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Actuel / Ce qu’annonce la révolte des Gilets jaunes

Jacques Pilet

2 décembre 2018

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Pas besoin d’attendre que les Champs Elysées soient nettoyés ou que samedi prochain enflamme à nouveau les Gilets jaunes. On peut déjà se poser quelques questions sur cette effervescence inédite, sur ce qu’elle dit de notre société. Au-delà de la France.



La violence de cette journée d’insurrections ne doit pas cacher l’enjeu politique. Premier constat: cette colère montée d’en bas marque l’échec d’Emmanuel Macron. Ses premières mesures, l’abolition de l’impôt sur la fortune, l’allègement de celui sur les entreprises, suivies par un surcroît de taxes pour les retraités, l’augmentation de celles sur les carburants, des coupes dans les budgets sociaux: il y avait tout pour mettre le feu aux poudres. Que le président ait choisi cette politique pour «plaire aux riches» ou qu’il ait cru sincèrement à son efficacité, peu importe, cela ne marche pas. Les faveurs accordées aux détenteurs de la richesse n’ont pas amélioré le paysage économique. Les sous ne sont pas allés dans l’innovation, la création d’entreprises et d’emplois, dans un élan de croissance: ils ont filé vers les bourses internationales si ce n’est dans les paradis fiscaux. C’est là le péché originel de ce mandat. Ce ne sont pas des rustines sociales collées à cette machine qui renverseront le courant.

Tout a été dit sur le choc produit par la soudaine mise en lumière d’une réalité pourtant connue: des millions de personnes, en France, n’arrivent plus à s’en sortir avec leurs trop maigres ressources. Il a suffi qu’une femme trentenaire, mère de deux enfants, dans sa province du nord, trouve la géniale idée de dire cela en proposant de porter des gilets jaunes pour que tout s’emballe grâce aux réseaux sociaux, en marge de tous les partis, de tous les syndicats. Avec de surcroît la formidable amplification médiatique grâce aux chaînes d’information de la télévision. C’est un fait historique.

C’était une trouvaille symbolique. Les Françaises et les Français qui se sentent ignorés dans les palais parisiens, invisibles en quelque sorte, ont trouvé le moyen de dire: nous sommes là, et en colère. La revanche des oubliés, des sans-voix, des désabusés, des abstentionnistes.

La belle histoire a évidemment été aussitôt ternie par l’irruption dans ce sillage de toute sorte d’agitateurs d’extrême-droite et d’extrême-gauche, par l’arrivée de la cohorte des casseurs. Ceux-ci ont remporté une victoire symbolique aussi: la police n’a pas réussi à les empêcher de taguer l’Arc de Triomphe et d’y chambarder ses expositions. Cela malgré l’engagement de plusieurs milliers d'hommes. Cette forme de guérilla urbaine est totalement nouvelle en Europe.

Il y a donc plusieurs leçons à tirer, au-delà du cas français. Des mouvements peuvent surgir en peu de temps, d’une puissance considérable, grâce aux réseaux sociaux. Des partis politiques, débordés dans tous les camps, peuvent tenter de les récupérer, mais à court terme, ils n’y parviennent pas. Le propre du phénomène, c’est que ces révoltés refusent toute représentation. Les Gilets jaunes ont quelques leaders, surtout des femmes, très structurés et éloquents, mais ils sont vite réduits au silence par les masses qu’ils ont mobilisées. Cela aussi est nouveau. L’élan est ainsi condamné à l’impuissance.

Parlons-en aussi des casseurs et de leurs sympathisants. Pour une part, il s’agit de jeunes gens totalement décervelés par l’éducation défaillante, par le divertissement abrutissant, par le vide politique autour d’eux. Et puis il y a des durs qui jouissent dans la castagne. Comme on les voit chez les supporters de foot comme dans les mouvances d’extrême-droite. Une envie de violence qui rôde dans les bas-fonds de la société et chez les anarchistes de l’extrême.

Où mèneront ces éruptions pacifiques ou violentes? Elles n’abattront pas les institutions républicaines dans l’immédiat. Mais elles conduiront forcément à une redistribution de cartes politiques. Tôt ou tard. Aux élections européennes du printemps prochain, aux prochaines présidentielles, ou avant en cas – peu probable – de dissolution de l’assemblée. Et là, le terreau créé par ces nébuleuses révoltées risque bien de faire place aux extrêmes. De gauche? L’heure de Mélenchon est passée, mais le très doué François Ruffin pourrait surgir. De droite? Dame Le Pen patinera, mais d’autres figures inattendues peuvent émerger. C’est de ce côté que souffle le vent si l’on en juge au cas, même différent, de l’Italie.

