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A vif

A vif / L'affreuse journée de Barcelone

Jacques Pilet

1 octobre 2017

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Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement espagnol a perdu la bataille des images. Toutes les télévisions du monde ont montré des flics vidant des urnes, matraquant ceux qui les défendaient. Le pouvoir de l’Etat est tombé dans le piège. Au lieu de laisser faire un référendum-bidon, organisé sans aucune garantie démocratique, au lieu de dégonfler un acte symbolique, il lui a donné une dimension politique gravissime.



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L’impact du spectacle est tel que tout rappel des causes et des faits devient inaudible. En bref, quelques points cependant. 

Le statut de la Catalogne au sein de l’Espagne lui assure une large autonomie. A preuve, un détail: à la télévision, le représentant du gouvernement central s’adresse aux Catalans dans leur langue.

L’idée du référendum a été lancé par les indépendantistes au lendemain d’élections décevantes pour eux. Leur cause tendait à s’essouffler du fait qu’une grande partie de la population, notamment venue d’ailleurs, s’inquiète du projet. Le chef du mouvement, Carles Puigdemont, a choisi la fuite en avant. Le coup a partiellement réussi… en raison de la maladresse politique et la brutalité du pouvoir de Madrid.

Ce «référendum» n’avait de démocratique que le nom. Non seulement, il sortait du cadre légal et institutionnel, mais il n’offrait aucune garantie. Pas de campagne ouverte aux opposants: ceux-ci n’osaient plus guère s’exprimer ces derniers jours. Pas d’observateurs étrangers. Pas de de contrôles sur l’accès au vote: il était possible de glisser plusieurs bulletins dans les urnes improvisées. Pas d’autorité crédible pour dégager les résultats de l’opération.

Autre rappel nécessaire. Les partisans de l’indépendance sont divisés. Avec une aile droite qui d’ailleurs, dans le passé, s’est toujours fort bien entendue avec sa sœur nationale. Avec une minorité d’extrême-gauche, électoralement décisive, qui se veut anti-espagnole mais aussi anticapitaliste, antieuropéenne et même… anti-française. Car le catalanisme intégral déborde largement les frontières. C’est aussi pour dépasser cette contradiction interne que le front indépendantiste a fait monter les enchères jusqu’à l’extrême.

Le feu est dans la maison

Toute cette journée de dimanche, des personnalités respectables ont défilé devant les caméras de la télévision espagnole pour dénoncer cette «farce». Elles s’exprimaient sur un ton calme. Avec des arguments assez convaincants. Les rares voix indépendantistes étaient plus emportées. Mais qui, en Catalogne, pouvait bien entendre les appels à la raison et au dialogue? Le feu est dans la maison. Les opposants au projet de Puigdemont se taisent. Ses partisans se déchaînent et rentabilisent à leur profit l’émoi des étrangers devant des images détestables.

Le résultat? La Catalogne ne quittera pas l’Espagne. Mais la blessure sera profonde et durable. Tout le pays en souffrira au moment où il se bat pour sortir d’une crise économique qui a été ravageuse. Comment ne pas voir que les investisseurs étrangers se bousculeront moins du côté de Barcelone? Ils n’étaient déjà pas chauds à l’idée de devoir apprendre le catalan en plus de l’espagnol. Resteront les Chinois qui restent zen face aux turbulences de l’actualité. L’image de toute l’Espagne en a pris un coup.

C’est le point de vue du fondateur de «El Pais», Luis Cebrian, militant démocratique de l’ère Franco. Il en appelle au respect de la constitution et du statut d’autonomie. Le «Estatut» avec majuscule. Qui peut être amélioré. Car le vieux plaideur de l’autonomie, Artur Mas, a quelque raison d’écrire dans El Periodico: « Si nous en sommes arrivés à ce point, c’est parce qu’au long de la dernière décade, les institutions espagnoles ont fermé, une à une, les portes que nous leur ouvrions vers une issue négociée, contractuelle, consensuelle, des adjectifs qui paraissent avoir disparu du vocabulaire de Rajoy (le premier Ministre, ndlr) et compagnie ».

Comme la charte fondamentale espagnole peut être aussi repensée en vue d’un véritable Etat fédéral, avec toutes les garanties pour les diverses régions d’être entendues et de se faire entendre. L’actuel puzzle de statuts d’autonomie divers et inégaux a fait son temps. Deux hommes l’ont probablement fait aussi après cette affreuse journée: Carles Puigdemont et Mariano Rajoy.

«Une idéologie dépassée, provinciale et aberrante»

Reste, au-delà de l’actualité, une question qui taraude bien des Européens. Le grand écrivain péruvien, Mario Vargas Llosa, qui connaît parfaitement l’Espagne, la pose ainsi: «Comment se peut-il qu’en Catalogne, une des régions les plus cultivées et cosmopolites d’Espagne, apparaisse avec cette ampleur une idéologie aussi dépassée, provinciale et aberrante que le nationalisme? Rien n’est plus opposé au provincialisme raciste et anachronique que la grande tradition culturelle bilingue de la Catalogne, avec ses artistes, musiciens, architectes, poètes, romanciers, chanteurs qui furent presque toujours à l’avant-garde, expérimentant des formes et des techniques nouvelles, s’ouvrant au reste du monde, s’appropriant l’innovation avec appétit et la propageant dans le reste de l’Espagne. Comment faire coïncider un Gaudi, un Dali, ou un Tàpies avec un Puigdemont ou un Junqueras?» 

Vargas Llosa voit l’explication dans «un travail systématique d’endoctrinement, commencé dans les écoles et diffusé dans toute la société à travers les moyens de communication orchestrés et financés par le «Govern» catalan depuis les années de Jordi Pujol.» Il dénonce aussi «l’incurie et l’ingénuité» du gouvernement espagnol ainsi que de l’élite politique et intellectuelle du pays qui ont pensé qu’avec le temps, les choses s’arrangeraient d’elles-mêmes. 

Sa conclusion: «Il s’agit de convaincre les Catalans par tous les moyens rationnels possibles que le nationalisme est l’un des pires ennemis de la liberté, qu’il leur faut laisser derrière eux ce moment funeste, comme un cauchemar qui s’évanouit au réveil.


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