Actuel / Constituante valaisanne: du lard ou du cochon?
Elle est sur toutes les lèvres violettes des journalistes valaisans: «la Constituante» (votation le 25 novembre prochain). © DR
«La con-sti-tu-quoi? Mais de quoi me parles-tu encore, triste sire? Tu me saoules, avec ta politique.» Vous aussi, vous n’y comprenez rien? La constituante valaisanne, à quoi ça sert? Cette votation qui attend les Valaisans pour la fin du mois constitue-t-elle un vrai enjeu, ou un événement politique plus marketing que citoyen? Voici un papier d’avis. Puisse-t-il être éclairant, voire éclairé.
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Essayons donc d’expliquer l’affaire le plus clairement possible et d’assumer une analyse personnelle, car le journalisme neutre n’existe pas, et même s’il existait, nous pourrions d’autant plus adopter une posture indocile et défendre le journalisme de réflexion qui faisait la gloire du 19<sup>e</sup> siècle.</p><h3>Une constitution valaisanne datant de 1907</h3><p>Il faudrait justement presque retourner à cette époque si l’on voulait assister rétrospectivement à la rédaction de la Charte fondamentale du canton du Valais: la Constitution du Vieux Pays date de 1907. Ce simple fait historique est inacceptable pour une partie de la communauté politique valaisanne et rend indispensable la nécessité de refondre ce texte poussiéreux. Le canton s’est profondément modifié en un siècle et il serait temps, selon les forces progressistes allant de la gauche de la gauche au PLR, que ses lois fondamentales s’en montrent témoins. Une majorité de la population valaisanne s’est prononcée le 4 mars 2018 en faveur de l’initiative «Pour une révision totale de la Constitution cantonale du 8 mars 1907», soit cent-onze ans et onze jours après la naissance de cette dernière. Un signe?</p><p>Quoi qu’il en soit, les Valaisans ont décidé simultanément que la refonte de leur constitution, leur texte de lois fondamentales, devait se faire par la voie d’une assemblée constituante. Cet organisme particulier se caractérise par des membres élus précisément dans le but de rédiger une nouvelle constitution. C’est le peuple valaisan qui élira ces membres de la constituante – au nombre de cent trente, comme les députés – le 25 novembre prochain. Les différents candidats en lice pour chaque district se répartissent en six listes: cinq d’entre elles représentent les principaux partis valaisans (Les Verts, la Gauche, le PDC, le PLR et l’UDC); la liste restante est un ensemble de personnes issues de la société civile réunies sous la bannière «Appel Citoyen».</p><h3>«Appel Citoyen»: une mascarade?</h3><p>C’est la grande star de cette votation: une liste citoyenne, affranchie des partis traditionnels. Un ensemble de candidats sans couleur politique. Une réelle nouveauté? Pas vraiment. A l’échelle des communes, le Valais compte nombre de «groupements citoyens», «ententes» ou autres «alliances citoyennes». Au niveau cantonal, on se souvient du Mouvement citoyen valais créé par l’ancien porte-parole de la police Jean-Marie Bornet, qui briguait alors, sans succès, un siège au Conseil d’Etat – son propre père y ayant siégé sous l’étiquette démocrate-chrétienne.</p><p>C’est ce MCV dont on ne retient pas grand-chose qui est à la base du rebaptisé «Appel Citoyen». Parmi les candidats des différents districts, on trouve tous les âges, tous les sexes, toutes les origines. «La parité hommes-femmes nous tient beaucoup à cœur», m’affirme Marisa Celas, une candidate de vingt-sept ans de la liste du district de Sierre. Tout comme le «multiculturalisme, qui est une composante du Valais dont il faut tenir compte». Mais hors de question de s’afficher à gauche, voire au centre-gauche, où leurs adversaires les cataloguent: «Appel citoyen souhaite dépasser le clivage gauche-droite».</p><p>Et si ce macronisme à la valaisanne cachait ce qu’En marche semble avoir pour moelle épinière, un ancrage dans les élites progressistes déconnectées de la population? C’est l’avis de l’historien Philippe Bender, candidat de la liste «Valeurs libérales-radicales» du district de Martigny, martelant dans les éditions d’octobre du <em>Confédéré</em> qu’à bien regarder les profils professionnels de la plupart des candidats d’Appel Citoyen, ce mouvement est avant tout celui des hauts-fonctionnaires. Son programme proétatique perdrait alors de son parfum de bien commun à en croire l’historien radical, qui n’hésite pas à dénoncer la tribune offerte par <em>Le Nouvelliste</em> à cette «société civile» autoproclamée.