Ce qui se passe en France interpelle tous les Européens, même ceux qui se croient à l’abri. La détresse sociale induite par l’évolution des technologies et la concentration des richesses, est rampante partout. Plus ou moins atténuée, plus au moins enfouie, mais bien là. Qui la canalisera à son profit? A vous de voir.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Walo 04.12.2018 | 10h40

«Ce que nous ne savons pas voir, c’est l’effondrement du dedans du système représentatif comme mode de gouvernance politique. En France, le phénomène Macron en fait lui-même partie, lui qui a réussi à réduire en miettes tous les partis politiques traditionnels et dont le propre ”parti” se trouve déjà inexistant. En Italie, le phénomène prend forme à sa manière, tandis que le Brexit anglais a fracturé les partis traditionnels. En Suisse même, des journalistes et des médias précarisés contribuent à la méfiance par le ”tous pourris” en révélant des ”affaires” souvent dérisoires au regard de ce qui reste caché. La confiance dans les instituons représentatives se rompt un peu partout.. ”Nous sommes le peuple” clament les gilets jaunes en France, répondant au ”Wir sind das Volk” des Allemands à l’Est. Cela veut dire, à l’adresse des partis traditionnels : « vous ne nous représentez plus, point à la ligne”. Le gilets jaunes clament même ”Personne ne nous représente”.
»


@Lagom 04.12.2018 | 23h36

«Ce soir le Premier Ministre rabote tout seul EUR 2,8 milliards de la recette 2019. Que dira-t-elle la commission européenne? Pourquoi est-elle sévère avec l'Italie mais pas avec le France?. Avant l’avènement de l'EURO; l'Italie, Le France, La Grèce et l'Espagne et d'autres pays avaient l'habitude de budgéter, dépasser le budget, s'endetter à outrance et quand la dette grandissait ils dévaluaient et ça repartait. Ils ont gardé leurs habitudes sauf qu'avec l'EURO ils n'ont plus la liberté de dévaluer. Immense problème ! Peut-être il va falloir sortir l'Allemagne, les pays-bas, l'Autriche et le Luxembourg de l'EURO et le dévaluer violemment pour échapper à une nouvelle crise systémique. Les gilets jaunes sont comme le dentifrice; une fois sortie du tube difficile de le rentrer.»


@Bogner Shiva 212 07.12.2018 | 10h48

«Le jour où ce peuple de gastéropodes en fin de vie qu'est le peuple Suisse se réveillera, ce sera la même chose ! Mais on ne paie pas encore assez de primes d'assurances maladies. Nous n'avons pas encore assez de parlementeurs corrompus par ces même assurances, la pharma, l'industrie militaro.industrielle, la chimie, la téléphonie, la grande distribution etc etc etc !!! Quand on se rendra compte (un jour ?) que la pauvreté en Suisse est une réalité ! Que des personnes actives passent du jour au lendemain de l'idée de la prospérité véhiculée par les partis bourgeois à la pauvreté grâce à cette arnaque que l'on nomme l'AVS ! Quand on se rendra compte que les nouveaux retraîtés, qui ont versé une somme à 7 chiffres...oui 7 chiffres, grâce à 45 voir 50 ans de cotisations, somme qui a servi à verser des rentes à des personnes qui n'ont pas versé le 10 ème de ce que nous on nous a pompé !!! Au nom de la solidarité ! 7 chiffres , j'ai demandé un décompte détaillé et ? 1660.- de rente mensuelle ! 2 ème pilier ? Pour sortir d'une période de chômage , trop vieux , trop qualifié bref trop cher, mon 2ème pilier à servi à me monter ma "boîte" et devenir indépendant. 3 ème pilier ? Ouais faut avoir les moyens.
Quand les données officielles concernant 1/4 de Suisses endettés à vie , 1/3 de Suisses au seuil du minimum vital, que cette classe moyenne inférieure bouclent leurs fins de mois grâce à MBudget atteindront enfin les centres de réflexion des lobotomisés que nous sommes , peut-être qu'enfin plus de 80 personnes brandissant des calicots "manifesteront" à Berne , notre Drooppy romand aura enfin une raison de faire la gueule en présentant le JT ...»


@Lagom 09.12.2018 | 15h01

«@ Bogner Shiva 212. Vous avez raison mais nous portons, en quelques sorte, les Gilets 4 fois par an pour aller voter. Le SECO est responsable de notre misère puisqu'il triche sur les chiffres. ils prétendent 2,7% de chômage alors que le chiffre exact est de 4,8% et 36 mille personnes de plus à l'aide sociale chaque année. Je rêve d'une initiative pour que les statistiques VÉRIDIQUES soient accessibles au public. Aujourd'hui on vote sans savoir la réalité des choses et les résultats dépendent du débats et de l'argent misés par les formations politiques. Le peuple souverain ne l'est pas. »


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