Actuel / L’Espagne de toutes les surprises
Un de ces derniers samedis, une manifestation «hors système» défilait à Madrid. Avec tout juste deux voitures de police pour ouvrir la rue, deux pour conclure le cortège. © Jacques Pilet
Vous pensez que l’homme détruit la planète? Que le climat est la priorité absolue? Que la vague populiste et fascisante va balayer nos pays? Que les démocraties sont malades? Que l’Union européenne va se défaire? Que la migration va bouleverser le Vieux Continent? Que la révolte des pauvres va renverser le capitalisme? Alors un conseil: n’allez pas en Espagne. Vous y trouverez bien peu de monde pour partager vos angoisses ou vos espoirs. La vie politique y est totalement différente en comparaison avec l’autre côté des Pyrénées.
Le débat est chaud à Madrid et dans plusieurs régions car, le 26 mai, se tiendront à la fois les élections européennes et des élections municipales, notamment dans la capitale. La sérénité semble régner: peu d’attaques personnelles sur les réseaux sociaux, des discussions polies à la télévision.
On a beaucoup parlé de l’émergence d’un parti d’extrême-droite, Vox. Il a recueilli 10% des voix aux élections nationales. Parlons-en néanmoins. Vox a démarré dans le discours anti-migration. Sans grand succès. Il a gardé le thème en sourdine mais il brandit désormais plus haut sa volonté de restaurer la grande Espagne historique, de passer l’éponge sur le franquisme, de maudire les indépendantistes. Et en prime, pourfendre les lois sur la protection des femmes et des homosexuels. Ce ne sont pas ces nostalgiques qui marqueront l’avenir.
Pedro Sanchez est à la tête du pays depuis juin 2018. © Flickr
La gauche socialiste est sortie en tête de la dernière consultation. Alors qu’à peu près toutes les autres social-démocraties perdent du terrain. Bien que les négociations à venir s’annoncent longues et délicates, l’habile Pedro Sanchez, président du gouvernement, semble en mesure, après le succès des dernières élections générales, de constituer une majorité avec Podemos, une extrême-gauche très assagie. A la barbe du puissant centre-droit, Ciudadanos, et de la droite traditionnelle, le PP, en pleine déroute. Une même alliance pourrait bien conquérir la mairie de Madrid.
Le drapeau anarchiste. © Jacques Pilet
Pas trop étonnant dans un pays où les salaires, extrêmement bas, ont été augmentés de 22% au début de l’année, ainsi que les retraites améliorées, par la volonté d’un gouvernement qui entend aussi taxer davantage les banques. Et tout cela sans effrayer les milieux économiques, qui affichent un bel optimisme pour 2019. Rien dans ce pays ne se passe comme ailleurs.
Reste le point le plus sensible et le plus discuté: l’attitude à avoir face aux indépendantistes catalans. Les droites se déchaînent contre eux. La gauche s’oppose aussi au mouvement, mais avec habileté. Pedro Sanchez vient de proposer que les deux Chambres du Parlement soient présidées par des personnalités catalanes autonomistes.
Des Gilets jaunes quelque part? Pas trace! Un de ces derniers samedis, une manifestation «hors système» défilait à Madrid. Avec tout juste deux voitures de police pour ouvrir la rue, deux pour conclure le cortège. Pas une poubelle renversée. La banderole de tête annonçait pourtant avec ironie: «Nous sommes ingouvernables». Un jeune homme brandissait le drapeau noir de l’anarchie devant un groupe rigolard. Foule mélangée, des jeunes, des vieux, tous de bonne humeur. Un slogan situe le propos: «L’orgueil ne se vend pas au capitalisme rose». Revendication féministe aussi: «Si on touche à une, nous répondons toutes». Ou encore: «L’écoféminisme contre la patriarcat fossile». Une seule allusion au climat: «Les océans montent, nous aussi!» L’Europe? Elle n’apparaît qu’une fois: «Non à l’Europe-forteresse. Les droits humains ne se négocient pas.»
C’est ce qui frappe dans cette campagne européenne. Pas un seul parti ne pourfend l’UE. Ni à gauche, ni à droite. Personne ne paraît craindre ou espérer son éclatement. Même les exaltés d’extrême-droite ne reprennent pas les rengaines de Salvini. L’agitateur ultra-nationaliste Banon n’a pas passé par là.
Autre surprise pour qui vient d’ailleurs: pas une seule formation écologiste n’est montée au front. Le réchauffement climatique? Désolé, mais à peu près personne n’en parle dans les débats.
© Jacques Pilet
Mais le plus étrange pour le voyageur qui a traversé la France pour arriver là, c’est la bonne humeur dans la rue, sur les terrasses si remplies des bistrots. Dans un pays où le salaire minimum est à 900 euros, le chômage des jeunes massif, la hausse des loyers un souci permanent. Et où les aspirations séparatistes n’ont pas dit leur dernier mot.
D’où provient cette apparente sérénité? Hypothèse: le souvenir de la guerre civile et du franquisme (jusqu’en 1975, ce n’est pas si ancien), est encore bien présent. Le mot démocratie, à cette lumière, a un poids que d’autres, plus favorisés, prennent parfois à la légère. Allez-y voir. Et trouvez votre propre clé de la différence espagnole.