</p><h3>Le débat de la laïcité</h3><p>Qu’importe, au fond, on voit qu’il s’agit là d’un combat idéologique. 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Le supprimer, comme le demandait le comité de l’initiative mort-née de 2014 «pour un Valais laïque», à laquelle, jadis, je participai? Au fond, c’est sur ce genre de problématiques – la laïcité, mais aussi les institutions, le droit de vote des étrangers et la cohésion entre le bas et le haut du canton – que la Constituante aura des réponses intéressantes à apporter. En elle-même, la votation qui attend les Valaisans ne constitue aucun enjeu. 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Nous parlons de la censure d’opinions et de crachats au visage d’intellectuels français venus simplement présenter leur livre à un petit public curieux de se confronter à un avis nuancé sur les débats qui secouent actuellement la notion de genre. Les psychanalystes Céline Masson et Caroline Elliachef étaient venues le 29 avril parler de leurs critiques à l’égard de la médicalisation précoce des enfants qui désirent changer de sexe; le philosophe Eric Marty était quant à lui venu le 17 mai parler de la différence entre l’approche anglo-saxonne et l’approche européenne du genre dans l’histoire des idées. Traitées de «transphobes», ces personnalités – situées à gauche! – ont été violemment contraintes d’annuler leur prise de parole sur le sol helvétique.</p> <p>Sur cette indéfendable affaire se superpose un deuxième scandale: mise sous pression par la CUAE – la «Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant.e.x.s» – l’Université de Genève (UniGE) a abandonné son dépôt de plainte contre les transactivistes ayant fait preuve de violence. Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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Une constitution valaisanne datant de 1907
Il faudrait justement presque retourner à cette époque si l’on voulait assister rétrospectivement à la rédaction de la Charte fondamentale du canton du Valais: la Constitution du Vieux Pays date de 1907. Ce simple fait historique est inacceptable pour une partie de la communauté politique valaisanne et rend indispensable la nécessité de refondre ce texte poussiéreux. Le canton s’est profondément modifié en un siècle et il serait temps, selon les forces progressistes allant de la gauche de la gauche au PLR, que ses lois fondamentales s’en montrent témoins. Une majorité de la population valaisanne s’est prononcée le 4 mars 2018 en faveur de l’initiative «Pour une révision totale de la Constitution cantonale du 8 mars 1907», soit cent-onze ans et onze jours après la naissance de cette dernière. Un signe?
Quoi qu’il en soit, les Valaisans ont décidé simultanément que la refonte de leur constitution, leur texte de lois fondamentales, devait se faire par la voie d’une assemblée constituante. Cet organisme particulier se caractérise par des membres élus précisément dans le but de rédiger une nouvelle constitution. C’est le peuple valaisan qui élira ces membres de la constituante – au nombre de cent trente, comme les députés – le 25 novembre prochain. Les différents candidats en lice pour chaque district se répartissent en six listes: cinq d’entre elles représentent les principaux partis valaisans (Les Verts, la Gauche, le PDC, le PLR et l’UDC); la liste restante est un ensemble de personnes issues de la société civile réunies sous la bannière «Appel Citoyen».
«Appel Citoyen»: une mascarade?
C’est la grande star de cette votation: une liste citoyenne, affranchie des partis traditionnels. Un ensemble de candidats sans couleur politique. Une réelle nouveauté? Pas vraiment. A l’échelle des communes, le Valais compte nombre de «groupements citoyens», «ententes» ou autres «alliances citoyennes». Au niveau cantonal, on se souvient du Mouvement citoyen valais créé par l’ancien porte-parole de la police Jean-Marie Bornet, qui briguait alors, sans succès, un siège au Conseil d’Etat – son propre père y ayant siégé sous l’étiquette démocrate-chrétienne.
