuis que l’art et la littérature sont ma raison de vivre, combien de fois me suis-je récité ces vers extraits de La Chanson du Mal-Aimé? Ils évoquent pour moi si parfaitement la magie de Paris et de ses cafés que j’ai beaucoup fréquentés lorsque j’étais jeune et que je m’essayais à la poésie. Je pourrais également citer Zone,

«Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin»

Et bien sûr Le Pont Mirabeau, qui compte parmi les plus beaux poèmes du XXe siècle,

«Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure» 



Guillaume Apollinaire lit «Le Pont Mirabeau», vers 1913.

Ces trois poèmes font partie d’Alcools, le recueil qu’Apollinaire publie en 1913 au Mercure de France. Il s’agit, sauf erreur, du tout premier ouvrage de poésie dénué de ponctuation. La critique savante a beaucoup glosé sur les raisons de cette suppression. Or si l’on en croit Louise Faure-Favier (1870-1961), aviatrice, grande voyageuse, romancière, qui rencontra Apollinaire en 1912, c’est d’abord le fruit d’un accident. Comme il lisait les premières épreuves du volume, Apollinaire remarqua de nombreuses fautes de ponctuation dues aux typographes. Alors, «dans un mouvement d’impatience et sans plus d’hésitation, raconte-t-elle dans ses Souvenirs qui viennent d’être réédités, Apollinaire décida de supprimer toute la ponctuation. Et, d’une plume résolue, il traça un magistral deleatur s’appliquant à la ponctuation tout entière d’Alcools, de la première à la dernière ligne.» Voilà comment l’on invente en quelque sorte la modernité!

Raphaël Aubert à côté du monument à Apollinaire par Picasso, Paris © Coll.part.

Une étoile au front

S’il est un écrivain de la «vie moderne», au sens où on l’entend à propos de l’œuvre d’un Edouard Manet, c’est bien Apollinaire. N’est-il pas à l’origine du terme «surréalisme» qui figure dans le texte rédigé pour le ballet Parade en 1917? Et que dire de la dette contractée à son endroit par l’art moderne, notamment le cubisme, qu’il ne cessa de défendre? Car Apollinaire, comme on le sait, a beaucoup écrit sur la peinture. Grâce à son ami André Salmon, il tint notamment de 1910 à 1914 la rubrique «La Vie artistique» du quotidien L’Intransigeant. Ainsi à propos de Matisse, exposé au Salon d’Automne de 1910, il écrit: «La couleur très rare et très belle, voilà ce qu’il trouve plus souvent qu’aucun autre peintre, et la puissance décorative de ses ouvrages ne peut être niée à moins d’une insigne mauvaise foi.» La liste est longue des artistes défendus par Apollinaire: Picasso, Chagall, Kandinsky, Mondrian, de Chirico. Picasso, qu’il surnomme «L’Oiseau du Bénin», exécutera d’ailleurs le frontispice de l’édition originale d’Alcools. Le livre inspirera aussi une série de cuivres à un autre peintre, Louis Marcoussis (1878-1941). Celui-ci réalisera également de subtiles aquarelles directement sur les pages d’un exemplaire d’Alcools, aujourd’hui reproduites en fac-similé, toujours à l’occasion du centenaire de la mort du poète.

Apollinaire, Calligramme du 9 février 1915 © Wikipédia

A propos d’Apollinaire, comment ne pas évoquer aussi son amour – souvent malheureux – des femmes? Annie de La Chanson du Mal-Aimé, la peintre Marie Laurencin et bien sûr Lou. De son nom complet Louise de Coligny-Châtillon – elle décédera à Genève en 1963. Tous deux se rencontrent au début de la guerre, alors qu’Apollinaire, bien qu’étranger, vient de s’engager. Les poèmes que lui inspire cette brève, mais intense passion, et dont plusieurs figureront dans Calligrammes, paraîtront en 1955 seulement chez Pierre Cailler à Genève. Mêlant amour et guerre, une guerre presque joyeuse, ils sont d’une absolue liberté:   

«Nos 75 sont gracieux comme ton corps

Et tes cheveux sont fauves comme le feu d’un obus

qui éclate au nord»

Ou encore:

«L’amour est libre il n’est jamais soumis au sort

O Lou le mien est plus fort encor que la mort»


Guillaume Apollinaire, 1916 © Wikipédia

La guerre ne va pourtant pas épargner Apollinaire. Le 17 mars 1916, le sous-lieutenant Kostrowitzky – son vrai nom – est blessé à la tête au bois des Buttes, au pied du Chemin des Dames. Ramené à Paris, à l’hôpital italien, on doit le trépaner; s’en suit une longue convalescence. Mais le poète est marqué pour toujours,    

«Une belle Minerve est l’enfant de ma tête

Une étoile de sang me couronne à jamais»

La mort, qui l’avait frôlé de son aile dans les tranchées de Champagne, finit par le rattraper ce 9 novembre 1918

«Hommes de l’avenir souvenez-vous de moi.»


Guillaume Apollinaire, Alcools, coffret contenant le fac-similé d’Alcools aquarellé par Louis Marcoussis, 40 gravures et une étude par Jean-Marc Chatelain, Gallimard / BNF, 2018

Louise Faure-Favier, Souvenirs sur Apollinaire, Grasset «Les Cahiers Rouges», 2018

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