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Ce grand courant, prolongé plus tard par la «<em>Naturphilosophie</em>» allemande et surtout le géant Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) auquel Martin Bernard consacre d’admirables pages. Allant au-delà des œuvres les plus connues, explorant sa philosophie, sa façon de «pénétrer au cœur des grandes énigmes de la vie et de l’univers».</span></p> <p><span>Tout cela est bien beau, direz-vous, mais aujourd’hui, comme 61% des personnes interrogées par l’Office of Science and Technology britannique, vous pensez peut-être que «la science est dirigée par le monde des affaires, au bout du compte, c’est une histoire d’argent». Là Martin Bernard va jusqu’à proposer que soient créés de nouveaux instituts de recherche, plus attentifs aux besoins et souhaits de la population… financés par une taxe sur les transactions financière spéculatives. </span></p> <p><span>Mais alors pourquoi diable en appeler à un renouveau? Pas besoin de faire un dessin. L’Europe est en déclin. Le best-seller de Emmanuel Todd (<em>La défaite de l’Occident</em>, éd. Gallimard) en fait brillamment le tour, y compris pour la Grande-Bretagne si chère à son cœur. Un peu simpliste parfois, lorsqu’il insiste lourdement sur l’abandon de la pratique religieuse, surtout celle des protestants qu’il a en si haute estime. Mais il a raison de parler de la montée du nihilisme. En Amérique étendu à l'Europe. Le consumérisme finit par consumer la petite flamme qui fait le propre de l’humanité. Selon le philosophe français Abdennour Bidar «l’humanisme est le fil directeur ou l’inspiration profonde de l’histoire culturelle de l’Occident». Mais où le renouer, ce fil? Par l’école, bien sûr, et pas celle des programmes mijotés de Microsoft, par la méditation, par un dialogue respectueux et curieux avec d’autres civilisations. Un petit tour en Asie, en Afrique, en Amérique latine, ça aide à comprendre le monde et à se connaître soi-même. Et surtout, c’est plus abordable, la lecture! Celle du livre Martin Bernard ouvre tant de perspectives stimulantes... Il foisonne de citations-clés. Au moins lire le dos de la couverture: «S’interroger sur l’avenir du continent européen n’a pas pour ambition de créer un nouvel impérialisme rivalisant avec ceux des autres grandes puissances, mais de susciter un nouvel espoir civilisationnel centré sur le respect et l’intégrité de la personne humaine et de la nature, ainsi que sur de nouvelles formes d’entraide et de spiritualité. 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Ils rencontrent beaucoup de problèmes ces temps-ci…', 'content' => '<p><span>Les minorités russophones sont perçues, à tort ou à raison, comme des sympathisants de Poutine. Le gouvernement a lancé tout un programme de «dérussification»: interdiction de regarder les télés et d'écouter les radios russes, restrictions des programmes locaux dans cette langue qui d’ailleurs disparaîtra totalement des écoles en 2025. Les russophones qui n’ont plus de passeports depuis la fin de l’URSS doivent maintenant obtenir un permis de séjour soumis à un examen de langue. S’ils ne maîtrisent pas suffisamment le letton, s’ils ratent un deuxième essai, ils sont menacés d’expulsion vers la Russie. Les jeunes générations sont peu touchées mais les personnes âgées se trouvent dans des situations difficiles au quotidien. L’administration a banni le russe. A Riga, dans les rues, dans les magasins, à l’aéroport, plus une enseigne en caractères cyrilliques. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Juanpablo45 21.05.2019 | 13h37
«Ayant la chance d'habiter l'Espagne depuis 2004, dans un tout petit village de montagne de la province d'Alicante, je confirme tout à fait l'analyse de monsieur Pilet. Nous sommes en pleine campagne électorale et nulle part on note de l'agressivité, au contraire: les gens sont très respectueux en général, trop peut-être. Je suis encore adjoint au maire jusqu'en juin, après avoir été élu ils a 4 ans. J'ai décidé de ne pas me représenter, alors l'on m'y invitait de partout, car, contrairement à ce que l'on pense, les municipaux n'ont que très peu de pouvoir, si ce n'est de voter lors des séances plénières. Je préfère me consacrer à des activités culturelles, comme un club de cinéma, une association culturelle et un centre de loisirs que je peux gérer comme bon me semble. Il y a beaucoup de fêtes de toutes sortes, on y boit passablement, mais presque jamais il n'y a de bagarres, surtout que les gens se connaissent tous et que n'importe quel pugilat serait malvenu. En général, les gens sont vraiment agréables et c'est un plaisir de vivre au milieu d'eux. Je me rends souvent à Madrid, ville que j'apprécie tout particulièrement, et m'y sens aussi à l'aise que dans mon petit village. Les activités culturelles y sont nombreuses et la gastronomie pas trop chère et excellente. Quant à la démocratie, les citoyens en sont fiers et admirent beaucoup celle que nous connaissons en Suisse où le peuple peut participer aux décisions importantes, même si tout n'est pas parfait. La différence espagnole est effectivement très marquée, dans le bon sens.»