C’est ce MCV dont on ne retient pas grand-chose qui est à la base du rebaptisé «Appel Citoyen». Parmi les candidats des différents districts, on trouve tous les âges, tous les sexes, toutes les origines. «La parité hommes-femmes nous tient beaucoup à cœur», m’affirme Marisa Celas, une candidate de vingt-sept ans de la liste du district de Sierre. Tout comme le «multiculturalisme, qui est une composante du Valais dont il faut tenir compte». Mais hors de question de s’afficher à gauche, voire au centre-gauche, où leurs adversaires les cataloguent: «Appel citoyen souhaite dépasser le clivage gauche-droite».
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Le débat de la laïcité
Qu’importe, au fond, on voit qu’il s’agit là d’un combat idéologique. Mais il faut bien reconnaître que le modernisme revendiqué par certains fait sourire dans ce coin de pays où les conformistes ont toujours su jouer les réformistes. Au-delà des médias, qu’en pense le peuple? Une grande inconnue, que cette votation du 25 novembre. Faire table rase du passé, quel citoyen le voudrait? Elire des candidats partisans pour former une assemblée distincte du Grand Conseil, composé des mêmes partis, est-ce que cela rime à quelque chose? Finalement, quel verdict sortira des urnes? Dieu seul le sait.
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Essayons donc d’expliquer l’affaire le plus clairement possible et d’assumer une analyse personnelle, car le journalisme neutre n’existe pas, et même s’il existait, nous pourrions d’autant plus adopter une posture indocile et défendre le journalisme de réflexion qui faisait la gloire du 19<sup>e</sup> siècle.</p><h3>Une constitution valaisanne datant de 1907</h3><p>Il faudrait justement presque retourner à cette époque si l’on voulait assister rétrospectivement à la rédaction de la Charte fondamentale du canton du Valais: la Constitution du Vieux Pays date de 1907. Ce simple fait historique est inacceptable pour une partie de la communauté politique valaisanne et rend indispensable la nécessité de refondre ce texte poussiéreux. Le canton s’est profondément modifié en un siècle et il serait temps, selon les forces progressistes allant de la gauche de la gauche au PLR, que ses lois fondamentales s’en montrent témoins. 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Les différents candidats en lice pour chaque district se répartissent en six listes: cinq d’entre elles représentent les principaux partis valaisans (Les Verts, la Gauche, le PDC, le PLR et l’UDC); la liste restante est un ensemble de personnes issues de la société civile réunies sous la bannière «Appel Citoyen».</p><h3>«Appel Citoyen»: une mascarade?</h3><p>C’est la grande star de cette votation: une liste citoyenne, affranchie des partis traditionnels. Un ensemble de candidats sans couleur politique. Une réelle nouveauté? Pas vraiment. A l’échelle des communes, le Valais compte nombre de «groupements citoyens», «ententes» ou autres «alliances citoyennes». Au niveau cantonal, on se souvient du Mouvement citoyen valais créé par l’ancien porte-parole de la police Jean-Marie Bornet, qui briguait alors, sans succès, un siège au Conseil d’Etat – son propre père y ayant siégé sous l’étiquette démocrate-chrétienne.</p><p>C’est ce MCV dont on ne retient pas grand-chose qui est à la base du rebaptisé «Appel Citoyen». Parmi les candidats des différents districts, on trouve tous les âges, tous les sexes, toutes les origines. «La parité hommes-femmes nous tient beaucoup à cœur», m’affirme Marisa Celas, une candidate de vingt-sept ans de la liste du district de Sierre. Tout comme le «multiculturalisme, qui est une composante du Valais dont il faut tenir compte». 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Mais il faut bien reconnaître que le modernisme revendiqué par certains fait sourire dans ce coin de pays où les conformistes ont toujours su jouer les réformistes. Au-delà des médias, qu’en pense le peuple? Une grande inconnue, que cette votation du 25 novembre. Faire table rase du passé, quel citoyen le voudrait? Elire des candidats partisans pour former une assemblée distincte du Grand Conseil, composé des mêmes partis, est-ce que cela rime à quelque chose? Finalement, quel verdict sortira des urnes? Dieu seul le sait.</p><p>Ou plutôt devrait-on dire: qui sait. Car Dieu se trouve au centre d’une querelle récente en Valais, celle de la laïcité. Et ce débat n’est pas étranger à notre sujet: le préambule de la Constitution valaisanne, «Au nom de Dieu tout-puissant», divise les esprits. Faut-il le maintenir, comme le soutient l’UDC? Faire en sorte qu’il s’adresse à toutes les communautés, comme le demande une partie de la gauche? 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Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? 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Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. 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Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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Mais il est parfois utile de jeter un coup d’œil plus affuté sur les représentants que nous avons encore actuellement à Berne. Car la composition d’un législatif dit quelque chose de la sociologie politique d’un pays. Deux prismes sont choisis ici: la diversité d’idées parmi les élus de chaque parti ainsi que leur profil socio-professionnel. Deux entrées a priori indépendantes mais qui touchent néanmoins à un thème commun: le pluralisme, garant, selon beaucoup de théories, d’une certaine représentativité de la société dans sa diversité.</p> <h3>Le pluralisme des idées, un gros mot à gauche?</h3> <p>On parle toujours de «l’avis des partis» sur tel ou tel sujet. Certes, les diverses formations politiques, par les votes de leurs délégués lors des assemblées, adoptent des résolutions, des prises de position, etc. Mais on oublie souvent que les partis sont composés de personnes, dont les plus importantes politiquement, dans une démocratie représentative, sont les élus. 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Ce qui signifie bien qu’il y a plus de différences entre les ailes gauche et droite d’un parti de droite (ou du centre) qu’entre les ailes gauche et droite d’un parti de gauche. Fait éclairant, le constat peut être vérifié avec d’autres élections sur le site de Smartvote, par exemple l’actuel scrutin vaudois.</p> <p>Interrogé sur ces données, l’historien et juriste Olivier Meuwly, membre du PLR, prêche d’abord pour sa paroisse: «Le pluralisme des idées est une vertu sur le plan intellectuel». Mais il nuance aussitôt: «Cela peut être aussi un facteur de confusion ou de division sur le plan électoral.» Historiquement, les libéraux-radicaux ont toujours eu cette caractéristique, explique le spécialiste. Une caractéristique qu’il juge donc neutre: les partis de droite n’en ressortent pas plus légitimes. Il constate en revanche un écart entre le discours de gauche et la réalité de son corps d’élus: «La pluralité et la tolérance, brandies si souvent par le PS et les Verts, sont bien plus présentes chez leurs adversaires dans les faits. On le constate aussi dans des débats de société actuels, avec par exemple le courant woke de la gauche qui souhaite restreindre la liberté d’expression, censurer des œuvres, interdire certaines discussions, etc.»</p> <h3>La diversité des profils socio-professionnels, un atout? </h3> <p>La discussion devient encore plus intéressante quand on se penche sur un autre schéma: celui de l’observatoire des élites suisses (OBELIS), de l’Université de Lausanne, représentant le profil socio-professionnel des politiciens actuellement sous la Coupole. Ceux-ci sont répertoriés selon la distinction «ayant suivi des hautes études - n’ayant pas suivi de hautes études». 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Mais il faut noter toutes les fois où la gauche, dans notre pays, place au premier plan de ses revendications l’égalité des chances, la dignité de chaque individu, le fait que chacun puisse et doive s’engager en politique ou dans un conseil d’administration, etc. Il y a donc un paradoxe évident entre la forte présence de ces thèmes au niveau de la posture de la gauche et la réalité des origines socio-professionnelles au niveau de ses représentants.</p> <p>Encore une fois, il n’a pas été question ici d’évaluer positivement ou négativement une homogénéité d’opinions ou de parcours. Mais de pointer des faits et de les mettre en perspective avec le langage de la gauche. Cette famille de pensée, incontournable dans la vie politique suisse, devrait davantage se pencher sur ses paradoxes. «C’est une des conditions pour que la social-démocratie, prise dans ses contradictions internes, ne subisse pas une dégringolade à la française – moins violente, mais quand même. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Muqingfu 17.11.2018 | 18h01
«Une dernière phrase qui fleure bon ou mauvais l’etat d’esprit d’un jeune déjà sans illusions sur les valeurs réactives d’un pays souvent hâtivement fantasmé.»
@Muqingfu 17.11.2018 | 18h02
«Une dernière phrase qui fleure bon ou mauvais l’etat d’esprit d’un jeune déjà sans illusions sur les valeurs réactives d’un pays souvent hâtivement fantasmé.»